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Retour sur le lien entre Paris et les Jeux avec Eric Monnin, sociologue, historien et conseiller scientifique autour de l’histoire olympique parisienne.
En quoi Paris a-t-elle influencé l'histoire des Jeux olympiques ?
À l'époque, Pierre de Coubertin veut absolument rénover le système
éducatif français et fonde le Comité pour la propagation des exercices physiques en juin 1888 sous la présidence de Jules Simon qu'il renforce en 1890 avec la Revue athlétique.
Il va aussi se rapprocher de l'USFSA, l'Union sportive française des sports athlétiques, l'ancêtre
du Comité national olympique et sportif français. Et c'est lors du congrès international de Paris, qui se tient du 16 au 23 juin 1894, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, qu'il parvient à rénover les Jeux olympiques et à créer le fameux
CIO, le Comité international olympique. Paris est donc à la genèse même de ce nouvel olympisme.
Le CIO s'organise à
travers une commission exécutive, créée également à Paris en 1921, des commissions, des
sessions et des congrès. Il y a eu huit sessions du CIO dans la capitale (1894, 1901,
1903, 1914, 1922, 1924, 1955 et 1994).
La constitution du CIO est validée au siège du comité olympique français qui se tient
dans le huitième arrondissement le 7 novembre 1921. Il y a eu en tout douze commissions exécutives qui vont siéger à Paris. C'est donc dans la capitale que les Jeux s'organisent. Et c’est comme ça que Paris obtient l’organisation des Jeux de la deuxième Olympiade
en 1900.
En podcast
Dans le premier épisode d’Enjeux, le podcast qui répond aux questions des Parisiens sur les Jeux, Ève Brunelle, cheffe de projet équipement à la délégation générale aux Jeux olympiques et paralympiques, et Eric Monnin, historien et sociologue du sport français interrogent l’héritage de l’édition de 1924 sur le plan matériel et immatériel, et abordent l’effet catalyseur des Jeux sur les travaux de reconstruction tout en retraçant la grande Histoire des Olympiades.
Et a contrario, quelle a été l'influence des Jeux olympiques sur la Ville de Paris ?
Alfred Picard, commissaire général à l'Exposition
universelle, ne veut pas des Jeux olympiques, qu'il décrit comme anachroniques. Il va exiler ces Jeux à Vincennes. C’est ce qui entraîne la création et l'inauguration, en juillet 1900, de la
ligne 1 du métro.
Les Jeux vont
être ouverts dans un vélodrome qu'on appelle la Cipale (aujourd’hui le
Vélodrome Jacques-Anquetil). Ce ne sont pas des Jeux comme on l'entend aujourd'hui, mais ils prendront quand même le
titre de Jeux olympiques.
Les deuxièmes Jeux vont avoir lieu en 1924 à Paris,
même si la Ville n'est pas vraiment d'accord pour les organiser. Mais Pierre de Coubertin, qui arrive au bout de son mandat de président du CIO, les veut absolument. Amsterdam et les Américains étaient alors aussi candidats. Pour ne
pas frustrer la ville d'Amsterdam, le CIO choisit Paris pour 1924, et Amsterdam pour 1928. Cent ans plus tard, le même scénario s'est d'ailleurs répété : un double vote pour Paris 2024 et Los Angeles 2028.
Pour accueillir les 3 089 athlètes des Jeux de 1924, Paris manque d’infrastructures. Le Racing Club de France, qui dispose
d'un terrain, notamment à Colombes, propose au Comité olympique français de mettre son terrain à disposition. Colombes va ainsi accueillir la Cité olympique [ou Village olympique, ndlr] et le Stade olympique.
Si Paris est réticente à l'idée d'accueillir les Jeux et de construire de nouvelles infrastructures, elle mettra quand même à disposition le Vélodrome d'Hiver [détruit en 1959, ndlr, le stade Bergeyre [sur la butte éponyme, ndlr] et la piscine des Tournelles.
Ces Jeux verront aussi l'organisation d'épreuves surprenantes comme le concours des arts, qui rassemble des concours d'architecture, de
peinture, de littérature, de sculpture et de musique.
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Pourquoi la France a-t-elle eu un tel rôle dans le renouvellement des Jeux, alors que les performances sportives n'étaient pas vraiment au rendez-vous ?
Je dirais que c'est culturel et économique. La révolution industrielle, en
Angleterre, a lieu en 1760 tandis qu’en France, cela arrive plus d’un siècle
après. Les sportsmen (athlètes), les public schools (écoles privées), les grandes écoles anglaises comme Eton, Cambridge ou Oxford vont donner la possibilité à cette jeunesse de pratiquer le sport de manière intensive.
