Covid-19 : des bénévoles engagés auprès des personnes sans-abri

Focus

Mise à jour le 08/04/2020

Attention, cet article n'a pas été mis à jour depuis le 08/04/2020, il est possible que son contenu soit obsolète.
Bénévole d'Entourage
La crise du Covid-19 a perturbé le travail habituel des associations en faveur des plus précaires. Elles ont toutefois réussi à adapter leur fonctionnement pour continuer de soutenir celles et ceux qui en ont besoin. Rencontrez ici quatre bénévoles qui s'engagent en faveur des personnes sans-abri pendant la crise sanitaire.
Qu'il s'agisse d'appeler les personnes sans-abri ou de confectionner des paniers-repas, les associations d'aide aux plus fragiles ont repensé leurs actions pour continuer de les soutenir tout en respectant les gestes barrières et le confinement. La Fabrique de la Solidarité continue par ailleurs d'accompagner les associations en appelant à la mobilisation des citoyen·ne·s en faveur des plus démuni·e·s.

Flore et l'association Entourage ne perdent pas le lien avec les personnes sans-abri

Bénévole d'Entourage
Entourage est une association qui œuvre à maintenir un lien social entre les personnes en situation de rue et les personnes qui ne le sont pas. Partant du principe qu’on ne sait pas toujours comment aborder ni aider les personnes sans-abri, Entourage offre des conseils pour savoir s’y prendre. Elle organise également des événements solidaires et recense les actions en faveur des sans-abri.
Mais à cause de la crise sanitaire, l’association a dû revoir son fonctionnement car les consignes d’hygiène et de sécurité ne permettaient plus d’aller à la rencontre des plus démuni·e·s de la même manière. Flore, une étudiante de 21 ans et membre de l’association depuis plusieurs mois, nous explique comment l’association Entourage s’est adaptée.
« Après avoir annulé tous nos événements, nous avons dû trouver d’autres modèles pour continuer à faire vivre le lien social », explique la jeune fille. Présente dans 5 zones (Lyon, Lille, Rennes, Paris et le département des Hauts-de-Seine), l’association a fait naître le projet d’appels téléphoniques appelé « Les bonnes ondes ». Flore est devenue responsable de ce nouveau projet à Paris.
Concrètement, l’association invite les bénévoles qui le souhaitent à participer, via un formulaire, à "l’entourage" d’une personne en situation de précarité. Entourer une personne dans le besoin signifie, dans les conditions actuelles, des appels téléphoniques réguliers pour entretenir un lien social.
« En quelques jours seulement, de nombreuses personnes ont répondu à l’appel, ce qui nous a permis de constituer une cinquantaine de « bandes », soit des groupes de 3 à 4 personnes, qui entourent d’ores et déjà cinquante personnes précaires. », calcule Flore.

Le lien social ne doit pas s’arrêter avec la fin du confinement. Dans l’idéal, les entoureurs et entoureuses rencontreront la personne entourée et maintiendront une relation.

Flore, 21 ans
bénévole chez entourage
Mais avant de se saisir de leur téléphone, les volontaires ont un peu de lecture à faire. « Chaque entoureur et entoureuse reçoit par mail un kit qui contient une dizaine de documents. » On y trouve, entre autres, la charte éthique et la charte d’engagement, mais aussi un guide de conversation, pour celles et ceux qui ne sauraient pas comment briser la glace, ou encore une liste d’informations pratiques à destination des personnes entourées. La fréquence des appels à passer dépend du souhait de la personne entourée. En moyenne, cela représente 3 à 4 appels par semaine, soit 1 par semaine pour chaque membre de la bande.
En tant que responsable du projet, Flore s’occupe de « mettre en relation les bénévoles et les personnes à entourer, selon leur code postal », car l’objectif est clair : « Le lien social ne doit pas s’arrêter avec la fin du confinement. Dans l’idéal, les entoureurs et entoureuses rencontreront la personne entourée et maintiendront une relation ensemble, même après la crise sanitaire ».
À celles et ceux qui hésiteraient à s’engager, Flore leur conseille de tenter l'expérience. Elle reconnaît qu’elle était assez timide avant. « Mais aller vers l’autre, ça change la vie et le regard. Nous sommes dans une période où on n’a pas d’excuse pour ne pas tendre la main vers quelqu’un, c’est le moment parfait pour se lancer et remettre de l’humanité autour de nous. »

Clémence et La Cloche œuvrent pour les personnes sans logement

Clémence salariée à La Cloche
Clémence, 25 ans, est coordinatrice de projet pour La Cloche, une association qui a pour objectif de faire vivre le lien social entre les personnes avec et sans domicile. Elle invite chacun·e « à s’engager à la hauteur de ses capacités, selon le temps disponible et sa facilité à aller vers les autres ».
Membre de La Cloche depuis novembre 2018, Clémence a découvert l’association par l’intermédiaire d’une amie, alors qu’elle travaillait en centre d’accueil de jour. « J’avais envie de découvrir une nouvelle structure plus axée sur l’inclusion des personnes démunies et la mise en lien des personnes avec et sans domicile », détaille-t-elle.
Depuis le début de la crise du Covid-19, « nous avons cessé nos permanences, activités et événements », déplore Clémence. Mais pas question pour autant de couper le lien avec les personnes qui font partie du réseau de l'association. Grâce aux réseaux sociaux, « on discute et on informe les personnes du réseau de l’évolution de la situation, car les personnes sans domicile ne sont pas forcément au courant des dernières actualités et des conséquences qu’elles peuvent avoir », ajoute-t-elle. La Cloche propose en outre de mettre en relation les personnes sans domicile avec des commerçant·e·s membres du réseau ou des associations partenaires.

