Les maires des grandes villes du monde se fédèrent pour obtenir une « justice climatique »

Actualité

Mise à jour le 21/02/2019

Anne Hidalgo, Maire de Paris et Présidente du C40, a réuni mercredi 20 février des maires de grandes villes du monde, des associations, des experts et juristes pour une journée de travail collectif sur les enjeux climatiques. Des mesures innovantes y ont été annoncées.
Permettre aux élus locaux défendant l’environnement d’obtenir justice : telle est l'une des mesures annoncées par Anne Hidalgo, à l'occasion du sommet Justice4Climate, organisé le 20 février à l'Hôtel de Ville de Paris.

Sur quoi a débouché le sommet ?

Anne Hidalgo a annoncé « la création d’une plateforme internationale d’accompagnement juridique – "legal team" – qui sera à la disposition des maires qui veulent engager des actions de justice climatique et notamment des recours contre les États qui ne respectent pas l’Accord de Paris ».
Cette plateforme placée sous l’égide du C40 – réseau des 95 métropoles engagées pour le Climat – mettra à la disposition des villes des services pro bono d’experts et d’avocats spécialisés, en lien avec le Barreau de Paris. « Il s’agit d’un outil concret et innovant pour lutter de manière collective et internationale contre l’inaction climatique et pour l’affirmation d’une véritable justice climatique », a souligné la Maire de Paris et Présidente du C40.
La Ville de Paris, à travers ses élus, se propose d’être acteur et facilitateur de cette démarche collective qui vise à faire avancer, partout, la justice climatique. Anne Hidalgo a confié à ses adjoints parisiens, Patrick Klugman et Célia Blauel, la mission de faire le lien entre les maires, les associations, les experts, le Barreau, les citoyens qui se mobilisent, et le C40.
Revivez la conférence :

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Partout dans le monde, on assiste actuellement à l’émergence d’une « justice climatique » et à un droit à l’environnement opposable de nature à contraindre les États ou les institutions à agir. Dans ce cadre, mercredi 20 février, l'Hôtel de Ville accueillait la conférence internationale Justice4Climate en faveur d’une justice climatique.
Rappelons qu'à travers le C40, Paris et les autres Villes membres agissent pour faire émerger des initiatives et tendre à ce que chaque ville se dote d’un plan climat et atteigne les objectifs de l’Accord de Paris. Ce rôle leader des Villes, Paris l’a incarné avec Bruxelles et Madrid à la fin de l'année dernière notamment face au Permis de polluer.

Une « victoire historique pour l'environnement » en décembre dernier

Dans un arrêté du 13 décembre 2018, le tribunal de l’Union européenne a en effet annulé partiellement le règlement de la Commission fixant des limites d’émission d’oxydes d’azote trop élevées pour l’homologation des voitures. La Maire de Paris était à l'initiative de ce recours conjoint des capitales française, belge et espagnole.

« C'est une victoire historique pour l'environnement, les consommateurs et la démocratie européenne », estime Anne Hidalgo. Cette décision équivaut à « une annulation du "permis de polluer" accordé aux constructeurs automobiles », explique-t-elle. En effet, quelques mois après la signature de l’Accord de Paris sur le climat, la Commission européenne avait modifié les normes d’émission d’oxydes d’azote des véhicules particuliers et utilitaires légers.
Clément Viktorovitch, docteur en sciences politiques, revient sur cette victoire de la Ville de Paris sur la pollution au diesel :

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Avec la participation de maires et d'experts

La conférence de mercredi s'est tenue symboliquement dans l’hémicycle du Conseil de Paris. Elle y a associé des maires, comme Clover Moore, maire de Sydney, des experts et des citoyens porteurs d’initiatives, comme Marjan Minnesma, directrice d’Urgenda, l’association « Notre affaire à tous », Elliot Lepers, à l’origine des campagnes « Il est encore temps » et « On est prêt », Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France, Manuel Pulgar-Vidal, directeur de WWF International, ou encore Corinne Lepage, avocate.

