Les enfants en chœur pour honorer Rawa Ruska

Reportage

Mise à jour le 14/10/2024

La chorale des écoliers et des collégiens du 20e arrondissement chante dans la salle des fêtes de la mairie du 20 accompagnés par quatre instrumentistes à vent de la garde républicaine
De jeunes choristes ont rendu hommage aux prisonniers de Rawa Ruska, camp de déportation en Ukraine pendant la Seconde Guerre mondiale. Une cérémonie émouvante, marquée par la transmission intergénérationnelle de leur histoire.
Dans la majestueuse salle des fêtes de la mairie du 20e arrondissement, une cinquantaine d’élèves de CM2 de l’école élémentaire Gambetta et une vingtaine de choristes du collège Robert Doisneau entonnent avec émotion La Marseillaise en cette mi-septembre.

Accompagnées par un professeur de collège au clavier et quatre instrumentistes à vent de l’orchestre de la Garde républicaine, leurs voix résonnent, captivant un auditoire composé de familles et de membres de l’Union nationale « Ceux de Rawa Ruska »..

La mémoire par le chant

Cette association regroupe les descendants des prisonniers français et belges, déportés dans le camp de Rawa Ruska en Ukraine pour leur résistance à l’occupant nazi. Alain Albert Leclerc, membre de l’association explique les objectifs de l’initiative : « Depuis plus de dix ans, nous associons les enfants à la commémoration. À travers le chant, les enfants sont témoins du refus de la barbarie. Nous sommes des passeurs de mémoire. »
À travers cette démarche, l’association cherche à inculquer une vigilance constante, afin que les leçons du passé ne soient jamais oubliées.

Un répertoire chargé de symboles

Après l’hymne national, les choristes poursuivent avec un répertoire fort de symboles : Le Chant des Partisans, Fleur de Paris, et Douce France. Pour Alain Albert Leclerc, ces chants incarnent la défense des valeurs républicaines, la liberté et la fraternité, tout en évitant de glorifier l’horreur.

« Nous avons choisi des chants entraînants qui symbolisent l’ouverture et l’espoir », explique Mathieu Boutet, professeur de la Ville de Paris (PVP) en éducation musicale qui a accompagné les élèves dans l’apprentissage de ces chants. Ce concert mémoriel se clôt par un message fort d’optimisme et de fraternité avec l’hymne européen, tiré de l’Ode à la Joie de Beethoven.

Mathieu Boutet souligne également l’importance patrimoniale de cet événement, institué depuis plus d’une dizaine d’années : « Les enfants, tout comme leurs frères et sœurs aînés, savent qu’en arrivant en CM2, ils participeront à cette commémoration et ils s’en réjouissent. »

Préparation intense

Très proche de la rentrée scolaire, la date de l’événement a été avancée cette année en raison de travaux dans la salle des fêtes. Ces contraintes logistiques ont imposé des répétitions accélérées, avec jusqu’à deux séances par semaine. « La coopération active avec les professeurs des écoles a permis de relever le défi », souligne le PVP.
Delphine Plat, professeure des écoles à l’école Gambetta, a joué un rôle clé dans la préparation des élèves en leur expliquant le contexte historique : « Nous avons abordé en classe la Seconde Guerre mondiale, la collaboration, la résistance, ainsi que les conditions inhumaines de Rawa Ruska. Ce camp qui disposait d’un seul robinet pour 15 000 personnes avait été surnommé “le camp de la goutte d’eau et de la mort lente” par Churchill. »

Émotion et solennité

Après leur prestation vocale, les élèves ont pris part à une cérémonie au cimetière du Père-Lachaise, où ils ont déposé des gerbes sur la stèle dédiée aux prisonniers de Rawa Ruska. Ils ont également chanté les hymnes nationaux belge, ukrainien et français, accompagnés par l’orchestre des gardiens de la paix de Paris.

André Rakoto, représentant de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), a salué l’implication des jeunes choristes : « Grâce au courage de quelques-uns, la France a pu préserver sa dignité. Il est crucial que cette mémoire perdure. »

L’expérience a profondément marqué les enfants : « Chanter en souvenir de ceux qui ont vécu dans le camp et sont morts pour libérer la France, c’était unique », confie Antonin, 11 ans. Océane, elle, ajoute : « J’ai appris beaucoup sur la Seconde Guerre mondiale et les prisonniers de Rawa Ruska. C’était émouvant de chanter pour eux. » Des jeunes qui par leur voix ont éveillé la mémoire d’un passé porteur d’espoir.