Ces amoureux célèbres qui ont laissé leur empreinte dans Paris

Le saviez-vous ?

Mise à jour le 12/02/2020

A gauche Portrait de Juliette Récamier, (1777-1849). Gérard, François, baron / A droite Chateaubriand.  Gaillard, Ferdinand , Graveur Girodet-Trioson, Anne-Louis , Auteur du modèle Chardon, F. (Aîné) , Imprimeur-lithographe.
Balade historique dans Paris, sous les auspices de Cupidon. Rencontrez six couples des XIXe et XXe siècles, entrés dans l'histoire de la capitale parce qu'ils s'aimaient, mais aussi parce qu'ils y ont laissé une création intellectuelle ou artistique encore visible aujourd'hui.

Marie, Pierre et l’Institut Curie (5e)

Leur amour n'aura duré que 12 ans, mais leurs travaux sont passés à la postérité. Pierre (1859 - 1906) et Marie Curie (1867-1934) sont à l’origine de l’Institut Curie, situé au 26, rue d'Ulm (5e), premier centre français de recherche et de lutte contre le cancer.
Le 25 juillet 1895, Pierre et Marie s'unissent, un an après leur rencontre. Pierre est enseignant à l’École de physique et de chimie industrielles de la Ville de Paris. Marie, née en Pologne, est étudiante à la Sorbonne.
Les époux travaillent ensemble et Marie prépare sa thèse d’agrégation de physique, sur le rayonnement naturel de l'uranium, découvert par Henri Becquerel. Elle invente le terme « radioactif ». Avec Pierre, ils découvrent le polonium et le radium, deux éléments radioactifs. En 1903, ils se partagent, avec Henri Becquerel, le prix Nobel de physique. Un nouveau champ médical est ouvert, celui de la radiothérapie.
Le 19 avril 1906, Pierre Curie meurt accidentellement. Marie, seule avec Irène et Éve, leurs filles, continue ses recherches sur le radium. Elle obtient le prix Nobel de Chimie en 1911. En 1914, elle a son propre laboratoire à l’Institut du radium, créé en 1909 par la faculté des sciences de Paris et l’institut Pasteur. En 1920, elle crée une fondation puis un dispensaire, rue d'Ulm. Des laboratoires de biologie et un hôpital suivent, en 1932. L'établissement propose des soins innovants pour le traitement des cancers. Marie Curie s'éteint en 1934, des suites d'une leucémie…
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Que reste-t-il de leur amour ?

Statue de Pierre et Marie Curie dans le jardin du Musée Curie
En 1978, l'Institut du radium et la fondation Curie fusionnent et deviennent l'Institut Curie. Aujourd’hui, c'est un centre de recherche de renommée internationale et un ensemble hospitalier de pointe. Implanté sur 3 sites (Paris, Saint-Cloud et Orsay), il regroupe plus de 3 300 chercheurs, médecins et soignants.
On peut visiter le musée Curie au 1, rue Pierre et Marie Curie (5e), installé dans le laboratoire de Marie Curie à l'Institut du radium de Paris. Il propose de découvrir l'histoire de la famille, de la radioactivité et de ses premières applications. On peut aussi se rendre au Panthéon (5e) où le couple repose depuis 1995.

Aristide, Marguerite, le Bon Marché (7e) et l'hôpital Boucicaut (15e)