Trois questions à… Jérémie Assous, avocat pénaliste français

En juin 2016, Jérémie Assous dépose au nom de la Ville de Paris une requête devant le Tribunal de l’Union européenne aux fins d’obtenir l’annulation du règlement du 20 avril 2016 sur les émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers.
Pourriez-vous nous expliquer la nature de la requête déposée devant le Tribunal de l’Union européenne?
Il s’agit d’une requête en annulation fondée sur l’article 263 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et spécialement l’alinéa 4. Ce cadre juridique est assez proche de celui qu’on retrouve en droit administratif français avec le recours pour excès de pouvoir. D’ailleurs les moyens susceptibles d’être soulevés, qui ont donc le même objectif, à savoir l’annulation d’une décision juridique, sont assez similaires avec des moyens relatifs à la validité de la procédure et des moyens relatifs au fond avec l’application de la hiérarchie des normes. En l’espèce, l’argument qui a fait mouche se rapporte aux deux aspects :
- premièrement, la Commission a outrepassé la délégation dont elle a bénéficié de la part du Conseil en modifiant la réglementation de 2017 relative à la norme Euro 6 (modification d’un élément législatif essentiel, à savoir la norme Euro 6, alors que la délégation de compétence ne lui permettait que de toucher aux éléments non essentiels) ;
- deuxièmement, la Commission a substitué à la norme existante (Euro 6 version 2007) une norme (Euro 6 version 2016) à ce point différente que le juge n’a pu s’empêcher de juger que cette nouvelle norme était différente de la première sans que l’on en comprenne les raisons scientifiques objectives (le fameux « permis de polluer » formule choc mais terriblement exacte de Mme Anne Hidalgo) laissant entendre que des intérêts économiques avaient primé sur le droit.
En quoi s’agit-il d’une initiative novatrice ?
Elle est absolument novatrice dans sa réussite et ses effets : c’est la première fois qu’une collectivité s’attaque à un règlement de portée générale applicable sur tout le territoire européen, règlement pris au surplus par la Commission, avec l’accord des chefs d’États et avec l’accord de la majorité du Parlement (même s’il a été souligné la faiblesse de cette majorité et la forte dissension au sein du Parlement). La recevabilité de la Ville de Paris est la reconnaissance par le juge des pouvoirs politiques et juridiques propres d’une ville comme Paris dans la mise en œuvre du droit européen.
Quelles conséquences sur la place des maires dans le dispositif judiciaire de l’Union européenne ?
Sont distingués l’ensemble des entités dites infra-étatiques (ville, régions, länder, province et tout autre, selon la dénomination retenue par chaque droit constitutionnel national). Il leur est donné la possibilité juridique et judiciaire d’agir contre la volonté de leurs états, de passer outre les relations diplomatiques qui se jouent entre États et qui peuvent être un frein à l’action et expliquer une forme de pusillanimité étatique. C’est accorder à des organes non étatique un rôle de dimension étatique le temps d’une procédure judiciaire : c’est dire et reconnaître que les Villes et les Régions jouent un rôle majeur dans l’existence même de l’Europe, comme d’ailleurs a commencé à le reconnaître le Traité de Lisbonne de 2009, tendance confirmée par les Accords de Paris de 2015.

Trois questions pour changer le monde à… Clément Viktorovitch

Pourquoi une justice climatique ?
Pour contraindre les États à respecter leur parole ! Voilà des années que les gouvernements s’engagent à lutter contre le réchauffement climatique, font de grandes déclarations, édictent des normes exigeantes. Mais les actes ne suivent pas. Malgré l’Accord de Paris, les émissions carbones de l’Union européenne continuent d’augmenter. Il ne s’agit pas de demander aux tribunaux de faire la loi ou de prendre des décisions politiques. Simplement d’exiger des États qu’ils appliquent ce qu’ils ont signé !
Pourquoi maintenant ?
Parce qu’il y a urgence. La terre se réchauffe. La biodiversité s'appauvrit. Les études scientifiques s’empilent. L’espèce humaine elle-même commence à souffrir des effets du changement climatique. Combien de temps va-t-on continuer à attendre sans rien faire ? Faudra-t-il que nous nous tenions sur les décombres de notre civilisation pour nous décider à agir?
Pourquoi c’est possible ?
Parce que ça l’est, possible ! Les citoyens néerlandais ont obtenu du Tribunal de La Haye qu’il condamne leur propre pays à réduire ses émissions carbones. Les villes de Paris, Madrid et Bruxelles ont obtenu du Tribunal de l’Union européenne qu’il contraigne l'Europe à être plus sévère avec la pollution des moteurs diesels. Le rôle du droit, c’est aussi de protéger les peuples contre les insuffisances et les manquements des États. Il est temps que les citoyens européens s’en saisissent, pour protéger le climat !

Accord de Paris : des actions concrètes menées par les Villes

Plan Vélo: la Ville de Paris intensifie les travaux
Moteur sur la question de la justice climatique, notamment à travers l’action du C40, la Ville s’inscrit par ailleurs aux côtés de la mobilisation citoyenne. En complément, de nombreux dispositifs ont déjà été mis en place (Plan Climat, Volontaires du climat, piétonnisation des berges, des Champs-Élysées, du centre de Paris, Plan Vélo, agriculture urbaine…), mais il reste des combats à mener sur le territoire parisien pour atteindre l’ambition inscrite d’être neutre en carbone.
La Ville de Paris lutte ainsi contre la pollution par une série d’actions concrètes pour favoriser les déplacements alternatifs à la voiture individuelle.