La réalité virtuelle, nouveau fer de lance de la création
Focus
Mise à jour le 05/10/2021
Sommaire
Média ancien redevenu tendance ces dernières années, le casque de réalité virtuelle est désormais un objet usuel qui s’immisce peu à peu dans les foyers, les musées ou les lieux dédiés au numérique. Si le secteur du jeu vidéo est toujours le premier à exploiter ses potentialités, les films en VR sont un nouveau champ de possibles pour les cinéastes, que la Ville a choisi de soutenir depuis plusieurs années.
Le CENTQUATRE-PARIS propose en ce moment quelques modestes activités loisirs : gravir les pentes de l'Everest, avec des sensations de vertige à couper le souffle ; déambuler au cœur d'un ballet de danse contemporaine interprété par le Royal Swedish Ballet, hypnotique, proche de la transe ; plonger au cœur d'une sublime performance de théâtre équestre , "Ex Anima", créée par Bartabas… le tout sans quitter votre salon, avec un casque de réalité virtuelle, ou plus simplement VR (virtual reality), que vous aurez préalablement retiré au 104, comme on aurait loué une cassette au vidéoclub dans les années 1980.
Lauréat du Fonds Nouveaux Médias de la Ville de Paris, le film de Bartabas vous entraîne dans le sillage des chevaux dessinant un ballet nimbé d'une poésie sombre. Une création ambitieuse, qui n’aurait sans doute pu voir le jour sans aide publique, et notamment municipale.
La réalité virtuelle, c'est quoi ?
Si vous avez besoin d'une mise à jour sur le sujet, la réalité virtuelle est une technologie numérique qui "vise à plonger une personne dans un monde crée artificiellement et à interagir avec, via une interface 3D". Pour cela, on utilise principalement des visiocasques ou casques VR, dont l’offre et les performances évoluent sans cesse.
La VR soutenue par le Fonds Nouveaux Médias
Avant de parler de son soutien aux films tournés en VR, rappelons que la Ville aide depuis de nombreuses années la création cinématographique, notamment par le biais d'aide au financement de courts métrages. Ce n’est toutefois qu’en 2015 que la création numérique entre dans l’équation, via le fonds "transmédia". Le secteur est en effet en plein bouillonnement depuis le milieu des années 2000, avec l’apparition de nouvelles formes de narration, au-delà des formats classiques du cinéma ou de la télévision : des web-séries, des web-docs, des récits interactifs, en réalité virtuelle ou augmentée, des œuvres immersives…
Devenu en 2019 le "Fonds Nouveaux Médias", ce dispositif d'aides ne soutient plus uniquement des projets transmédia, mais encourage avant tout des projets novateurs. De fait, si un projet est estimé innovant, il peut être soutenu par le fonds, même s’il est à destination d’une seule plateforme.
C’est seulement depuis quelques années que la réalité virtuelle est devenue mainstream, notamment avec la mise sur le marché en 2014 d’Oculus, le casque VR de Facebook. La technologie est pourtant ancienne, le premier casque de réalité virtuelle ayant été créé dans les années 1970… Après l'industrie du jeu vidéo, qui "redécouvre" la première le potentiel extraordinaire de la réalité virtuelle, ce sont bientôt le monde du cinéma et celui de la culture au sens large qui l'investissent.
Vidéo Youtube
La VR devient peu à peu fréquentable, plus seulement considérée comme un gadget aux seules fins ludiques à destination des gamers, créateurs et créatrices réalisant peu à peu les immenses possibilités créatives du média. Des "grands noms" comme Jan Kounen ou Bartabas que nous avons évoqué, se passionnent pour cette technologie et sollicitent une aide de la Ville pour proposer des expériences de cinéma inédites et innovantes.
Même pour des cinéastes reconnus, le financement de ces œuvres hybrides, au dispositif à la fois passif et actif, au récit mouvant et scénarisé, est difficile, principalement à cause du manque de débouchés des films en réalité virtuelle.
13 films, dont 2 présentés à la Mostra de Venise
Deux sessions du Fonds Nouveaux Médias sont organisées chaque année pour désigner les projets qui bénéficieront d’une aide à la création et au développement de la Ville. Sur les 84 projets soutenus par le fonds depuis sa création, 13 films de réalité virtuelle ont ainsi pu voir le jour, dont deux ont été présentés à la prestigieuse Mostra de Venise, dans sa sélection consacrée aux œuvres en VR, évidemment de haute exigence. Tous ces films explorent des univers et des narrations d’une grande variété, témoignant de l’immense éventail de possibilités offertes par le média.
