Balade au vert à la maison de Balzac

Reportage

Mise à jour le 02/09/2019

Nichée sur les coteaux de Passy, rue Raynouard dans le 16e, la maison de Balzac est la seule des demeures parisiennes du romancier, qui subsiste encore. Elle est devenue propriété de la Ville de Paris en 1949 et transformée en musée en 1960. Elle accueille les curieux du titanesque travail de l'auteur de "La Comédie humaine". Visite.
Il faut imaginer Honoré de Balzac dans son petit cabinet de travail, attablé à son minuscule bureau en bois… C'est ici dans sa maison de la rue Raynouard où il vécut de 1840 à 1847, qu'il a corrigé et construit l'ensemble de La Comédie humaine, soit près de 90 œuvres, dans une construction audacieuse qu'il comparait à la celle d'une cathédrale.

Une maison au milieu des vignes en 1840

Si la maison a gardé son aspect d'origine, il faut savoir qu'en 1840, le lieu était la dépendance d'un hôtel particulier érigé au milieu des vignes et d'un décor bucolique. Car ici ce n'était pas encore Paris mais le village de Passy, longtemps lieu de villégiature où dans les belles demeures bourgeoises on venait profiter de la campagne. Là où vivait Balzac était le dernier étage d'une maison qui en comptait trois et où vivaient aussi des ouvriers.
Elle avait ainsi une autre entrée, en contrebas, dans la rue Berton, rue étroite et pavée qui descendait jusqu'à la Seine. Superbement décrite par Guillaume Apollinaire dans le chapitre "Souvenir d’Auteuil" du Flâneur des deux rives, la rue a gardé son caractère verdoyant et insolite.
Balzac vécut là, reclus, avec pour seule compagne sa gouvernante et peut-être amante, madame de Brugnol, dont il prit d'ailleurs le nom. Il se cachait de ses créanciers et de la Garde nationale dans laquelle il ne voulait pas s'engager.

Une maison au jardin merveilleux aujourd'hui

Les travaux de la maison, effectués en 2019, ont beaucoup fait pour recréer un jardin à l'atmosphère d'une grand sérénité où les visiteurs peuvent se poser et profiter d'une vue imprenable la voisine Tour Eiffel. il est aussi possible d'y prendre le thé en terrasse.
Pour favoriser l'accès qui se faisait jusque-là par un escalier, l'entrée du musée a été déplacée et un bâtiment a été construit qui accueille une entrée plus spacieuse, dotée d'une librairie et d'un ascenseur.

Un musée qui donne envie de (re)lire Balzac

La maison est petite avec ses cinq pièces. Du mobilier d'origine, il ne reste rien. À deux exceptions : le bureau de l'écrivain où l'on pourra voir les traces de ses plumes. on y verra aussi un manteau de cheminée qu'il avait acquis croyant à une œuvre d'art. Celui-ci retrouvé dans une famille en Belgique, il y a quelques années, a été acquis par le musée et expertisé comme un travail en bois peu précieux d'un ébéniste de l'époque…
Il ne faut donc pas s'attendre à découvrir un décor habituel de maison d'écrivain. Le parti pris du conservateur du musée est d'ailleurs plutôt de faire entrer dans l'œuvre de l'auteur et de donner envie d'en repartir avec quelques prévisions de lectures au choix des 90 romans ou nouvelles, sorties de l'imagination débordante de l'auteur mais aussi de sa volonté décrire l'analyse sociologique de la société de son époque.

Une œuvre monumentale

On sera d'ailleurs ébloui par le schéma de son œuvre, présenté dans une autre salle avec les œuvres écrites et toutes celles qui étaient prévues mais qu'il n'aura pas le temps de concevoir, mort jeune à 50 ans. À l'image d'un bâtisseur, son œuvre se déploie comme les plans d'une cathédrale. On en trouve l'idée dans sa correspondance, en janvier 1845 : "Vous ne vous figurez pas ce que c’est que La Comédie humaine ; c’est plus vaste, littérairement parlant, que la cathédrale de Bourges architecturalement."
On y découvrira d'ailleurs sa cafetière en porcelaine de Limoges, blanche et rouge, posée sur sa chaufferette, qui servit des centaines de litres de café. Certains disent qu'il en buvait jusqu'à 50 tasses par jour et bien serrées. C'était son carburant pour délier sa prose.

Plus de 2000 personnages

Enfin, une salle présente la multitude des personnages de ses romans, en exposant les plaques en bois gravé dont certaines originales de Gustave Doré, qui servirent à illustrer ses parutions. On y verra aussi une partie de la collection des plaques de l'illustrateur Charles Huard qui à partir de 1912, entreprend de représenter les 2 000 personnages de La Comédie humaine. Deux mille personnages d'un auteur qui travaillait presque comme un biologiste analysant des biotypes : « le Parisien moyen », « la vieille fille de province » à l'aide d'immenses descriptions du milieu où vit son personnage, analysant sa ville, son quartier, sa rue, sa maison pour enfin arriver par exemple, à la chambre d’Eugénie Grandet et enfin à Eugénie "la petite bête" en plein milieu.

Et pourquoi pas lire Balzac dans son jardin ?

Le pari est gagné pour le musée car en sortant des lieux, l'envie est là de se replonger dans la prose exubérante de cet auteur, même si le souvenir de sa lecture au collège a pu laisser chez certains, le goût d'un irrépressible ennui.
Mais ici et aujourd'hui, dans cette maison, la passion des conservateurs sait prodiguer des conseils de lecture, et proposer plutôt que de commencer par Le Père Goriot, d'aborder Balzac par des œuvres plus courtes et plus directement dans l'action, comme "La maison du chat-qui-pelote", "L'Adieu" ou la très drôle "Histoire du curé de Tours".
Pratique
Maison de Balzac
47, rue Raynouard, Paris 16e
Téléphone : +33 (0)1 55 74 41 80
Heures d'ouverture du musée : du mardi au dimanche de 10h à 18h sauf certains jours fériés.
Un merci particulier pour la visite, à Séverine Maréchal, adjointe au conservateur de la Maison de Balzac.