À 25 ans, Aristide Boucicaut (1810-1877) quitte sa Normandie et les marchés où il vend laine et tissu et arrive à Paris. Il devient vendeur au Petit Saint Thomas, un magasin de nouveautés rue du Bac (7e). De son côté, Marguerite, née Guerin (1816-1887), quitte Verjux, sa ville natale près de Chalon-sur-Saône. Elle travaille dans une blanchisserie parisienne puis devient vendeuse dans un bouillon traiteur… rue du Bac. C’est là que les jeunes gens se croisent et tombent amoureux. Ils se marient en 1848, date à laquelle Aristide rejoint l’enseigne Au Bon Marché, dirigée par les frères Videau, située à l’angle de la rue du Bac et de la rue de Sèvres.
En 1853, les Boucicaut s'associent aux deux frères et mettent toutes leurs économies dans l'affaire. Les innovations vont bon train : l'entrée libre sans obligation d'achat, les prix fixes, le retour produit, l'achat à crédit et aussi la livraison à domicile. Le succès est immédiat.
En 1869, ayant acheté les parts des frères Videau, les Boucicaut acquièrent un terrain et posent la première pierre du nouveau Au Bon Marché. L'architecte Louis-Charles Boileau et l'ingénieur Gustave Eiffel magnifient le lieu en alliant pierre, fer et verre. Le nouveau bâtiment, terminé en 1887, est organisé en 74 rayons. Commerciaux, mais aussi altruistes, les Boucicaut innovent socialement au sein de l'entreprise : assistance médicale, congés payés, promotions de carrières, cours du soir, cantine, caisse de prévoyance et de retraite.
Aristide meurt prématurément en 1877, laissant son fils diriger le magasin. Mais celui-ci meurt deux ans plus tard. Marguerite Boucicaut transforme alors l’entreprise familiale en une société par actions dont les membres fondateurs sont les principaux collaborateurs d’Aristide : Narcisse Fillot, Émile Morin et Jules Plassard.

Que reste-t-il de leur amour ?

On peut visiter le magasin Au Bon Marché, forcément, au 24, rue de Sèvres (7e), mais aussi l'écoquartier Boucicaut. Pourquoi ? Quand Marguerite décède à son tour, son testament s’inscrit dans la continuité de sa fibre sociale : les employés du Bon Marché reçoivent des legs en fonction de leur ancienneté. Et surtout ; elle confie à l’Assistance publique, son légataire universel, la construction d’un hôpital moderne qui portera son nom. L'hôpital Boucicaut sera bien construit de 1894 à 1897, rue de la Convention dans le quartier de Javel (15e). Il a fonctionné de 1897 à fin 2000, lorsque ses services ont été intégrés à l'hôpital européen Georges-Pompidou. Le site a été aménagé en écoquartier, intégrant des bâtiments de l'ancien hôpital.

René, Juliette et le square Récamier (7e)

Le XVIe siècle avait Roméo et sa Juliette, le XIXe siècle eut René et sa Juliette. Ou plus exactement, François-René de Chateaubriand, écrivain, mémorialiste, homme politique et précurseur du romantisme français (1768-1848), et Jeanne Françoise Julie Adélaïde Bernard, mariée à Jacques Récamier, dite Juliette Récamier (1777-1849), femme de lettres française. Ces deux-là vécurent une liaison qui, « pour les contemporains, paraissait conforme à l'ordre supérieur des choses et soumise aux lois d'on ne sait quelle harmonie préétablie. “Juliette et René”, murmurait-on presque dévotieusement autour d'eux en les regardant vieillir.» C'est en ces termes qu'en septembre 1951, Maurice Levaillant raconte dans la revue des Deux Mondes leur attachement, alors qu'une partie des trente ans de leur correspondance épistolaire entrait à la Bibliothèque nationale. Leur passion ne fut pas sans quelques incartades, jeux de séduction, jalousie et départs, René ayant fort à faire à sa table d'écrivain et dans ses fonctions politiques : ministre de France à Berlin, puis ambassadeur à Londres, Rome ou Venise et Juliette étant trouvée fort jolie par d'autres prétendants…
Cependant, quand ils étaient ensemble, c'est dans le couvent de l’Abbaye-aux-Bois, rue de Sèvres (7e) que les amoureux se retrouvaient. Juliette louait à des religieuses un appartement qui allait devenir l’un des plus importants salons en Europe dans le domaine de la littérature. C’est dans ce salon que Chateaubriand dévoila Les Mémoires d’outre-tombe, grâce à des lectures publiques organisées par sa douce.

Que reste-t-il de leur amour ?

