Anne-Cécile Mailfert : « Paris offre des opportunités uniques aux femmes, mais les défis restent nombreux »

Rencontre

Mise à jour le 03/03/2025

Femme en pull rose croisant les bras
Présidente et cofondatrice de la Fondation des Femmes, Anne-Cécile Mailfert s’investit pour accompagner les associations et améliorer les conditions de vie des femmes. Pour Paris.fr, elle revient sur ses combats et les défis spécifiques des femmes à Paris.

Comment est né votre engagement féministe ?

C’est une prise de conscience qui vient de mon expérience personnelle, qui est celle de beaucoup de femmes : j’ai compris très tôt que je n’aurai pas les mêmes opportunités ni les mêmes risques que mes frères. Adolescentes, nous faisons face au harcèlement de rue, puis au mépris au travail, aux violences dans l’espace public ou privé, aux effets de la masculinité toxiques… Ces injustices répétées, ces discriminations, s’accumulent. Ce n’est pas normal ! On peut être dans le déni, et c’est pratique un temps, ou alors se mettre en colère et avoir envie de changer les choses.
J’ai décidé de m’engager. Je suis d’abord devenue bénévole dans une association d’aide aux personnes prostituées à Paris. C’était un véritable choc : en participant à des maraudes de nuit, j’ai découvert des lieux et des réalités très dures, comme les trafics humains. Par la suite, j’ai élargi mon combat à l’égalité dans le travail, toujours avec cette volonté de changer les choses profondément.

Qu’est-ce qui a motivé la création de la Fondation des Femmes ?

En quinze ans de terrain, j’ai vu tant de femmes en grandes difficultés. Mais aussi tant de petites associations qui leur tendaient la main, mais qui manquaient cruellement de moyens. : pas de locaux pour se réunir ou stocker du matériel, pas de lieu chaleureux pour proposer des permanences ou accueillir les femmes en danger… J’avais déjà fait de la levée de fonds et je me suis dit que je pouvais utiliser mes compétences pour une cause qui me tient à cœur.
La Fondation des Femmes a été créée en mars 2016 sous l’égide de la Fondation de France. Elle finance les actions en faveur de l’égalité femmes-hommes, de la lutte contre les violences et pour les droits des femmes : en 2024, 3,8 millions d’euros leur ont été reversés grâce à des dons privés et publics.

C’est quoi, la Cité Audacieuse ?

C’est un lieu unique au monde consacré à l’égalité femmes-hommes ainsi qu’au rayonnement des droits des femmes, où les associations féministes peuvent travailler ensemble, partager des idées, proposer des expositions, accueillir des femmes en difficulté et des militantes autour d’un café associatif. Ouvert en mars 2020 par la Fondation des Femmes avec le soutien de la Ville de Paris, il fait rayonner le féminisme et ses combats.
À la Cité Audacieuse, basée rue de Vaugirard (6e), chaque petite association peut montrer ce qu’elle fait, tester des nouvelles méthodes d’accompagnement et de reconstruction, des groupes de paroles…
C’est positif pour les femmes aidées, mais aussi pour les militantes : quand on travaille sur des sujets aussi durs, ce n’est pas bon d’être isolé. Ici on est ensemble, on est toutes sensibles et sensibilisées aux mêmes problématiques et on peut se soutenir. Il faut prendre bien soin des associations pour qu’elles puissent prendre soin des femmes et des enfants qu’elles accompagnent.

À quels défis les femmes parisiennes doivent-elles faire face ?

Paris est une ville de contrastes. D’un côté, c’est un espace d’opportunités : les services publics, les transports, la diversité des offres culturelles ou professionnelles permettent leur émancipation.
C’est une ville où les solutions sont plus nombreuses pour demander de l’aide si besoin : associations, services sociaux, police, médecins… C’est aussi un lieu où l’anonymat permet parfois une plus grande liberté, notamment pour les femmes lesbiennes ou celles qui veulent sortir des normes.
Mais Paris a sa part d’ombre aussi : la promiscuité dans le métro favorise les agressions de la part des hommes. Le prix des loyers peut être un frein pour certaines femmes pour quitter un conjoint violent. La précarité touche davantage les femmes, avec des salaires plus bas. Bref, même dans une capitale comme Paris, la liberté des femmes reste conditionnelle.

Peut-on dire que l’on va vers davantage d’égalité femmes/hommes ?

Oui, absolument… On en est plus si loin même ! Ces dernières années, notamment depuis #MeToo, les mentalités ont énormément évolué. Aujourd’hui, la lutte contre les violences faites aux femmes est largement reconnue comme essentielle. L’égalité est devenue une valeur forte pour beaucoup.
En moins de dix ans, nous avons obtenu des avancées incroyables en termes de lois, de sensibilisation, et même de mobilisation des entreprises. C’est très satisfaisant quand on milite de remporter de telles victoires !

C’est grâce à une « bande de femmes » que l’humanité tient debout et continue d’avancer !

Anne-Cécile Mailfert
Présidente de la fondation des femmes
Cependant, cette accélération a engendré des résistances. Simone de Beauvoir disait : « Personne n’est plus arrogant envers les femmes, plus agressif ou méprisant, qu’un homme inquiet pour sa virilité ». Cette phrase résonne particulièrement aujourd’hui. Les résistances sont là, mais cela prouve aussi que nous avons bousculé le statu quo.

Quelles figures féminines vous inspirent dans votre combat ?

Il y a des femmes emblématiques, comme Gisèle Halimi, qui avait un sacré panache ! Mais je suis surtout admirative de femmes anonymes : des survivantes, des militantes, des collègues, des membres de ma famille… De leur force, de leur capacité à rebondir, de leur engagement… C’est grâce à une « bande de femmes » que l’humanité tient debout et continue d’avancer !
Tout ce qui concerne l'égalité femme/homme à Paris vous intéresse ?
Default Confirmation Text
Settings Text Html