Sur les traces de l’écrivain James Baldwin à Paris

Le saviez-vous ?
Mise à jour le 17/07/2024
La nouvelle médiathèque de la place des Fêtes (19e), ouverte le 7 juin, porte son nom. Mais qui est l’écrivain américain James Baldwin et quels sont ses liens avec la capitale ?
Le 2 août prochain, James Baldwin aurait eu 100 ans. La nouvelle médiathèque ouverte le 7 juin 2024 dans le 19e arrondissement rend hommage à cette grande figure afro-américaine du XXe siècle, non seulement romancier, dramaturge, essayiste et poète, mais aussi activiste militant pour les droits civiques et LGBTQIA+.

L’écriture, son premier refuge

James Baldwin est d’abord un New-Yorkais pur souche : il naît dans le quartier d’Harlem le 2 août 1924 et grandit entouré de ses huit frères et sœurs, de sa mère et de son beau-père, pasteur. La sévérité paternelle pousse James à s’évader du domicile pour se réfugier dans les bibliothèques. Piqué par le virus de l’écriture, il rédige son premier article à l’âge de 13 ans pour le journal de son collège.
À l’adolescence, il est victime de violences racistes et se réfugie un temps dans la religion – il devient même prêcheur dans une église pentecôtiste à 14 ans… Un an plus tard, après avoir découvert la contre-culture de Greenwich Village (un quartier de New York), il abandonne la religion pour se consacrer pleinement à la littérature.
Le jeune homme commence à écrire des nouvelles, des essais et des critiques de romans. Puis, las des discriminations raciales, mais aussi en pleine crise identitaire sexuelle, Baldwin quitte les États-Unis pour la France.
I'm not your negro, de James Baldwin.

L’exil parisien, 40 dollars en poche

L’écrivain en herbe débarque à Paris le 11 novembre 1948 à l’âge de 24 ans avec 40 dollars en poche. Il se fait rapidement accepter dans le microcosme des artistes américains expatriés qui vivotent alors dans la capitale.
Il loge dans des hôtels bas de gamme, d’abord rue du Dragon (6e) avant de s’installer durablement à l’hôtel de Verneuil (7e). James Baldwin peut fréquenter les cafés, les restaurants, les magasins, les musées, les jardins sans être rejeté en raison de la couleur de sa peau. Autre avantage de ces lieux en cette période d’après-guerre : contrairement à ses chambres d’hôtel, ils sont bien chauffés !
C’est au Café de Flore (6e) qu’il fait la connaissance de Simone de Beauvoir et de Jean-Paul Sartre. Le Tournon (6e) et Les Deux Magots (6e) sont ses cafés préférés. Il fréquente aussi les clubs homosexuels de la capitale, comme L’Abbaye (6e), La Reine Blanche (6e), Le Montana (6e) ou encore Le Fiacre (6e) que Baldwin décrira plus tard dans son grand livre parisien, La Chambre de Giovanni (1956). Mais il passe aussi du temps dans le 20e arrondissement à la rencontre des Algériens de Belleville qu’il dépeindra dans Chassés de la lumière (1972).

Nous aimions chaque centimètre de la France : les jam-sessions à Pigalle, les nuits passées à fumer dans les cafés arabes, les matinées où nous nous remémorions nos exploits, dans les cafés ouvriers…

James Baldwin
L’écrivain aime Paris, et il l’écrit. « Nous traversions Les Halles en chantant. Nous aimions chaque centimètre de la France : les jam-sessions à Pigalle, les nuits passées à fumer dans les cafés arabes, les matinées où nous nous remémorions nos exploits, dans les cafés ouvriers. » Pourtant, fin 1949, un épisode humiliant lui rappelle que les préjugés sur les Afro-Américains existent aussi de ce côté de l’Atlantique : injustement accusé d’un vol de drap dans son sinistre hôtel de la rue du Bac (7e), il passe huit jours en prison à Fresnes.
Par la suite, il se plonge dans le travail, publiant de nombreux articles en anglais, puis son premier roman, La Conversion (1953). Il aurait alors vécu au 26, rue Saint-Benoît (6e).
Son pays natal lui manque tout de même. Il retourne aux États-Unis en 1957 afin de participer à la lutte pour les droits civiques aux côtés de Martin Luther King et Malcom X, et en devient même l’un des porte-parole. Après l’assassinat du pasteur en 1968, celui qui se décrit comme un « voyageur transatlantique impénitent » émigre à nouveau en France, où il s’installe définitivement à Saint-Paul-de-Vence (Alpes-Maritimes) avec son compagnon, afin de trouver la quiétude. Il y reçoit ses nombreux et prestigieux amis : Miles Davis, Joséphine Baker, Toni Morrison ou Yves Montand.
En 1986, James Baldwin reçoit la Légion d’honneur des mains de François Mitterrand. Souffrant d’un cancer à l’estomac, il meurt à 63 ans le 1er décembre 1987.

Une œuvre largement autobiographique

James Baldwin a publié six romans, deux pièces de théâtre, un recueil de nouvelles, deux recueils de poésie, un scénario de film, six recueils d’essais, sans compter les articles parus dans la plupart des grands magazines et revues littéraires. Toute son œuvre est hantée par les thématiques du sexe et de la race.
La Conversion (1953) est en grande partie autobiographique, tandis que son recueil d’essais Chronique d’un pays natal (1953) parle de ses propres expériences en tant qu’homme noir aux États-Unis. En 1956, alors qu’il est lui-même en plein questionnement sexuel, James Baldwin écrit sur l’homosexualité dans La Chambre de Giovanni, qu’il adaptera plus tard pour le théâtre. La question du racisme est quant à elle au cœur de ses œuvres écrites durant les années 1960, dont son recueil d’essais La prochaine fois, le feu (1963).
Son roman Si Beale Street pouvait parler (1974) a fait l’objet de deux adaptations au cinéma : À la place du cœur (1998), de Robert Guédiguian, et Si Beale Street pouvait parler (2018), de Barry Jenkins. En 2016, le manuscrit inachevé Remember This House a également servi à la réalisation du documentaire I Am Not Your Negro, de Raoul Peck.

Une médiathèque très attendue

Façade de la médiathèque avec le visage de James Baldwin
Mettre en lumière des personnalités LGBTQIA+ emblématiques au sein de son patrimoine, c’est une manière pour la Ville d’affirmer haut et fort son soutien et son engagement auprès de ces communautés.
En attribuant le nom de James Baldwin à la première médiathèque du 19e, rue Jean-Quarré, dans un ancien lycée longtemps occupé par des migrants, puis devenu centre d’hébergement d’urgence, Paris rend hommage à cette figure incontournable de la littérature du XXe siècle, de l’émancipation universelle et de l’égalité des droits.
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