Lorsqu'il va rénover les Jeux olympiques, Pierre de Coubertin va s'en inspirer très
largement. Il est fortement influencé par ses voyages et notamment en Angleterre. En 1887, il prononce un discours sur l'éducation anglaise et sur les
bienfaits de l'activité physique contre le surmenage et les maladies tels que
la tuberculose. Un an plus tard, il publie l'ouvrage « L'éducation en Angleterre ».
Hormis Pierre de Coubertin, quelle autre personnalité a marqué l’histoire à Paris ?
On parle beaucoup de Pierre de Coubertin, mais Frantz Reichel est aussi un personnage très important pour Paris et le sport. Il a même un monument dans le 16e qui lui est
dédié, sauf que personne ne le connaît ! C'est pourtant un grand nom du sport français, un rugbyman qui a longtemps œuvré pour le développement du sport, mais qui est toujours resté dans l'ombre de Pierre de Coubertin. [Frantz Reichel a été secrétaire général de l'Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA), du Comité national des sports (CNS) et, à ce titre, du Comité d'organisation des Jeux olympiques (COJO) des Jeux de Paris et de Chamonix en 1924, ndlr].
Quel héritage les Jeux de Paris 2024 vont-ils laisser à la population ?
Les Jeux olympiques sont très importants pour les athlètes, qui ont eu une vie d'entraînement, faite de sacrifices. Les Jeux représentent l'aboutissement d'une carrière. Pour la population, c'est surtout un
spectacle sportif, avec des prouesses techniques et physiques incroyables.
Est-ce que ces Jeux olympiques vont laisser un héritage dans
la société ? Est-ce qu'ils vont permettre une
avancée sociétale du point de vue de l'inclusion ? Pas de l'inclusion
uniquement des personnes handicapées, mais par exemple, de la place de la femme
dans la société, du combat de la sédentarité, de l'obésité. Lors du Covid-19, la population s’est réfugiée derrière des écrans, des téléphones, les liens sociaux ont été rompus. L'héritage des Jeux, c'est aussi ça : le retour du lien social et une mobilité retrouvée.
Les Jeux de Paris 2024 vont aussi laisser un héritage
qu'on appelle intangible, mais pas uniquement à Paris. L'héritage, c'est aussi la sensibilisation au sport avant et après les Jeux, à travers les fameuses semaines olympiques et paralympiques.
Une multitude d'actions et de campagnes seront menées.
Que répondez-vous à ceux qui critiquent les Jeux, notamment en raison de leur coût ?
Qu'il y ait des critiques est tout à fait normal, c'est ça la démocratie. Mais je tiens à rappeler que les Jeux de Paris 2024 sont financés à 96 % par des fonds privés. Un tiers des revenus provient de la billetterie : sur les 10 millions de billets, 5 millions sont vendus en dessous de 50 euros et un million coûte 24 euros. Un peu plus de 400 000 billets coûtent plus de
400 euros. J'ai parfois l'impression que les personnes qui critiquent connaissent mal le dossier. Ces Jeux ne coûteront rien à la France et à l'État français !
En ce qui concerne le passage de la flamme olympique dans les villes et les départements, l'organisation a un coût pour les territoires, mais ça leur offre aussi de la visibilité et l'occasion de jouer un rôle dans ces Jeux. Tout cela a un coût parce qu'il faut bien que les choses
s'organisent correctement !
Vous avez rédigé un rapport sur l'histoire et les lieux des Jeux à Paris en 2022. Que dit-il ?
Il y a une culture olympique qui semble ne pas retranscrire toute la richesse des lieux et l'histoire de
l'olympisme, notamment à Paris. L’olympisme est complètement différent des Jeux
olympiques. C'est une notion que l’on pourrait développer comme un
concept d'objet valise qui permet de voyager dans le monde entier et qui est
reconnu par le monde entier. Les Jeux olympiques sont un outil au service de
l'olympisme, qui va permettre de promouvoir l'idée
olympique.
L'histoire de la ville olympique et l'histoire
de la Ville de Paris à travers l'olympisme mettent en évidence que Paris a été
le centre névralgique de l'institution voulue par Pierre de
Coubertin, qui va être le rénovateur des Jeux. Paris est chargé historiquement, culturellement et sportivement d'olympisme.
Retrouvez les huit premiers épisodes de notre série d'été sur les Jeux olympiques !
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Sur les traces des Jeux olympiques parisiens de 1900 et 1924 (1/9)
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Les Jeux olympiques et Paris, une longue histoire célébrée par l'art (2/9)
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Alice Milliat, à l'avant-garde du sport féminin (3/9)
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L'Insep, la fabrique des champions olympiques (4/9)
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L’incroyable histoire de Michel Théato, vainqueur du marathon en 1900 (5/9)
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À l'origine des Jeux olympiques, Pierre de Coubertin (6/9)
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José Letartre, au galop pour Paris 2024 ! (épisode 7/9)
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Ces 10 sportifs parisiens qui ont laissé leur empreinte dans la capitale (épisode 8/9)
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