« La ville du quart d’heure est une réponse à l’urgence climatique et sanitaire »
Rencontre
Mise à jour le 09/12/2020
Sommaire
L'universitaire Carlos Moreno détaille les origines de la ville du quart d'heure et l'application de ses principes au territoire parisien.
L’universitaire
franco-colombien Carlos Moreno est professeur associé à l’Institut
d’administration des entreprises de Paris (Université Paris 1-Panthéon
Sorbonne). Il est aussi l’auteur de l’ouvrage « Droit
de cité, de la ville-monde à la ville du quart d’heure » (Éditions de l’Observatoire, 179 pages,
novembre 2020).
Quelle est la genèse de la ville du quart d’heure ?
En tant que chercheur, je réfléchis depuis plusieurs
années aux transformations radicales à apporter face aux changements
climatiques. Avec une question : pourquoi nous déplacer autant de manière
pendulaire, par exemple d’est en ouest, pour aller travailler, et comment
limiter nos émissions de C02 pour nos déplacements ?
La ville du quart
d’heure fait converger trois éléments, qui sont ses trois piliers. Tout
d’abord, elle permet de remettre en question la manière dont nous vivons nos
déplacements. C’est aussi une réponse à la sous-utilisation de nombreux
bâtiments, qui ne sont souvent utilisés que pour un seul usage. Enfin, la ville
du quart d’heure est une réponse à l’anonymat de la vie dans la ville et permet
que la ville soit plus apaisée, avec notamment plus de végétalisation et plus
de convivialité.
La ville du quart d’heure inclut six fonctions sociales principales (se loger et produire dignement, accéder aux soins, s’approvisionner, apprendre et s’épanouir). Comment les avez-vous choisies ?
Avec mon équipe de recherche, nous avons travaillé de
manière très concrète, en nous posant une question : qu’est-ce qui peut
rendre heureux les habitants ? Quels services leur offrir pour qu’ils
soient plus apaisés dans leur vie quotidienne ? Or ce n’est pas la
technologie qui peut tout résoudre.
Il y a trois priorités : le défi écologique pour
atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, le défi économique en luttant
contre la pauvreté, et l’impact social en luttant contre l’exclusion. On a donc
bâti un modèle de ville apaisée en identifiant les six thématiques principales
de la ville du quart d’heure.
Ce principe doit se développer dans un modèle
polycentrique et multi serviciel : partout dans la ville, on doit pouvoir
trouver ces fonctions essentielles. Quand vous offrez la possibilité d’y
accéder, les gens sont plus heureux car ils se déplacent moins et récupèrent du
temps utile de sociabilité avec leur famille ou avec leurs collègues. On a
aussi créé un index qui nous permet d’identifier dans un périmètre donné la
présence des six fonctions essentielles.
Que pensez-vous de l’idée de mettre l’école au centre de la vie de quartier ?
On vit dans un pays où l’école est un lieu d’apaisement qui
fait vivre nos valeurs républicaines. C’est à la fois un lieu de brassage et de
mixité et également un référentiel commun à tout le monde. Avec la ville du
quart d’heure, l’école pourrait par exemple s’ouvrir le week-end et le soir
pour des activités de quartier. L’école deviendrait alors la capitale du quartier,
un lieu créateur de lien social entre les habitants.
La ville du quart d’heure est un concept universel, mais y a-t-il des spécificités parisiennes ?
La ville du quart d’heure n’est pas une baguette magique,
il faut l’adapter aux conditions locales de chaque ville. Paris est à la fois
une ville monde et une ville déséquilibrée entre l’est et l’ouest, entre le
nord et le sud. Il y a des rééquilibrages, notamment économiques, d’habitat et
de travail à opérer.
Comment faire pour que le principe de la ville du quart d’heure soit partagé sur tout le territoire parisien ?
Tout d’abord, il faut une volonté politique pour aller
dans cette direction et mettre en place ce big-bang de la proximité. Ensuite,
il faut produire des outils administratifs et financiers pour encourager cette
politique en décentralisant au maximum : chaque quartier doit, par
exemple, avoir son délégué à la ville du quart d’heure. Enfin, il faut impulser
une dynamique avec l’ensemble des acteurs concernés, pour diversifier et encourager
la mixité fonctionnelle entre chacun des lieux.
Quels sont les exemples qui peuvent inspirer Paris à l’étranger ?
Il y a des inspirations mutuelles : la ville du
quart d’heure s’est imposée dans le monde entier. Melbourne (Australie)
développe, par exemple, « les voisinages
à 20 minutes », Ottawa (Canada), « les voisinages à 15
minutes ». En Europe du nord, les villes, comme Copenhague (Danemark) ou
Utrecht (Pays-Bas) sont déjà très habituées au mode de vie où le vélo est un
mode de transport essentiel. Ces villes nous inspirent, car elles nous montrent
comment on doit changer nos modes de vie.
Le C40, réseau mondial des villes pour le climat, a adopté
ce concept et des grandes villes comme Milan, Montréal, Bogotá, Buenos Aires,
entre autres, vont de l’avant dans cette voie : Paris les inspire aussi car on a
produit un modèle de fonction urbaine très précis. Le génie de Paris est de
répondre à la fois à l’urgence climatique et à l’urgence sanitaire. La ville du quart d'heure est une réponse à ces deux priorités.
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