En 1907, l'agrandissement d'une partie de la rue de Sèvres a détruit les lieux, mais les terrains récupérés ont contribué à la création de la rue Récamier et du square Récamier, devenu aujourd'hui square Roger-Stéphane (7e). À l’emplacement de ce square s'élevait donc l'aile de la maison que madame Récamier occupa pendant 30 ans et où Chateaubriand la rejoignit souvent. C'est peut-être pour cela qu'aujourd'hui, cet adorable square bien abrité, à la végétation luxuriante, semble le havre rêvé pour de sympathiques amoureux désirant se bécoter sur les bancs publics (Georges, si tu nous lis…).
Square Roger-Stéphane
7, rue Juliette Récamier
75007 PARIS
Bus
Lignes 63, 68, 83 ou 84.
Métro
Saint-Sulpice, ligne 4 ou Sèvres-Babylone, lignes 10 et 12
Velib
Station 7004, face 28 boulevard raspail Station 6003, 15 rue du vieux colombier Station 7003, rue velpeau

Bruno, Paulette et l'Olympia (8e)

Ils n'en sont pas les créateurs, certes, mais leur collaboration amoureuse et leur passion pour la chanson l'ont fait revivre. Bruno et Paulette Coquatrix ont même donné à l'Olympia sa renommée européenne (mondiale ?) dans les années 1950. Petit retour en arrière : en 1893, Joseph Oller, le fondateur du Moulin Rouge, ouvre au 28 boulevard des Capucines une salle de spectacles, inaugurée par la fameuse danseuse de cancan La Goulue. Mais en 1929, la crise économique provoque la fin des spectacles vivants et l’Olympia devient un cinéma. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le lieu est occupé par l’armée allemande puis par l’armée américaine. C'est en 1954 que Jacques Haïk, le créateur du cinéma Le Grand Rex, reconstruit entièrement l’ancien music-hall et donne naissance au Nouvel Olympia dont il confie les commandes à Bruno Coquatrix. Ce dernier, révélé comme auteur-compositeur à succès de chansons et d'opérettes, a été agent d'artistes, producteur et directeur d'un label avant de prendre la direction de Bobino puis de l'Olympia. Paulette de son côté est costumière de théâtre. Elle rencontre Bruno dans un cabaret. Tous deux vont (re) donner vie au music-hall.
Avec Bruno et Paulette aux commandes, l'Olympia connaîtra ses plus belles heures de gloire. Gilbert Bécaud, surnommé monsieur 100 000 volts, lance le nouveau lieu face à une foule en liesse. Sur scène se succèdent les plus grands noms de la chanson. Barbara, Georges Brassens, Ferré, Sheila, Yves Montand, Michel Sardou, Dalida, Johnny Hallyday et aussi… les Beatles en 1964. Édith Piaf, très malade et en fin de vie, y tient jusqu’à 2 représentations par soir durant 3 mois. Jacques Brel y fait ses adieux en peignoir en octobre 1966.

Que reste-t-il de leur amour ?

L'Olympia 24 boulevard des Capucines (8e) en 2000
En 1979, à la mort de son mari, Paulette hérita avec sa fille de la salle de spectacles qu'elle continua de faire vivre avec passion et détermination, avant de finalement la vendre au groupe Vivendi en 2001 et de mourir à l'âge de 102 ans, en 2018. Aujourd'hui, le nom de Bruno Coquatrix, accolé au nom de la salle de l'Olympia, éclaire toujours le boulevard des Capucines (8e).

Yves, Pierre et la maison de couture Yves Saint Laurent (16e)

Nous sommes en 1958. Celui qui va devenir « le petit prince de la mode », Yves Saint Laurent (1936-2008), âgé de tout juste 22 ans, présente sa première collection en tant que directeur artistique de la maison Dior. L'année précédente, le célèbre couturier Christian Dior qui l'a formé pendant deux ans décède d'une crise cardiaque. Selon ses souhaits, Yves saint Laurent lui a succédé. Intense émotion pour le jeune homme. Ce premier défilé va lui ouvrir les portes de la célébrité, et aussi celles de l'amour : quelques jours plus tard, il rencontre Pierre Bergé (1930-2017). En 1960, Yves Saint Laurent est terrassé par une dépression et hospitalisé au Val-de-Grâce. La maison Dior décide de le licencier. C'est Pierre Bergé qui lui annonce. Réponse d'Yves : « Nous allons créer une maison de couture toi et moi, et tu la dirigeras. »
En 1961, Pierre Bergé et Yves Saint Laurent emménagent au 3, place Vauban (7e). La même année, Pierre cherche des fonds pour ouvrir leur maison de couture au 30 bis, rue de Spontini (16e). En 1974, la maison de couture Yves Saint Laurent déménage dans un hôtel particulier au 5, avenue Marceau (16e). Pendant près de trente ans, le couturier y poursuit l’œuvre entreprise depuis le début de sa carrière.

