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Dès 2025, la baignade dans la Seine sera à nouveau possible à Paris sur trois sites, grâce à un long et méticuleux travail de dépollution du fleuve. Une sorte de retour vers le passé, car les bains dans la Seine sont une vieille tradition parisienne. Petite histoire de la baignade dans la Seine et de sa reconquête.
La traversée de Paris à la nage en 1943 (en vidéo) !
Vidéo Youtube
Bientôt un retour aux sources ?
Le 28 novembre 1988, Jacques Chirac, alors
maire de Paris, lance : « J'irai me baigner dans la Seine devant
témoins pour prouver que la Seine est devenue un fleuve propre. » Il évoque
l’année 1994. Le défi ne sera pas tenu à cette échéance. Il
faudra attendre 36 ans et les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 pour
voir les premiers baigneurs dans une Seine rendue apte à la baignade. De fait, les épreuves du triathlon, du para triathlon et la natation marathon
se dérouleront au cœur de la capitale au niveau du pont Alexandre III, reliant
les 7e et 8e arrondissements.
Mieux, en 2025, plonger dans le fleuve sera accessible au
grand public à trois endroits précis : le bras Marie (Paris Centre, Parc des Rives de
Seine) ; le bras Grenelle, entre
le port de Grenelle et les rives de l'île aux Cygnes (15e) ; Bercy, au niveau de la Passerelle
Simone de Beauvoir, en contrebas du Parc de Bercy (12e).
Une
sorte de retour aux sources, car, on le sait peu, mais les bains à Paris dans la
Seine ont été longtemps une vieille tradition.
Des bains très appréciés depuis le XVIIe siècle
Selon les archives, la mode des
bains dans la Seine apparaît au milieu du XVIIe siècle
le long du quai Sully. Particularité, on se baigne dans le plus simple
appareil. Les femmes restent cependant de leur côté, plus ou moins protégées
par de grandes toiles tendues. Mais dès la fin du siècle, les bains dénudés sont
interdits. Toute une organisation se met alors en place pour répondre à la mode
des baignades. Des bateaux, piscines flottantes avant l’heure, proposant des bains
froids (bientôt suivis de bateaux à eau chaude) apparaissent sur la Seine. Les
hommes et les femmes sont séparés. Ces structures flottantes disparaitront au
profit des bains-douches terrestres.
Il n’y a d’ailleurs pas que les humains
qui pratiquent les baignades. Nos amis les chiens se jettent aussi à l’eau. Jusqu’au
début du XXe siècle, il n’était pas rare de trouver sur les quais des laveurs
et tondeurs de chiens professionnels qui les baignaient pour leur faire un brin
de toilette. Un métier aujourd'hui disparu…
Un maître-nageur nommé Deligny
Mais revenons aux humains. Très
vite, les bains dans la Seine sont organisés. Ainsi, c’est en 1801 que la
célèbre piscine Deligny - du nom de l’un des premiers maitres-nageurs qui
donnaient des cours le long des quais du 7e arrondissement – est érigée sur une
douzaine de barges et alimentée par l’eau de la Seine. À la fin du XIXe siècle,
on compte une vingtaine de piscines flottantes similaires au bassin Deligny.
Puis la capitale s’équipe
progressivement de piscines « terrestres » et le nombre de bassins fluviaux
diminue. La piscine Deligny coule en 1993. La Ville de
Paris décide alors de créer la piscine flottante Joséphine Baker qui est mise
en service en 2006 sur la Seine, dans le 13e arrondissement.
Mais avant cela, des
courageux continuent de se baigner directement dans la Seine. Les championnats
de France de plongeons y sont même organisés le 22 juin 1913.
En 1923, le couperet
tombe : la baignade est désormais interdite dans le fleuve sous peine d’amende,
en raison des dangers causés par la navigation fluviale et la pollution.
