Les 150 ans de la Commune : les lieux emblématiques (2/5)
Série
Mise à jour le 17/03/2021
Sommaire
Au printemps 1871, de nombreux quartiers de Paris prennent des allures de champs de bataille. Les buttes de la capitale servent de postes d’artillerie. Plusieurs monuments sont détruits ou brûlés. Focus sur ces lieux phares de la Commune.
Soulèvement populaire spontané et éphémère, la Commune de Paris n’a pas laissé de traces vraiment palpables dans la capitale. Écrasée, de courte durée, elle évoque plutôt aujourd'hui une atmosphère, celle d’un Paris populaire, révolté, insurgé, trait d’union quelque part entre 1789 et 1968.
Un Paris qu’il est toutefois possible de se représenter au détour d’une rue pavée de Ménilmontant ou de Montmartre. En ouvrant grand les yeux et en laissant voguer son imagination.
La complainte de la butte
Commençons donc à Montmartre. Le 18 mars à 3 heures du matin, les soldats de Thiers prennent d’assaut la butte, emplacement stratégique des canons de la Garde nationale. Imaginez la place Blanche, la rue Lepic ou encore la rue Myrha plantées de barricades d'où s'échangent des coups de feu meurtriers. Le sang coule aussi à l’angle des rues de la Bonne et du Chevalier-de-la-Barre : sur le même mur toujours dressé sont fusillés les généraux Lecomte et Thomas.
Le fait que la butte soit choisie par la suite (en octobre 1872) pour l’édification d’un des monuments les plus iconiques de Montmartre, si ce n’est de Paris : le Sacré-Cœur, suscite de vifs débats. Les contestations sont même antérieures au début de sa construction (1875-1923) : par exemple en 1873 quand est votée la loi d’utilité publique permettant à l’archevêque de Paris de se substituer à la puissance publique et d’acquérir les terrains nécessaires à la construction, au besoin par la voie de l’expropriation. L’église apparaît alors comme le symbole de l’écrasement des communards au cœur même du quartier où la Commune est née.
Scène de crime au Père-Lachaise
Des barricades et des combats, il en est aussi question sur les hauteurs des 19e et 20e arrondissements. Bastions des communards, ces quartiers ouvriers tombent fin mai 1871 sous les assauts des Versaillais entrés dans Paris par la porte des Lilas.
Les derniers combats se concentrent alors autour et au cœur du Père-Lachaise. Près de 200 fédérés y sont fusillés dos au mur d’une partie nord-est du cimetière, écrivant un des chapitres les plus tragiques de la Commune. Une plaque de marbre, gravée « Aux morts de la Commune, 21-28 mai 1871 » y est apposée depuis 1908 et, chaque année au mois de mai y a lieu une commémoration.
L’histoire raconte que la dernière barricade à tomber dans Paris, le 28 mai vers midi, se trouve un peu plus bas, rue de la Fontaine-au-Roi. Une plaque commémorative y figure également depuis 1991 au niveau du numéro 17. Jean Baptiste Clément, l’auteur du Temps des Cerises (1866) ajoutera d’ailleurs un couplet à sa chanson (intimement liée à la Commune) en hommage à une ambulancière croisée pendant cet épisode tragique.
Un camp retranché dans le 13e
Autre place forte des fédérés, la Butte-aux-Cailles demeure dans l’histoire comme un lieu stratégique des événements de 1871. Difficile à croire aujourd’hui, lorsque l’on se promène dans ce « village » du 13e arrondissement, que le lieu servit de poste d’artillerie. Sa vingtaine de canons pilonnait les positions versaillaises jusqu’à la place Denfert !
La fin de l’histoire est là aussi tragique, comme l'a écrit l’historien Marcel Cerf : « Le jeudi 25 mai, le mouvement versaillais commence. Sur la droite, la brigade Lian quitte le parc Montsouris et se fraye un passage entre le chemin de fer de ceinture et les fortifications. Elle occupe successivement toutes les portes jusqu’au pont Napoléon et s’empare de la gare aux marchandises du chemin de fer d’Orléans. La brigade Osmont, partie de l’asile Sainte-Anne, franchit les ravins de la Bièvre et se jette à l’assaut de la Butte aux Cailles qui est attaquée de front et de flanc à travers enclos et jardins… Après trente-six heures de résistance acharnée, Wroblewski doit céder devant la cinquième et formidable attaque des Versaillais. Les prisonniers sont massacrés sans pitié. »
La colonne Vendôme sous les feux des projecteurs
Durant leur soulèvement, les communards s’attaqueront également à certains symboles de l’impérialisme et du pouvoir en place. L’hôtel de Thiers, place Saint-Georges, aujourd’hui musée-bibliothèque historique, est incendié. Mais l’une des plus célèbres démolitions reste certainement celle de la colonne Vendôme, monument à la gloire de Napoléon. L’événement est d’autant plus marquant qu’il est immortalisé par le photographe Bruno Braquehais, photojournaliste avant l’heure.
L’idée de mettre à terre la colonne proviendrait à l’origine du peintre communard Gustave Courbet, même si celui-ci ne semble jamais avoir parlé de démolition. Coupable désigné par le conseil de guerre, il est condamné en 1873 par le président de la République, le maréchal Mac Mahon, à payer de sa poche sa reconstruction. Ruiné et exilé en Suisse, il s’y opposera jusqu’à sa mort.
L’Hôtel de Ville en flammes
Difficile enfin de ne pas évoquer deux lieux emblématiques du pouvoir parisien lorsque l’on parle de la Commune. L’Hôtel de Ville tout d’abord, où s’installe le nouveau conseil municipal. Il est brûlé lors de la semaine sanglante avec près de huit millions d’actes originaux. La bibliothèque de l'Hôtel de Ville et la totalité des archives de Paris sont ainsi anéanties, ainsi que tout l'état civil parisien. L’école militaire, ensuite, occupée par les communards qui y protègent un important stock de munition. En face, le Champs-de-Mars sert de terrain de manœuvre en plein cœur de Paris, puis à la fin des événements… de fosses communes. Loin du lieu de promenade à l’ombre de la tour Eiffel que l’on connaît aujourd’hui.
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