Au cœur d'un centre d'hébergement pas comme les autres à la porte de Saint-Cloud
Reportage
Mise à jour le 25/01/2024
Sommaire
Dans le cadre du Plan d’urgence hivernal (PUH), de nombreuses structures du territoire parisien sont transformées en sites adaptés à de l’hébergement d’urgence. C’est notamment le cas d’un ancien magasin de sport du 16e arrondissement. Immersion dans un endroit unique.
Chaque hiver, la Ville de Paris
et les associations se mobilisent pour venir en aide aux personnes en situation
de rue. Exemple concret : le centre d’hébergement de la porte de
Saint-Cloud (16e), qui a repris du service
depuis le 30 novembre 2023. Ce lieu unique, à deux pas du Parc des Princes, met
100 lits à disposition d’hommes isolés.
Alors que la 7e édition de la Nuit de la Solidarité (dans la nuit du 25 au 26 janvier 2024) se
profile, nous nous sommes rendus sur place pour comprendre le fonctionnement du
site et rencontrer ceux qui y vivent et y travaillent.
De magasin de sport à centre d’accueil
À première vue, rien n’indique
qu’un centre d’hébergement de 1 500 m2 se trouve là. Pourtant, c’est
bel et bien le cas. Pour y accéder, il faut monter un escalier d’une vingtaine de marches et passer une épaisse double porte en verre.
Inauguré en 2021, ce centre occupe les locaux d’un ancien magasin de sport.
Seul vestige de ce passé, une immense fresque le long des escaliers, sur
laquelle on peut apercevoir quelques (ex-)stars du Paris Saint-Germain. « On aimerait bien mettre cette fresque au
goût du jour et la remplacer par une autre sur le thème de la solidarité »,
confie Léo Kielbowicz, responsable du site.
La solidarité, c’est la vocation
première du lieu. Entre fin novembre et fin avril, il accueille 80 personnes de
manière permanente. Et lorsque le plan Grand Froid est activé, 20 lits en plus
sont ouverts. « Mais aujourd’hui, même si le
plan Grand Froid a été levé depuis le 23 janvier, il y a toujours près de 95 résidents sur le site », détaille le jeune responsable. Et pour cause,
tant qu’une solution de substitution n’a pas été trouvée pour les personnes
hébergées dans le cadre du plan, elles peuvent rester sur place.
Une solution sur le long terme
Pour l'équipe du centre et les hébergés, cet espace est une véritable bouffée d’oxygène : « Avant, durant la période hivernale, on réquisitionnait des gymnases de
la Ville. Malheureusement, ce n’était pas une solution viable sur le long terme
et nous devions régulièrement changer d’endroit. Niveau logistique, c’était
difficile. »
Mais ce temps est révolu.
Désormais, les hébergés sont logés dans des chambres et ont
accès à des repas chauds ainsi qu’à toutes sortes de commodités (douches,
toilettes…). Plus important encore, ils peuvent se divertir, consulter des
médecins et échanger avec des travailleurs sociaux à leur écoute.
La télévision
est particulièrement plébiscitée par les bénéficiaires, comme le confirme Léo :
« En ce moment, avec la Coupe
d’Afrique des Nations (tournoi de football réunissant les meilleures
équipes du continent africain), la
zone autour de la télé est occupée pendant plusieurs heures. »
Le PUH en quelques chiffres…
1500 m2 : la surface totale du lieu
80 : le nombre de personnes hébergées de manière permanente sur le site
20 : le nombre de lits ouverts dans le cadre du déclenchement du plan Grand Froid
80 : le nombre de personnes hébergées de manière permanente sur le site
20 : le nombre de lits ouverts dans le cadre du déclenchement du plan Grand Froid
Une équipe de volontaires passionnés et à l’écoute
Si les premiers hébergés
n’arrivent qu’à partir de 18 heures, en coulisses, tout le monde s’affaire pour que
tout soit prêt lors de l'ouverture des portes. C’est le cas de Fatima, assistante de direction à la permanence sociale d’accueil (PSA) de Bastille.