Une reconquête progressive
L’ère du « tout
voitures » connait ses prémices à compter des années 1930. Progressivement, les rives parisiennes de la Seine vont se transformer. En 1942, l’élargissement
de la chaussée du quai Saint-Michel (5e arrondissement) est achevé. Le tunnel
du quai Malaquais (6e) est quant à lui mis en circulation en 1946 et la voie express rive droite est livrée en 1967. Mais déjà, une résistance aux « autoroutes
urbaines » voit le jour. Ainsi, le projet des années 1970 de créer une voie
express rive gauche au pied de Notre-Dame suscite de nombreuses polémiques et
est définitivement abandonné en 1974.
De la piétonisation des rives…
Il
faut attendre le début des années 2000 pour voir s’ébaucher un début de
reconquête des rives de Seine. En 2001, la voie sur berge rive droite est
fermée à la circulation automobile de mi-juillet à mi-août. À la même époque, l’opération
Paris Plages (2002) est lancée sur les espaces ainsi libérés. Bientôt, avec le
plan « Paris Respire », la totalité des voies sur berge de la rive
gauche, ainsi qu’une partie de celles de la rive droite, est réservée aux « circulations
douces » le dimanche.
Par étapes et
non sans difficulté - notamment des recours juridiques -, le projet de piétonisation
pérenne des bords de la Seine rive droite, annoncé en Conseil de Paris en 2015,
est définitivement adopté en 2018. Avec la création du « Parc Rives de
Seine », sept kilomètres de berges sont rendus aux piétons et aux mobilités douces, de la Bastille à la tour Eiffel.
« L’interdiction de la
circulation automobile édictée par la mairie de Paris est justifiée par la
nécessité de préserver un site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO »,
relève le tribunal administratif dans sa décision. Les rives de Seine sont de fait inscrites au patrimoine
mondial de l'Unesco depuis 1991.
Puis viendra le tour de la
rive gauche. Au total, 10 hectares sont reconquis.
… à la dépollution de la Seine
Reste à s’attaquer à la
dépollution de la Seine. La Ville de Paris n’est pas seule à se mobiliser. Une
multitude d’acteurs publics s’engagent dans ce chantier titanesque :
préfecture de région, conseils départementaux en amont et en aval de Paris, Agence
de l’eau Seine Normandie, L’alliance des ports Le Havre-Rouen-Paris, appelée « Haropa ».
Au total, 1,4 milliard d’euros sont budgétés pour rendre la Seine propre.
L’objectif,
au-delà de la pratique de la baignade, est surtout de redonner vie et de
protéger tout l'écosystème du fleuve. Cela passe notamment par un traitement
bactériologique des eaux usées à la sortie des stations d’épuration et par la suppression
des rejets d’eaux usées des immeubles dans les cours d’eau qui finissent ensuite
dans la Seine.
À titre d’exemple, afin
d'assainir le cours du fleuve, plusieurs ouvrages sont en cours de réalisation.
C'est le cas du bassin de stockage des eaux pluviales d'Austerlitz, d'une
capacité d'environ 50 000 m3, qui doit être mis en service en 2024.
Les premiers résultats
de cette mobilisation arrivent. Début juin 2023, les analyses de l'eau de la
Seine effectuées sur la base de la réglementation européenne en vigueur ont
donné des « résultats excellents ». Déjà à l'été 2022, sur le site des épreuves
olympiques de nage en Seine, 91 % des mesures quotidiennes étaient bonnes
pour la période du 20 juillet au 11 août.
Plus de 35 ans après les propos de Jacques
Chirac, le pari est donc en passe d’être gagné. Mais, au-delà de la simple baignade, l’objectif est devenu plus ambitieux à l’heure du réchauffement climatique: transformer la
Seine en un véritable corridor écologique.
En podcast : Pourra-t-on vraiment se baigner dans la Seine après les Jeux ?
Dans ce troisième épisode d’Enjeux, Caroline Loisel reçoit Paul Kennouche, responsable du cycle et de la qualité de l’eau à la Ville de Paris. Il revient sur l’histoire de la baignade dans la Seine et nous explique en quoi ce plan d’action pour l’amélioration de la qualité d’eau du fleuve, accéléré par les Jeux, s’intègre parfaitement à nos enjeux de biodiversité et de défis climatiques.
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