Mon enfant et le numérique : « L'écran n'est pas néfaste en tant que tel, ça dépend de ce qu'on en fait ! »

Rencontre

Mise à jour le 20/03/2024

Une mère et sa fille regardant une vidéo sur l'ordinateur.
Dans le cadre de la semaine « Mon enfant et les écrans », organisée du 23 au 30 mars, Axelle Desaint, directrice d'Internet sans crainte chez Tralalère, nous partage ses conseils à destination des parents. Elle animera une conférence samedi 23 mars à la Villette pour mieux gérer les usages numériques de ses enfants.
En tant que parent, on peut vite être désemparé face aux usages du numérique par ses enfants. Temps d'écran, réseaux sociaux, exposition à des contenus inappropriés, protection des données personnelles : autant de sujets sur lesquels il faut s'informer pour être capable d'accompagner son enfant. Pour offrir des repères fiables et transmettre des conseils d'experts aux familles, de nombreux ateliers et conférences sont organisés à l'occasion de la semaine « Mon enfant et les écrans : bien vivre le numérique en famille », organisée du 23 au 30 mars par la Ville de Paris, la CAF de Paris et l'association WeTechCare.
Axelle Desaint, intervenante lors d'une conférence ouverte à tous le 23 mars au théâtre Paris-Villette (19e), a répondu à nos questions. Elle est directrice d'Internet sans crainte, un programme national de sensibilisation et d'éducation au numérique qui propose plus de 200 ressources gratuites sur son site, à destination des parents, enseignants et médiateurs éducatifs.
Conférence « Comment gérer les usages numériques de mes enfants ? »
Samedi 23 mars, 10 h.
Théâtre Paris-Villette, 211 avenue Jean Jaurès (19e)
Événement gratuit, sur inscription

Depuis quand la sensibilisation aux usages du numérique est-elle un sujet en France ?

Il y a un avant et un après la pandémie de coronavirus. Les confinements ont été un énorme révélateur de la place des écrans dans nos vies et du dénuement des parents sur leur capacité à accompagner leurs enfants. Il y a eu une hausse des cyberharcèlements avec des comportements violents qui ne pouvaient plus avoir lieu autrement qu'en ligne. Sans oublier l'exposition à de nombreux contenus complotistes et à de la désinformation au sujet de la maladie et des vaccins. Tout cela a accéléré la prise de conscience sur l'urgence de l'accompagnement aux usages du numérique. C'est-à-dire aux contenus diffusés sur les différents écrans que nous utilisons (smartphone, ordinateur, etc.).

À 13 ans, un enfant a en moyenne 1300 photos de lui partagées sur internet.

Axelle Desaint
directrice d'Internet sans crainte chez Tralalère

Les enfants passent de plus en plus de temps sur les écrans. Comment expliquer cela ?

Les enfants sont très exposés à des services dont l'objectif est de nous rendre captifs : les réseaux sociaux et certains jeux vidéo. Le modèle économique de ces services repose sur la captation de l'attention et tout est fait pour que la régulation du temps d'écran soit quasi impossible. Sans oublier que ces services sont aussi là pour capter nos données personnelles : il faut bien savoir ce qu'on partage. À 13 ans, un enfant a en moyenne 1300 photos de lui partagées sur internet et ce n'est pas uniquement de son fait. Beaucoup de parents postent des photos de leurs enfants en ligne sans avoir conscience qu'on peut les mettre en danger, car certaines photos peuvent, bien malgré elles, alimenter des réseaux pédophiles.

On dit souvent que les enfants copient leurs parents. Doivent-ils montrer l'exemple ?

Il ne faut pas culpabiliser, mais on a un devoir d'exemplarité quand on est parent. Surtout quand l'enfant est petit et qu'il se construit. Les écrans ne doivent pas être présents pendant les moments d'échange avec son enfant, car ça a un vrai impact. On appelle cela la « technoférence » soit quand des écrans font barrière dans la relation à l'autre. Être sur son smartphone prive son enfant d'un regard et de tous nos gestes qui sont nécessaires à son développement et à la construction de leur figure d'attachement.
En tant que parent, on est tout autant victime des difficultés à se détacher des écrans. Lorsque son enfant grandit, s'il a un usage très régulier du numérique, cela peut être l'occasion de lui dire : « Moi aussi j'ai du mal à m'en passer. Cela te dit qu'on essaye, ensemble, de réduire notre temps d'écran ? »

Quelles recommandations ne sont pas encore bien intégrées par les parents ?

Les informations sur la santé et notamment sur le sommeil ne sont pas bien connues. La lumière bleue des écrans et le fait de nous maintenir en activité a un gros impact sur l'endormissement et la qualité du sommeil. On observe une perte assez spectaculaire de sommeil chez les jeunes qui consultent leur smartphone ou autre avant de dormir. Le conseil d'arrêter les écrans au moins une heure avant de se coucher devrait être mieux connu !
On sait également que les jeunes enfants comme les adolescents ont un vrai problème de sédentarité. Les écrans ne sont pas les fautifs, car les livres ne contribuent pas non plus à bouger. Mais ils participent à ne pas se maintenir en mouvement.

Plein de contenus sont adaptés et peuvent trouver leur place dans l'apprentissage d'un jeune enfant, tant que le parent est présent.

Axelle Desaint
DIRECTRICE D'INTERNET SANS CRAINTE CHEZ TRALALÈRE

Comment permettre aux enfants d'adopter de bons usages ?

Il faut se rappeler qu'il y a des usages du numérique pour chaque âge. Celui du premier smartphone ne cesse de reculer pour atteindre parfois 6 ou 7 ans ! À ce moment-là, ce n'est pas un outil adapté, car acheter un smartphone à un enfant renvoie le message qu'il est prêt à regarder tout internet en autonomie. Sur une tablette, un ordinateur ou un smartphone, il faut utiliser un outil pour protéger l'accès à certains contenus violents, pornographiques ou de désinformation. Les réseaux sociaux ne sont pas non plus une bonne idée avant 13 ans.
L'écran n'est pas néfaste en tant que tel : il reste un outil, mais cela dépend de ce qu'on en fait ! Plein de contenus sont adaptés et peuvent trouver leur place dans l'apprentissage, et même dans l'éveil d'un jeune enfant, tant que le parent est présent. Sans parent, le contenu n'apporte rien et n'a pas de valeur pédagogique, car un jeune enfant n'est pas en mesure de traiter une information qui passe par un écran.
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