La cinémathèque Robert-Lynen fait grandir le regard des enfants

Reportage

Mise à jour le 26/11/2024

Séance de projection à la cinémathèque Robert Lynen
Des tout-petits jusqu’aux collégiens, ils jouent avec les images, apprennent à les décrypter et vivent des expériences enrichissantes autour du cinéma et des médias pour aiguiser leur esprit critique. On vous emmène à la cinémathèque Robert-Lynen (17e), un lieu où l’éducation à l’image crève l’écran !
Dans une salle décorée d’une impressionnante collection d’appareils de projection anciens, une douzaine d’enfants du centre de loisirs de l’école Louise Bourgeois (13e) s’installent autour de la MashUp, une table de mixage ludique. Écrin dédié à l’image niché dans un hôtel particulier du 17e arrondissement, la cinémathèque Robert-Lynen les accueille pour une après-midi de découvertes et de jeux autour de l’image.
Dès qu’ils posent leurs cartes images sur la table, de courtes vidéos se projettent sur un écran : un bébé qui pleure, un couple qui danse, un professeur au tableau… Les jeunes organisent ces séquences, souvent pleines d’humour, selon leur inspiration. Ils ajoutent la musique et les bruitages, en manipulant d’autres cartes puis enregistrent leur voix sur des poèmes.
À travers ce jeu en apparence anodin, les enfants découvrent comment se construisent les images et les messages qu’elles portent, en saisissant l’importance du point de vue de celui qui les crée et les assemble. Une étape essentielle pour développer un regard critique sur l’information et les images qui les entourent au quotidien.

Cartes sur table

Avec cet outil d’initiation au langage du cinéma et des médias, ils découvrent les bases du montage en mode collaboratif et intuitif. « C’est un système pensé pour eux, explique Rafaèle Layani, animatrice de l’atelier. L’idée est de montrer comment une même image transmet des messages très différents selon le montage et comment, avec quelques séquences et des sons, on peut raconter des histoires infiniment variées. »
Résultat : des créations, inventives, spontanées et pleines de vie. « Effet waouh garanti ! Les enfants sont émerveillés », poursuit-elle. Ce que confirme Mansour, 10 ans : « J’ai adoré la table à mixer : en peu de temps nous avons réussi à faire un film ! » « Nous avons choisi ensemble les images et ensuite, j’ai lu un texte au micro sans être trop stressée, c’était très amusant », ajoute Joyce, 11 ans.

La lanterne des enfants éclairée

Cet atelier « Les cartes s’animent » n’est qu’une des nombreuses facettes des activités qu’offre la cinémathèque. Les enfants peuvent aussi découvrir et manipuler des jouets optiques, comme la lanterne magique, ainsi que d’autres dispositifs aux noms exotiques : zootrope, thaumatrope, praxinoscope…
Les illusions visuelles de ces anciens outils d’animation fascinent les jeunes visiteurs.
Fondée en 1925, la cinémathèque a eu pour mission première d’introduire le cinéma comme outil éducatif dans les écoles. De quoi permettre aux enfants d’apprendre en s’amusant sur de nombreux sujets.
La collection de la cinémathèque se distingue par environ 1800 films en 16 millimètres : documentaires, fiction, cinéma expérimental… « Notre fonds est surtout composé de courts métrages, dont les plus anciens datent du début du XXe siècle. À l’époque, les films portaient surtout sur la géographie et les sciences. Puis la collection s’est enrichie d’œuvres de fiction et d’animation venues de divers pays, de véritables pépites ! », détaille Aurélie Champ, documentaliste et médiatrice culturelle.

Tapis rouge pour les centres de loisirs

La salle de projection de la cinémathèque, avec ses rideaux pourpres et ses fauteuils en bois drapés a le charme des cinémas d’antan. Ici, on déroule le tapis rouge aux centres de loisirs parisiens pour une découverte de l’univers du cinéma sur grand écran.
« Chaque séance suit un fil directeur. Nous regroupons les films par thème - les femmes, le sport, la nature, la musique…- ou par époque et genre, comme le burlesque ou le cinéma d’animation…- pour offrir une variété d’expériences aux enfants et les encourager à apprécier les images anciennes, au grain particulier », explique Laure Leroyer, directrice de la cinémathèque.
La programmation des séances « Graines de spectateurs », les mercredis après-midi, encourage les échanges entre les jeunes. « Chaque projection débute par une introduction, se poursuit par un décryptage et se termine par un ciné-débat. Nous prenons le temps de discuter des récits, des aspects visuels et des émotions que les films suscitent. Les enfants expliquent les raisons de leur choix, nous les encourageons à argumenter », explique Elsa Bacle, médiatrice culturelle.
« Nous aimons mettre les films en résonance, en jouant sur les contrastes et en créant des liens entre le passé et le présent », ajoute Marie Guichaoua, également médiatrice culturelle. « Il est toujours étonnant de voir la capacité des enfants à s’approprier des histoires éloignées de l’actualité, avec des supports d’une autre époque. Ils réussissent à en parler et même à rire, notamment avec des films burlesques comme L’Arroseur arrosé des frères Lumière ou des œuvres de Jacques Tati. Cela suscite des discussions où ils expliquent leurs choix. Nous les encourageons ainsi à argumenter et à partager leurs idées. », souligne Laure Leroyer.
Les plus petits aussi sensibilisés
La cinémathèque accueille également, lors des temps d’activités périscolaires (TAP), les mardis et vendredis après-midi, les élèves des écoles maternelles et élémentaires situées à moins de 15 minutes à pied. Dans ce cadre, un trimestre peut être dédié à l’histoire du cinéma.

Séances hors les murs

Dans le cadre du dispositif « 16 mm à l’école maternelle », les projectionnistes se déplacent directement dans les établissements pour y diffuser des films à ce format. « Nous projetons des films à l’ensemble des élèves de 40 écoles à raison de sept séances pendant l’année scolaire », explique Pierre-François Macquaire, projectionniste. « Avec le soutien des directions d’école, nous avons testé un ciné-club familial élargi, « 16 millimètres à l’école », indique Nathalie Mallon-Bariseel, cheffe de projet à la cinémathèque.
Des projections sont également organisées pour les enfants hospitalisés dans des hôpitaux parisiens et pour les tout-petits dans les crèches proches de l’Hôtel de ville. « Sur le terrain, une véritable proximité s’établit avec les enfants. Nous installons le matériel de projection au cœur des groupes, » précise Valentin Rault, projectionniste.

Des festivals de découvertes

Tout au long de l’année, divers événements sont proposés. La cinémathèque initie par exemple les jeunes jurés de Mon premier festival à l’analyse de films.
Dans le cadre du festival Mon premier film, des films d’animateurs et d’enseignants sont présentés aux élèves selon trois catégories (maternelle, élémentaire, collège) pour favoriser les échanges et les découvertes entre eux. Enfin, durant le mois du film documentaire, des réalisateurs viennent présenter leurs œuvres à des collégiens et des élèves d’élémentaire pour les sensibiliser à des sujets de société et encourager leur réflexion.
« La cinémathèque développe aussi de nouvelles activités, tout en restant fidèle à sa mission d’origine et en prenant en compte des enjeux de société liés à l’image » souligne Laure Leroyer.
Depuis septembre 2024, des journalistes familiarisent les 8-14 ans aux coulisses de l’information : métier, déontologie, liberté d’expression… Les enfants rencontrent également des dessinateurs de presse et des photo-reporters. Curieux, les apprentis journalistes interrogent les invités sur leurs métiers et leurs sujets d’actualité. À la cinémathèque, on tourne le regard vers le présent sans perdre de vue le passé !