Les fromages «made in Paris» se fabriquent à la Goutte d'Or

«Le jeudi, c'est toujours la course!» : dans son atelier de fabrication, Pierre Coulon slalome entre les bidons de lait cru et les grilles où reposent des dizaines de fromages. «C'est le jeudi matin que nous recevons le lait de vache d'une ferme de Seine-Maritime, détaille le jeune homme, fondateur de la Laiterie de Paris au cœur de la Goutte d'Or. Ils sont en cours de conversion en agriculture biologique.» Les laits de brebis et de chèvre (bio) sont, eux, également livrés pendant la semaine.

Ce lieu de fabrication et de vente, ouvert depuis décembre dernier dans le quartier de la Goutte d'Or (18e) est exceptionnel à Paris : Pierre et sa petite équipe (deux jeunes femmes fabriquent avec lui, une troisième vend les produits) sont quasiment les seuls à produire des fromages dans la capitale, et les seuls à proposer une telle diversité de produits «faits maison» : bûche et crottin de chèvre, lingot de brebis, Excelsior (un Brillat Savarin au lait cru de vache), St-Félicien, chèvre à la tomate et à la sarriette, yaourts, riz au lait… Et des spécialités très locales, tel le Myrha, un fromage affiné… à la bière de la Goutte d'Or (fabriquée dans la rue du même nom) ! «C'est une de nos préparations les plus techniques», explique Aude, fromagère.

Parmi les rares fromagers «made in Paris» Ottanta : Sara fabrique depuis 2015 sa mozzarella dans le 5e arrondissement, un produit également vendu à la Laiterie de Paris. Pourquoi si peu de fromages produits dans la capitale ? «Il y avait autrefois des laiteries dans Paris, elles vendaient notamment du lait produit dans la Brie, explique Pierre Coulon. Elles ont toutes disparu avec l'arrivée des grandes surfaces». Mais point de fromages locaux.

S'installer à Paris était une évidence culturelle pour Pierre Coulon : «Paris reste la place forte de la gastronomie et de l'alimentation». Lui a d'abord monté une ferme en Loire-Atlantique, avec chèvres et brebis, avant de venir dans la capitale. «J'ai débarqué à la Goutte d'Or, se souvient-il. Je me suis éclaté à la campagne, sourit-il, mais je voulais vivre à Paris». Il travaille chez un célèbre fromager, puis s'embarque dans un tour de France des 45 fromages AOP (appellation d'origine protégée) avec même des étapes hors de l'Hexagone (en Grande-Bretagne notamment).

Un tour des fromages pour parfaire ses connaissances, et «rencontrer des producteurs». Avec une conviction forte : «On doit payer correctement le prix du lait». À la Laiterie, les tarifs sont clairement affichés. «En moyenne, je paie le litre aux producteurs le double du tarif des industriels», précise Pierre Coulon. C'est l'assurance d'un produit de qualité (bio ou en conversion bio) fabriqué dans le respect du bien-être animal et un moyen de fidéliser sa source d'approvisionnement. Pour dénicher un local d'activité, il a bénéficié du soutien de la mairie du 18e arrondissement et du bailleur Elogie-Siemp.

Car la Laiterie de Paris a déjà de nombreux adeptes : «On est les plus gros trafiquants de lait cru de Paris!», plaisante Pierre Coulon. Chaque semaine, 200 litres sont ainsi vendus en direct par la boutique, sans compter la fabrication de fromages et produits laitiers.

Désormais, il rêve… de Montmartre. «J'aimerais trouver une cave d'affinage sous la Butte», explique-t-il. Et compte bien s'enraciner à la Goutte d'Or ; «On a un super accueil depuis l'ouverture !»

74, rue des Poissonniers (18e). Ouvert de 16h à 20h (de mardi à vendredi), et de 10h à 20h le samedi.

Métro : Marcadet-Poissonniers