2700 têtes sont tombées place de la Révolution
Le saviez-vous ?
Mise à jour le 19/09/2022
Sommaire
Cris de douleurs, suppliques des condamnés, couperet qui tombe et cadavres qui s’entassent… Vous n’êtes pas devant le dernier Wes Craven, mais bien à Paris, où les crimes les plus sordides ont été commis sous les auspices de la justice et sous l’œil amusé du bon peuple. Balade sur la piste de ces lieux emblématiques qui font aussi l'histoire de Paris… Âmes sensibles s'abstenir !
En place de Grève (4e), on torture et on exécute
L’actuelle place de l’Hôtel de Ville n’a pas toujours abrité
le pouvoir municipal. Depuis le Moyen Âge et la mort de la femme de lettres et libre penseuse Marguerite Porette, sur le bûcher le 1er juin 1310, la
place de Grève fut pendant des siècles le lieu des exécutions capitales.
C’est là que le célèbre bandit
Cartouche fut roué en 1721. Ici aussi qu’officia Charles-Henri Sanson à
partir de 1757, quand il assista son oncle, le bourreau Nicolas-Charles-Gabriel
Sanson, dans l’exécution de Robert-François Damiens. Chez les Sanson, on
exerçait la charge d’exécuteur des hautes œuvres en famille. On avait
l’habitude de ce qu’on faisait et l’on mettait du cœur à l’ouvrage. Mais les
bourreaux aussi ont leurs moments de faiblesse, et l’exécution de Damiens fut si
horrible qu’elle hanta longtemps le jeune Charles-Henri. Son oncle renonça quant à lui à exercer sa charge.
Rendu coupable du crime de lèse-majesté sur la personne de
Louis XV le 5 janvier 1757, Damiens avait été condamné à être écartelé.
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Un procès à charge et un séjour de deux mois à la Conciergerie, pendant lequel il est abondamment torturé, sont le prélude de l’exécution la
plus sanglante de tous les temps. Elle a lieu le 26 mars 1757. Entravé par des
chaines, le malheureux Damiens est tenaillé aux mamelles, aux bras, aux cuisses
et au gras des jambes où du plomb fondu, de la cire chaude et de l’huile
bouillante sont jetés. On lui attache à la main droite le couteau avec lequel
il a poignardé le Roi, après l’avoir préalablement brûlé au fer rouge. Mais le
pire est à venir : l’écartèlement.
Cette dernière opération fut très longue, raconte la Gazette
d’Amsterdam. Les chevaux n’étant pas accoutumés à tirer, au lieu de 4 il en
fallut 6. À plus de 60 reprises, ils tirèrent… Cela n’y suffisant pas encore,
on fut obligé, pour démembrer les cuisses du supplicié, de lui couper les nerfs
et de lui hacher les jointures. Les quatre membres détachés des cordages des
chevaux et le tronc furent ensuite jetés sur un bûcher installé dans l’axe de
l’échafaud.
Un supplice identique avait été
infligé à Ravaillac le 27 mai 1610, régicide du bon roi Henry IV le 14 mai 1610,
rue de la Ferronnerie (Paris Centre). Mais contrairement à Damiens, et après
avoir subi des sévices identiques, il eut la chance d’expirer à la deuxième ou
troisième tirade des chevaux…
L’exécution de Damiens fut la
dernière condamnation par écartèlement en France.
Sur le sujet, on conseille la lecture de l’incipit de Surveiller et Punir, de Michel
Foucault (1975) : les détails y foisonnent…
Au gibet de Montfaucon (10e), on pend et on expose les dépouilles
Situé à 150 mètres de l’actuelle place du Colonel Fabien, le gibet de Montfaucon a de quoi faire
frémir. Aujourd’hui fréquenté par les aficionados du canal Saint-Martin, ce
sordide endroit fut pendant des années une potence où les condamnés étaient
pendus et les dépouilles exposées.
Véritables
distractions publiques, les pendaisons s’y sont enchaînées pendant 6 siècles,
depuis celle d’Enguerrand de Marigny, bras de droit de Philippe le Bel, tombé
en disgrâce et pendu le 30 avril 1315, jusqu’en 1760. Aux XIVe et XVe siècles, l’activité du gibet battait son plein et il arrivait que 50 cadavres
soient exposés en même temps. Si l’on considère un temps d’exposition de
plusieurs mois dans certains cas, on peut aisément imaginer les Parisiens
d’antan se retrouvant sous le célèbre parallélépipède pour jouer à « qui
est qui ? »…
Pour
une description détaillée, on conseille Notre-Dame
de Paris : Victor Hugo y décrit très bien le lieu à la fin du
roman.