On oriente les bonnes volontés vers les structures qui ont besoin de bras et on leur propose également d’agir depuis leur domicile.

Clémence, 25 ans
coordinatrice de projet pour La Cloche
Des guides de bonnes pratiques pour continuer d’agir auprès des plus démuni·e·s ont été conçus dans la foulée et rendus disponible sur le site de La Cloche. « Nous proposons aussi une aide matérielle, en respectant scrupuleusement les consignes d’hygiène, pour faire en sorte que chacun·e puisse se laver les mains. » Enfin, une liste mise à jour régulièrement permet de savoir quels commerces parisiens membres du réseau sont encore ouverts et susceptibles de venir en aide à celles et ceux qui en ont besoin.
Depuis le début de la crise, l’association n’accueille plus de bénévoles. « En revanche, on oriente les bonnes volontés vers les structures qui ont besoin de bras et on leur propose également d’agir depuis leur domicile. » En parallèle, l’association collabore avec Make Sense, une autre structure, qui a mis en place le programme « Ré-action ». Ce dernier invite celles et ceux qui le veulent à fabriquer à leur domicile des kits d’hygiène pour les personnes sans-abri.
Clémence rappelle que la crise sanitaire met en lumière « la situation alarmante des 250 000 personnes mal logées en France et avec qui il faut continuer de garder le lien afin de faire en sorte qu’elles ne deviennent pas encore plus isolées que d’habitude ».

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Juan et Alice mettent les bouchées doubles pour nourrir les plus précaires avec Ernest

Benevoles Ernest
Juan, 29 ans, agent de la Ville de Paris, est bénévole de l’association Ernest depuis 5 ans. Cette association, créée par Eva Jaurena en 2015, combine amour de la gastronomie et soutien aux plus démuni·e·s, en s’associant avec des restaurants et des programmes d’aide alimentaire. Inspirés des pourboires, Ernest crée le concept de « pourmangers » qui sont le résultat d’une majoration de quelques centimes sur l’addition payée au restaurant. Autrement dit, on paie son café ou son plat un peu plus cher et la somme récoltée par le restaurant est ensuite reversée à l’association Ernest. Avec les sommes collectées, Ernest est ensuite en mesure de fournir des paniers-repas à celles et ceux qui en besoin et de participer à des programmes d’aide alimentaire avec des associations locales.
Depuis, l’association a bien grandi. Certain·e·s membres sont devenu·e·s salarié·e·s de la structure, d’autres sont resté·e·s bénévoles et viennent prêter main-forte de temps en temps. Si Juan continue de s’y investir, c’est aussi lié à son intérêt pour la « création de circuits-courts d’aide alimentaire de qualité dans les villes ». Autrement dit, l’association achète des « paniers bio, produits localement par des entreprises de maraîchage d’insertion » qu’elle redistribue ensuite aux structures d’aides aux plus démuni·e·s. Pour ses actions, l’association avait d’ailleurs été lauréate des Trophées parisiens de l’économie sociale et solidaire en 2015.

Dès le début de la crise, des chef·fe·s partenaires nous ont contactés car leurs chambres froides étaient pleines de denrées périssables […]

Juan, 29 ans
agent de la ville et bénévole à l'association ernest
Depuis trois semaines cependant, les activités traditionnelles d’Ernest ont été perturbées. « Dès le début de la crise, des chef·fe·s partenaires nous ont contactés car leurs chambres froides étaient pleines de denrées périssables qu’il aurait été dommage de gaspiller. » Rapidement, bénévoles et salarié·e·s s’activent. Une partie de l’équipe était déjà présente aux Grands Voisins (14e), dans les cuisines du restaurant l’Oratoire, gérées par l'association Yes We Camp.
Commence alors la confection et le conditionnement de paniers-repas à partir des stocks de l’association puis des invendus des restaurants. Heureusement, les chef·fe·s sont présent·e·s, car il est parfois difficile de savoir comment cuisiner successivement de la pintade, de l’agneau ou encore une tonne de burrata toute fraîche. « Sans eux, on ne ferait que de la purée et des soupes », sourit Juan.
« Les Grands Voisins ont beaucoup d’espace, et la cuisine est très grande, ce qui nous permet de ne pas nous marcher dessus », apprécie Alice, 38 ans, bénévole chez Ernest. Avant le début de la crise, la cheffe était déjà investie dans l’association : il y a quelques années comme restauratrice dans l’est parisien et actuellement comme bénévole lors d’événements. Maintenant, elle concocte, une à deux fois par semaine, des menus à partir des invendus acheminés jusqu’à l’Oratoire.
Les repas ainsi préparés se comptent déjà par milliers, entre 2500 et 3000 par semaine. Le rythme est soutenu, y compris pour les bénévoles qui ne sont pas forcément commis de cuisine en temps normal. « Grâce aux bonnes volontés et à la mobilisation à Paris, nous ne manquons pas de volontaires », salue volontiers Juan. En revanche, les invendus viennent à manquer et l’association est à la recherche de professionnels qui souhaiteraient effectuer des dons alimentaires.
L’association Ernest collabore ensuite avec Olvo, une coopérative de livreurs et livreuses à vélo, pour apporter 850 repas qui seront distribués par des bénévoles dans les hôtels sociaux du Nord-Est parisien pour le Samu social. Certaines structures, telles Linkeeet YesWeCamps'occupent de trouver des invendus, de les acheminer jusqu’aux marmites d’Ernest et de prêter main-forte en cuisine si nécessaire. D'autres, à l'image de la communauté des Maraudeurs by Wanted, préparent puis distribuent ces repas dans la rue tous les vendredi soirs.
Preuve s'il en est que la boucle de l’économie sociale et solidaire tourne à plein régime et continue de prouver son inventivité et son efficacité.