À Paris avec… le photographe Sebastião Salgado

Rencontre

Mise à jour le 06/01/2025

Sebastiao Salgado pose près de son travail
Ses clichés en noir et blanc ont fait le tour du monde. Après avoir signé la carte de vœux de la Ville, le photographe multirécompensé Sebastião Salgado se prépare au lancement de la Saison croisée France-Brésil en 2025. Rencontre.
« Je suis arrivé dans une ville que je connaissais déjà alors que je n’y étais jamais allé. » Telles ces histoires d’amour qui sonnent comme une évidence, Sebastião Salgado savait déjà tout de Paris, ou presque. « Au Brésil, je regardais la carte de Paris tous les jours. Je connaissais les boulevards, les petites places, les églises… » nous raconte-t-il, remontant le fil du temps d’une voix douce.

Amoureux de la capitale…

Le temps, c’est d’ailleurs ce qui l’a saisi lors de ses premiers pas dans la capitale le 21 août 1969, après avoir fui la dictature militaire. « Les journées commençaient tôt et s’éternisaient le soir, ce que l’on ne connaît pas dans nos pays tropicaux. La ville était baignée d’une lumière exubérante, c’était incroyable. Puis les autres saisons sont arrivées et j’ai observé pour la première fois cette variation de lumière. Une merveille que j’ai d’abord attribuée au pouvoir de Paris… »
Cinquante ans plus tard, la magie opère toujours chez l’artiste multirécompensé, désormais totalement Parisien. Avec poésie, il évoque ses déambulations aux quatre coins de la ville, notamment lorsqu’il s’enivre de l’effervescence du 10e et du 11e, ses arrondissements préférés, qu’il rejoint chaque jour en longeant le « merveilleux » canal Saint-Martin.

Une grande exposition dans un musée parisien en 2026

Alors que sa terre natale est honorée cette année dans le cadre de la Saison croisée France-Brésil, le membre de l’Académie des beaux-arts (6e) se réjouit d’assister au mariage de ses deux pays de cœur. « L’influence culturelle française est énorme au Brésil. À partir de la fin du XIXe siècle et tout au long du XXe, toutes les grandes villes du pays avaient une alliance culturelle avec la France, ce qui explique pourquoi la culture française y a été massivement transmise. » Pour l’occasion, il prépare un livre et une exposition, imaginés avec l’écrivain Erik Orsenna autour de la notion d’alliance, qu’elle soit célébrée par la solidarité humaine, qu’elle lie les différents éléments de la nature ou qu’elle nous unisse aux autres êtres vivants.
Mais ce n’est pas tout ! Après avoir capturé Paris au moment où elle se teintait de jolies couleurs automnales, Sebastião Salgado s’apprête à photographier la capitale qui mue au fil des saisons. Un projet qui fera l’objet d’une belle exposition en 2026 dans un musée parisien. « Ce sera mon Paris, avec un point de vue très personnel qui surprendra peut-être. En tout cas, ce sera différent de toutes les photos que j’ai vues de la ville. »

Ses endroits parisiens préférés

Notre-Dame de Paris

« Quand je suis arrivé à Paris, sa beauté m’a touché en plein cœur. Je me souviens notamment d’avoir assisté à un concert d’orgue à Notre-Dame (Paris Centre) avec ma femme. L’une des plus belles choses que j’ai vues de ma vie ! On a beaucoup arpenté la ville et on était totalement émerveillés, de la tour Eiffel (7e) au parc Montsouris (14e), en passant par la maison du Brésil de la Cité universitaire (14e), où il y avait tous ces étudiants venus du monde entier. Pour nous, c’était le paradis : il y avait tant à y découvrir ! »

Aux Rendez-vous des Camionneurs

« Quand j’étais étudiant, je cherchais des adresses bon marché. Je me souviens d’un tout petit restaurant qui s’appelait Aux Rendez-vous des Camionneurs (Paris Centre). C’était tellement bon ! On adorait y aller avec ma femme, puis faire une promenade sur le quai de la Mégisserie (Paris Centre), où l’on pouvait admirer de nombreux oiseaux et de jolies plantes. C’était magnifique ! »

L’Opéra Bastille

« J’adore aller à l’Opéra Bastille (12e). J’aime le son, le volume de la salle et, en plus, je m’y rends à pied, vu que c’est à côté de chez moi. »

L’Académie des beaux-arts

« Je la fréquente beaucoup puisque j’en suis membre. Avec mes collègues académiciens, on récompense et on subventionne des artistes retraités, on les accompagne. On offre aussi des résidences à des étudiants étrangers. C’est ce côté humain et social de cette institution culturelle que j’aime. »

La coulée verte René-Dumont

« Le week-end, j’aime me promener dans le bois de Vincennes (12e). C’est un plaisir immense de pouvoir emprunter cette promenade d’une beauté rare qui va de Bastille au bois. Toute cette végétation, c’est absolument grandiose. »

Le canal Saint-Martin

« Mon studio est situé quai de Valmy. C’est plein de commerçants, de restaurants, de gens que je salue tous les jours. Ce qui me touche, c’est cette addition de villages composant Paris. J’ai voyagé dans plus de 130 pays en tant que photographe, mais il n’y a qu’ici que j’observe un tel brassage de cultures. »

Le Verre volé

« Ma cantine, c’est Le Verre volé (10e). C’est très simple, mais je crois qu’il n’y a pas une adresse qui l’égale dans la qualité de sa cuisine en France. Ce sont des petites tables comme je les aime. Je fréquente bien sûr les grands restaurants, j’y suis invité et c’est très beau, mais ce n’est pas aussi bon que cette petite cantine sur les quais. »
Cette interview a été publiée dans le numéro de janvier-février 2025 du magazine « A Paris », en lecture gratuite ici.
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