Quand Paris fait son cinéma… d’époque !

Reportage

Mise à jour le 05/09/2019

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Il n’y a pas que les touristes qui courtisent la ville lumière : les réalisateurs, français ou étrangers en ont fait leur muse, rivalisant d’originalité pour avoir la chance de tourner dans ses rues, avec les contraintes et les exigences que cela implique. La Mission cinéma de la Direction des affaires culturelles de la Ville de Paris autorise et accompagne quelque 5000 jours de tournages chaque année, un chiffre multiplié par deux en quatre ans. Avec, en 2019, une recrudescence des films et séries d’époque. Visite sur le plateau de la prochaine grosse production française, un biopic sur Gustave Eiffel.
En ce début septembre, le Champs-de-Mars est en ébullition. Majestueux, rutilant, le monument le plus emblématique de la capitale se dresse sur un fond bleu intense et immaculé, dominant de ses 324 mètres une foule compacte massée à ses pieds. Une clameur monte soudain lorsque la calèche présidentielle fait son entrée : les drapeaux tricolores s’agitent au milieu des ombrelles et chapeaux haut-de-forme pour saluer l’arrivée de Sadi Carnot, venu inaugurer en grande pompe… la tour Eiffel. Bienvenue en 1889, à l’Exposition universelle de Paris !
« Coupez, on la refait, les figurants, reprenez vos places ! » Retour en 2019, 130 ans plus tard. Les quelque 180 Parisiennes et Parisiens affublés de leurs costumes Belle Époque s’exécutent tout sourire, ravis de participer au tournage d’un film retraçant la vie de Gustave Eiffel, campé par Romain Duris, dont la sortie est prévue pour le premier trimestre 2021. « Même si vous en apprendrez de belle sur la construction de la tour – saviez-vous qu’à l’origine, elle était rouge ? –, c’est avant tout la vie romancée de son constructeur que ce film met en avant », prévient Robin Welsh, le régisseur général de cette super production.

Mission (rien n’est) impossible

L’apparente décontraction qui se lit sur le visage de Robin ne doit pas faire oublier la masse de travail que demande l’organisation d’un tournage de cette ampleur. « Nous avons deux jours pour tourner ici, sur le Champs-de-Mars, pour une scène qui ne fera finalement que quelques minutes. Tout se passe bien, mais ce n’était pas gagné ! » Celui qui n’en est pas à son coup d’essai dans les films d’époque – « L’Empereur de Paris », « Knock », « Un Sac de billes », etc. – confesse qu’il s’était tout de même autocensuré au début du tournage, persuadé de ne jamais obtenir les autorisations pour tourner sur un tel lieu, l’un des plus touristiques de la capitale. « Finalement, sur insistance du réalisateur Martin Bourboulon, je me suis adressé à la Mission cinéma de la Ville de Paris… Et là, surprise, ils ont dit pas de problème ! » Idem pour les jours de tournage au Petit Palais (8e), devant le Palais Bourbon (7e) ou dans le parc Monceau (8e). «Certes, tout n’est pas toujours possible, mais rien n’est impossible non plus !», s’amuse le régisseur.
Pour Michel Gomez, délégué de la Mission cinéma à la Direction des affaires culturelles de la Ville de Paris (créée en 2002 par Bertrand Delanoë), répondre favorablement aux (nombreuses) demandes des réalisateurs va de soi : « C’est presque de la routine pour nous, sans pour autant que ce soit simple non plus. Mais il y a une véritable volonté politique de faciliter les tournages de films à Paris », justifie-t-il. Et de préciser qu’en quatre ans, le nombre de jours de tournage dans la ville est passé de 2500 à 5000, soit une vingtaine de films, séries et autres publicités tournés chaque jour dans la capitale. Une vitrine promotionnelle au rayonnement international exceptionnel pour Paris.

Les films d’époque très tendance

Coup du hasard ou effet de mode, les rues parisiennes ont vu déferler ces derniers mois plusieurs tournages de films et séries d’époque : la série produite par Canal+ « Paris Police 1900 », dont le tournage a débuté en juillet ; « La Garçonne », avec Laura Smet, une série France 2 tournée à l’été 2019 et dont l’intrigue se situe en 1919 ; « Le Bazar de la Charité », une série TF1 tournée au printemps, inspirée de l’incendie du Bazar de la Charité qui avait fait 125 victimes en 1897, rue Jean-Goujon (8e) ; ou encore le «J’accuse» de Roman Polanski, qui sortira en novembre 2019 avec Jean Dujardin et Louis Garrel.
Outre la logistique propre à toute production qui investit les rues d’une grande ville, se pose l’inévitable problématique des anachronismes pour les films d’époque. À écouter Robin Welch, cette difficulté pourrait presque passer pour mineure : « On supprime tous les détails anachroniques en post-production, grâce au numérique ! Et on ajoute ce qui manque pour retrouver le Paris de la fin du XIXe. » Pour le film «Eiffel», les contre-allées du Champs-de-Mars seront donc réinvesties par de superbes bâtisses Belle Époque et la Galerie des machines construite pour l’Expo universelle de 1889 trônera de nouveau côté École militaire. Quant à l’ascenseur de la tour Eiffel : à la trappe ! « Il n’y en avait pas à l’époque, bien entendu… »

Des « Zones de respiration »

Avec plusieurs milliers de jours de tournage par an, quid des riverains et de leur tranquillité ? « Ça peut parfois poser problème, et il faut trouver un équilibre entre tranquillité du voisinage et l’accueil des tournages. » C’est un des rôles majeurs de la Mission Cinéma, qui travaille en collaboration étroite avec les mairies d’arrondissement et la Préfecture de Police pour définir les périmètres et les périodes les plus adaptés, afin que tout le monde y trouve son compte, notamment en ce qui concerne le stationnement résidentiel.
« Par exemple, lorsqu’un tournage a été particulièrement intense dans un quartier, nous instaurons des «Zones de respiration», c’est-à-dire qu’aucun tournage ne pourra s’y dérouler avant plusieurs mois. » Et de vanter également le professionnalisme des équipes de réalisation, « très pros, très structurées. Il arrive que des riverains se plaignent un jour des désagréments engendrés sur la voie publique, puis le jour d’après, sont surpris de retrouver un site impeccable, comme si rien ne s’était passé ». Des riverains qui, bien souvent également, ne boudent pas leur plaisir lorsqu’ils découvrent sur grand écran un bout de leur quartier consacré par le 7e art.