Rue de Béthizy (4e), prélude du massacre de la Saint-Barthélemy
En cette fin du mois d’août 1572, Paris suffoque. Les princes de
France et de Navarre sont réunis pour célébrer le mariage du roi de Navarre, le
futur Henri IV, avec la princesse Marguerite de Valois. Dans une France en
proie aux guerres de religion, les tensions entre catholiques et protestants ne
demandent qu’à éclore…
Le 22 août, un peu avant midi, l’Amiral de Coligny, le
chef des protestants, est blessé d’un coup d’arquebuse tiré par Maurevert, un
fidèle de la reine Catherine de Médicis. La tentative d’assassinat met le feu
aux poudres. Les protestants crient au meurtre et réclament vengeance. C’en est
trop pour des catholiques chauffés à
blanc. « Tue, Tue… », entend-on déjà çà et là dans la ville.
Le lendemain,
malgré la promesse faite par le Roi Charles IX de venger l’Amiral, le tocsin
résonne : le massacre de la Saint Barthélemy commence. « Tue, tue… ». À bas l’engeance hérétique, à mort les protestants ! Il faut les tuer,
tous ! « Pour ne pas qu’un seul d’entre eux puisse me reprocher la
mort des autres », aurait dit Charles IX. Un commando dirigé par le duc de
Guise se rend au domicile de l’Amiral, au 144 rue de Béthisy dans le 4e arrondissement. Coligny est dagué dans son lit par
un dénommé Besme, avant d’être défenestré.
Le
corps décapité de l’Amiral sera éviscéré et émasculé, puis trainé dans les rues
et jeté dans la Seine, où il pourrira trois jours avant d’être retrouvé et
exhibé au gibet de Montfaucon. La mort de Coligny annonce celle de plus de 3000 personnes les jours qui suivent à Paris, et de plusieurs dizaines de milliers
partout en France.
Sur
le sujet : Paris ma bonne ville,
de Robert Merle
La Reine Margot d’Alexandre Dumas et, bien sûr, le chef-d’œuvre éponyme de
Patrice Chéreau
Place de la Révolution (8e), ascenseur pour l’échafaud
Énumérer précisément les têtes tombées sur l’actuelle place
de la Concorde relève de l’impossible. Et si nul n’y est tenu, au moins de la
gageure !
Sous la Révolution, c’est Charles
Henri, dit le « grand Sanson », qui officie. On l’a vu plus haut, il
a du métier, puisqu’il l’exerce depuis l’effroyable exécution de Damiens en
1757.
Le 25 avril 1792, Charles Henri Sanson actionne le couperet
de la guillotine pour la première fois. Il tombera des milliers de fois jusqu’en 1795. Pas moins de 2700 têtes ont roulé dans le panier en 3 ans. On
retiendra celles de Louis XVI, Marie-Antoinette, des montagnards en général (Robespierre,
Danton, Saint-Just, Desmoulins), des Girondins en particulier (Mme Roland,
Olympe de Gouges), et d’autres personnalités telles Charlotte de Corday et Fouquier-Tinville,
l’accusateur public du Tribunal révolutionnaire « institué pour punir les
ennemis du peuple » le 10 juin 1794, en grande partie responsable de
l’amputation de toutes les autres.
Ce n’est qu’en octobre 1795, à la chute de la Convention et
à l’installation du Directoire, que les têtes cesseront de tomber et le sang de
couler. Place de la Concorde en tout cas…
Devant le Mur des Fédérés (20e), la fin d’un rêve
C’est devant l’enceinte du cimetière du Père-Lachaise que
meurt « la Sociale » le samedi 27 mai 1871, à la fin d’une semaine sanglante de
combats acharnés entre les communards et l’armée versaillaise. Ce jour-là, aux
cris de « Mort aux bourgeois » et de « la Commune ou la mort »,
147 soldats de la Commune sont fusillés devant l’enceinte, dos au mur. Les
corps sont jetés dans une fosse commune creusée à son pied. La vermine rouge
est écrasée et les espoirs d’une république sociale s’envolent définitivement.
Le Cri du Peuple,
le chef-d’œuvre de Tardi-Vautrin, met en exergue cet épisode tragique et les
symboles qu’il emporte avec lui.
Notre balade sanglante s’achève ici. Il est des lieux
moins connus dans Paris, des lieux narrés par les bons écrivains où l’Histoire
et les histoires se rencontrent… Des lieux qui ont fortement inspiré
l’imaginaire des grands romanciers et que nous aurons bientôt l’occasion de partager avec vous.
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