Outre le sublime Ex Anima de Bartabas, plusieurs projets de grandes qualité ont pu voir le jour en bénéficiant de l’aide du fonds. Citons-en quelques-uns :
- AYAHUASCA - KOSMIK JOURNEY de Jan Kounen, un projet de réalité virtuelle 360° qui propose au spectateur de suivre le voyage initiatique et chamanique de Jan Kounen auprès des Ayahuasquero, chamans-guérisseurs d’Amazonie qui utilisent une puissante plante hallucinogène comme ingrédient d’une médecine et de rites initiatiques ancestraux.
- ACCUSED NO. 2: WALTER SISULU de Gilles Porte et Nicolas Champeau, retrace la période historique de l’Apartheid à travers la retranscription du procès de Rivonia. Cette expérience en réalité virtuelle 360° plonge l’utilisateur à l’intérieur du tribunal de Pretoria via le regard subjectif d’un témoin qui retranscrit le déroulé de la séance.
- CLAUDE MONET, L’OBSESSION DES NYMPHÉAS de Nicolas Thepot, qui offre au spectateur une (re)découverte des Nympheas, une série d’environ 250 peintures de Monet via la matière et la couleur, qui permet de se déplacer en 3D en temps réel dans toutes les directions et d’explorer sensoriellement les toiles de Monet via le point de vue de l’artiste…
Vidéo Vimeo
Une soirée était prévue en 2020 pour diffuser une sélection de 11 œuvres du fonds, dont plusieurs films de réalité virtuelle, mais elle a été annulée en raison de la pandémie. Un rendez-vous manqué d’autant plus frustrant que les occasions de voir des films en réalité virtuelle, même à Paris, ne sont pas si fréquentes.
La Gaîté Lyrique, lieu dédié aux cultures numériques, était sur le point de créer en son sein un espace dédié à la VR, mais là encore, la crise sanitaire est passée par là, et l’initiative a dû être reportée. On touche là au sujet qui fâche concernant le cinéma en VR : son manque de débouchés en termes de visibilité.
Un potentiel encore à exploiter
Toute expérience en VR se vit entre soi et son casque personnel, dans une forme d’intimité, et il n’existe bien sûr pas de salle de projection de films en VR. Il existe de nombreux lieu dédiés à la VR à Paris, mais uniquement axés sur les expériences ludiques, souvent en groupe, et rarement bon marché. Ces lieux ne proposent pas d’offre de films immersifs, qu’ils soient interactifs ou non.
Quant aux stores en ligne d’expériences en VR, sur celui du casque Oculus ou sur la plateforme Steam, ils sont surtout conçus pour répondre à la demande exponentielle en jeux vidéos. Quelques rares films et vidéos y sont disponibles, mais à la marge de la marge, et très peu mis en valeur.
La VR commence certes doucement à faire son apparition dans les musées. Lors de l’exposition "Électro" à la Philharmonie de Paris, on a pu vivre comme si on y était le processus de création de l'artiste électro Molécule (avec le film "- 22,7°", aidé par la Ville de Paris), enfermé dans une cabane au Groënland pour y produire son dernier album.
De grandes institutions s’y mettent aussi, le Grand Palais par exemple lors de l’exposition "Pompéi", et tentent d'injecter de la VR dans la scénographie dans leurs expositions, des tentatives qui demeurent malheureusement cosmétiques. Les musées sont encore très loin d’exploiter tout le potentiel de la réalité virtuelle en termes d’expérience muséographique.
Vidéo Youtube
Certains lieux de la Ville tentent toutefois de valoriser la VR et de proposer au public des expériences immersives, notamment cinématographiques. Avant la crise sanitaire, les "samedis de la VR" du Forum des images étaient LE rendez-vous hebdomadaire des amateurs et amatrices de réalité virtuelle, qui pouvaient y découvrir chaque semaine une nouvelle sélection de créations internationales.
Le CENTQUATRE-PARIS est également en pointe en la matière, et l’inscrit régulièrement à son agenda d’événements. On ne saurait donc que trop vous recommander le service que propose le 104 jusqu’au 29 mars, cette offre de "VR à emporter" dont nous parlions plus haut, et plus en détails ici. Il faut dire que ces "temps troublés", comme le veut l’expression consacrée, s’y prêtent : le casque de VR permet une isolation sensorielle parfaite, la réalité environnante disparaît durant le temps que l'on veut, et il faut bien le dire, cela fait beaucoup de bien en ce moment.
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