Que reste-t-il de leur amour ?

Vue du Musée Yves Saint Laurent Paris 5 Avenue Marceau, 75116 Paris
Le 7 janvier 2002, le couturier annonce qu’il met fin à sa carrière et ferme la maison de haute couture. Deux ans plus tard, après d’importants travaux de rénovation, la fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent ouvre ses portes au sein même du bâtiment historique. En 2017, quinze ans après la fermeture de la maison de haute couture et au même emplacement, ouvre le musée Yves Saint Laurent. Sur plus de 450 m2, parcours rétrospectif et expositions temporaires thématiques mettent en lumière l’œuvre d’un des plus grands couturiers du XXe siècle.

Niki, Jean et la fontaine Stravinsky (4e)

1983 Inauguration de la place et de la fontaine Stravinsky Jean Tinguely est à gauche de Bernadette Chirac et Niki de Saint-Phalle, à droite de jacques Chirac
Leurs amis les appelaient les « Bonnie and Clyde de l'art ». Pour lui, elle était « la sorcière aux yeux bleus ». Jean Tinguely (1925-1991) et Niki de Saint Phalle (1930-2002) se rencontrent en 1955. Ils sont alors tous les deux mariés, mais deviennent amis et partagent un atelier. Puis l'amour s'en mêle. Ils se marient en 1960. Pendant 40 ans, Niki, qui exprime son art par des sculptures, de préférence monumentales, et Jean, avec ses « machines qui ne servent à rien » (comme il le disait non sans humour), vont conjuguer recherche artistique et passion amoureuse.
En couple bohème, extravagant et nomade, les amoureux laissent, au gré de leur voyage, des créations communes. En 1966, Niki, avec l'aide de Jean, réalise Hon/Elle, une femme monumentale de 28 mètres de longueur sur 6 mètres de hauteur et 9 mètres de largeur, couchée sur le dos avec les jambes écartées, exposée au Moderna museet, le musée d'art moderne de Stockholm. Dès 1967, Niki et Jean se lancent dans un travail collectif pour une œuvre démesurée, commandée pour le pavillon français de l'exposition universelle de 1967 à Montréal : Le Paradis fantastique. L'œuvre met en scène un groupe de six grandes machines cinétiques qui attaquent neuf grandes « Nanas » de Niki. Suivent en 1972 Le Golem, sculpture monumentale pour jardin d'enfants de Jérusalem, en Israël, ou encore le Jardin des Tarots en Toscane réalisé entre 1979 et 1993 et construit avec la participation initiale de Jean pour les structures.

Que reste-t-il de leur amour ?

À Paris, la création de Niki et Jean la plus connue est sans doute la fontaine Stravinsky, ou fontaine des Automates. Réalisée en 1983, c'est une commande publique entre la Ville de Paris (Jacques Chirac étant alors maire), le ministère de la Culture et le centre Pompidou. L'œuvre est la propriété de la Ville de Paris. Ce monument évoque l'œuvre musicale d'Igor Stravinsky, compositeur russe du XXe siècle qui donne aussi son nom à la place où la fontaine est située. La fontaine est composée de seize sculptures réalisées en résine et éléments métalliques ou assemblages. Elles sont toutes mécanisées, noires ou colorées et sont animées par des jets d'eau.
La fontaine est aujourd'hui en cours de réfection. Le projet consiste à remettre en état la machinerie de la fontaine, à restaurer les œuvres (remise en état des polyesters et des polychromies) et l’étanchéité des sculptures. Le projet a été lauréat du budget participatif 2018. Les travaux se déroulent en 2023.
Et demain ? Quels seront les amoureux du XXIe siècle à laisser leur empreinte dans Paris ? L'histoire le dira…