Aux alentours de 17 h 30, elle commence à préparer minutieusement tous les sets
de couverts. « C’est ma première
expérience en PUH. Ici, je me sens utile. »
Idem pour Jean-Luc,
« l’homme à tout faire » du
site, comme il se surnomme en souriant. C’est son deuxième hiver porte de
Saint-Cloud. Entre réception de la nourriture, gestion des stocks, ménage et même
appel à des agents quand il y a besoin de renforts, il a en effet fort à faire.
En complément de ces volontaires
chargés de préparer le lieu pour que les arrivants se sentent chaque soir comme
chez eux, il y a aussi sur place un médecin et un psychologue. Ces derniers se
mettent à la disposition des hébergés. C’est le cas d’Alexandra. C’est sa
deuxième fois au PUH en tant que psychologue. « Je me mets à l’accueil et je me rends disponible pour discuter avec
ceux qui en ont besoin, explique-t-elle. Je m’occupe aussi de
la transmission avec les quatre autres psychologues qui viennent à tour de rôle. »
Le fait de s'inscrire de manière durable dans le même bâtiment nous permet de vraiment travailler sur différents projets
responsable du centre d'hébergement de la porte de saint-cloud
Des nouveautés pour les hébergés
Pour son deuxième hiver
d’existence, le PUH de la porte de Saint-Cloud se transforme. « Le fait de s'inscrire de manière durable dans le même bâtiment depuis trois ans, cela nous permet de
vraiment travailler sur différents projets », salue Léo.
Chaque soir, différentes
associations viennent présenter des projets ou animer des ateliers. Sur un grand mur au centre du
plateau, on peut admirer le programme (chargé) de la semaine… « Il y a peu, on a organisé une soirée
cinéma. L’atelier des Beaux-Arts a prévu de venir et on a aussi une
association nommée Reconnect qui vient présenter une solution de coffre-fort numérique pour aider
les sans domicile fixe à dématérialiser leurs documents et les sauvegarder. »
Des activités à l'extérieur du centre sont aussi proposées aux hébergés. Ces derniers ont pu, par exemple, assister à des matchs de rugby avec le Stade français, dont l'antre est situé à quelques centaines de mètres du centre.
Ces initiatives, à la fois culturelles, sportives et pratiques, sont aussi le fruit de
demandes de la part des occupants du lieu.
D’ailleurs, ces derniers seront
bientôt rejoints par une nouvelle personne accompagnée de son animal de
compagnie. C’est l’une des nouveautés mises en place par Léo et son équipe. « On essaye de diffuser le fait qu’on a des
places pour ce genre de population. Elle est très ancrée dans la rue et peu habituée à
être dans des endroits collectifs car il existe peu de places de ce type dans les centres d'hébergement. »
Enfin, d’autres initiatives – récentes – sont à noter, comme des cours de français dispensés à
ceux en ayant l’envie et/ou le besoin. Aussi, un programme de réduction des
risques liés à l’alcool est en cours de réflexion. « Concrètement, explique Léo, nous autorisons la consommation devant le site et nous étudions la possibilité de consommer sur place de manière encadrée avec des professionnels. »
18 heures. Les premiers arrivants
pénètrent dans le grand hall. Certains se regroupent autour des tables pour se
réchauffer, discuter et prendre un café. D’autres vont directement vers leurs
chambres respectives. Le babyfoot, placé au centre de la pièce principale,
attire rapidement du monde. Dans une ambiance calme et amicale, un jeune homme
affublé d’une chapka file au milieu des tables sur un longboard bleu électrique. C’est
Mohammed, il a 20 ans et fait du skate depuis « très longtemps ». Et
quand on lui demande ce qu’il pense du lieu, il répond : « Ici, c’est
parfait. »
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