Chercheuse à l’Inserm, épidémiologiste spécialiste du VIH et, depuis le début de la crise sanitaire, très active dans la recherche sur le Covid-19, Dominique Costagliola a pris la présidence du comité consultatif sur le Covid-19 créé par la Ville de Paris le 15 janvier. Elle plaide pour impliquer tous les acteurs concernés dans les décisions à venir pour sortir de la crise, que les enjeux soient sanitaires, économiques ou sociaux. Interview.
En quoi ce comité consultatif sur le Covid vous paraissait-il indispensable ?
Ce comité consultatif a pleinement sa raison d’être, à plusieurs niveaux. D’abord, parce qu’il va permettre de donner la parole aux différents publics concernés. Ce comité n’est pas un conseil scientifique, c’est un comité qui associe toutes les parties prenantes de la vie professionnelle et associative, aux côtés d’un collège de scientifiques. Cela nous permet de discuter ensemble des solutions à mettre en place lorsque nous sortirons de la crise.
Nous l’avons constaté lors de la première réunion le 15 janvier : les gens étaient contents de s’exprimer, d’exposer les problèmes qu’ils rencontrent. Tous étaient volontaires pour travailler ensemble à la recherche de solutions communes pour faire face à la crise et préparer l’après.
Nous n’allons pas traiter de toutes les thématiques en comité plénier, avec 40 intervenants qui prennent la parole. Des groupes de travail restreints produiront des rapports qui seront soumis lors des réunions bimensuelles au comité et permettront de définir des orientations, des chemins à prendre.
Si les scientifiques font des préconisations sur les questions sanitaires, ce n’est bien entendu pas le seul enjeu de cette crise. Faire passer des messages qui unissent les scientifiques et les acteurs publics permet de réfléchir à des solutions acceptables par tous.
Nos expériences professionnelles montrent bien qu’il faut absolument sortir de « la logique du silo », de l’entre-soi professionnel.
Dominique Costagliola
Epidémiologiste à l'inserm, présidente du comité consultatif sur le covid-19
Or ces messages communs font actuellement défaut. Il est pourtant impératif que des représentants des citoyens soient présents dans les comités consultatifs. Plusieurs membres du collège scientifique, dont moi, ont déjà expérimenté cette manière de travailler, notamment sur les questions du VIH ou du choléra. Nos expériences montrent bien qu’il faut absolument sortir de « la logique du silo », de l’entre-soi professionnel.
Avez-vous déjà identifié des pistes, des leviers sur lesquels la Ville de Paris pourrait agir ?
Nous avons déjà identifié plusieurs thématiques à traiter rapidement, comme la santé mentale, par exemple. Je pense notamment aux étudiants qui se retrouvent dans des situations financières précaires, et qui sont bien souvent isolés. Leur proposer un soutien psychologique, ou même financier, peut atténuer leur détresse.
Autre sujet que nous aimerions traiter en nous appuyant sur différentes expérimentations : comment organiser des événements publics dans de bonnes conditions sanitaires ?
Dominique Costagliola
EPIDÉMIOLOGISTE À L'INSERM, PRÉSIDENTE DU COMITÉ CONSULTATIF SUR LE COVID-19
Il y a aussi la question du dépistage : comment mieux l’organiser, faciliter la logistique, ou encore comment accompagner une personne diagnostiquée positive pour éviter qu’elle ne contamine son entourage. On ne peut pas toujours simplement lui recommander de « s’isoler », ça n’est pas toujours compatible avec sa situation.
Autre sujet que nous aimerions traiter en nous appuyant sur différentes expérimentations : comment organiser des concerts, des événements rassemblant du public, dans de bonnes conditions sanitaires ? Pour répondre à ces questions, nous nous appuierons sur des expérimentations qui ont déjà eu lieu ailleurs en Europe.
L’avis des scientifiques doit-il prévaloir sur celui des autres membres du comité ?
L'objectif est d’arriver à proposer des solutions communes, qui conviennent à tous. Nous n’avons pas défini des règles de vote, ce n’est pas l’idée. Notre rôle est de construire des expérimentations sur la base de données scientifiques, et de les proposer dans ce cadre-là.
Nous ne sommes pas là pour dire aux gens ce qu’ils doivent faire. La mairie nous soutiendra dans nos préconisations, mais elle n’a pas non plus la main sur tous les sujets, qui peuvent relever de la compétence des préfectures, des régions ou même de l’État. Nous devrons probablement faire un peu de lobbying pour nous faire entendre. En revanche, sur d’autres expérimentations, la tâche sera sans doute plus facile, car les parties prenantes seront toutes autour de la table.
Aurez-vous des préconisations sur la façon de communiquer, qu’il s’agisse de nouveaux protocoles, de dépistage ou de vaccination ?
Ce n’est pas forcément notre vocation première, mais nous pourrons être amenés à le faire. D’ailleurs, lors de notre prochaine réunion, nous avons prévu de discuter des nouveaux variants du Covid-19 et des dernières données en notre possession. Il n’est pas impossible que nous ayons des recommandations à faire sur la façon de communiquer ces données, afin que le public soit le mieux informé possible. Mais encore une fois, nos recommandations seront à la marge, car ce n’est pas notre cœur de métier.