Thibaut Rigaudeau, médaillé d'argent en para triathlon : « Un triathlon ne se passe jamais comme on l’imagine »

Rencontre

Mise à jour le 02/09/2024

Héloïse Courvoisier et Thibaut Rigaudeau
Thibaut Rigaudeau et sa compagne Héloïse Courvoisier, tous deux malvoyants, ont participé ce matin à l'épreuve de para triathlon des Jeux paralympiques. Il y a un an, ils disputaient le test event de para triathlon. Nous avions rencontré les deux athlètes.
En temps normal, les para triathlètes enchaînent consécutivement 750 mètres de natation, 20 kilomètres de cyclisme et 5 kilomètres de course à pied. Mais le 17 août 2023, l’épreuve de natation a été annulée et le test event s'est transformé en duathlon. Héloïse et Thibaut ont été accompagnés tout au long de la course par leurs guides respectifs, Anne Henriet et Cyril Viennot.
Lundi 2 septembre 2024, ils disputaient le paratriathlon des Jeux paralympiques : Thibault Rigaudeau y a remporté une médaille d'argent avec son guide Cyril Viennot !
C’est après leur entraînement quotidien que nous avions rencontré les deux para triathlètes, soutenus par la Ville dans leur préparation dans le cadre du dispositif 50 athlètes en Jeux. Ils nous ont livré leurs impressions sur ce test paralympique.

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Vous avez découvert le parcours de l'épreuve olympique de para triathlon des Jeux de Paris 2024. Qu’en avez-vous pensé ?

Héloïse Courvoisier : Le parcours, on le connaissait sur le papier. C'est complètement différent de pouvoir le disputer en temps réel. Le parcours vélo est magnifique. On a pu en profiter surtout la veille, au moment de la reconnaissance. Le jour de la course, on est un petit peu plus la tête dans le guidon, mais on a pu se rendre compte de ce que ça pouvait donner. C'était vraiment incroyable, assez grisant de passer aux endroits où il y avait tous les supporters.
Thibaut Rigaudeau : Les parcours ont un tout petit peu changé par rapport au format triathlon et c'est plus difficile de jauger les adversaires à cause de ça. Mais on a pu disputer le parcours vélo à fond. De notre côté, on a eu des petits soucis mécaniques pendant la course qui nous ont un peu ralentis. Mais on connaît les trajectoires qu'il faut prendre. On sait qu'il y a à peu près 80 % de sections pavées sur le parcours. C'est à prendre en considération parce que rouler vite sur des pavés, ce n’est pas facile. Prendre des virages à vive allure sur des pavés, c'est encore plus difficile. Tous les étrangers étaient ébahis devant un tel parcours.

Vous avez pu prendre quelques repères pour les Jeux paralympiques ?

H. C. : Oui, on a emmagasiné le maximum d’informations possibles pour bien avoir le parcours en tête. On n’avait pas autant conscience de ce que ça pouvait faire de rouler sur des pavés parisiens à cette vitesse-là.
T. R. : On a conscience qu’on roule vite, mais aux Jeux de Paris 2024, il va se passer des choses sur le vélo (soucis mécaniques, casse matériel, crevaisons), surtout en tandem parce qu’on est exposé encore plus au choc. On connaît les binômes qui roulent vite et on sait comment mettre en place notre stratégie pour l’année prochaine.

Vous avez une anecdote à raconter sur ce para triathlon ?

E. C. : Comme le format était un duathlon, on part sur une première portion de course à pied. J'avais mes lunettes de soleil sur le nez. Au moment d'arriver dans le parc à vélo, ce qui change, c'est que je n'ai pas de combinaison à enlever. Quand j'ai enfilé mon casque, avec une visière, j'avais gardé mes lunettes de soleil. J’ai perdu un petit peu de temps sur ma première transition, mais ça s'est vite rattrapé.
Thibaut Rigaudeau et son guide Cyril Viennot lors test event de para triathlon.
T. R. : Il faut savoir qu'un triathlon, ça ne se passe jamais comme on l'imagine. Il y a toujours des choses qui arrivent, qui sont hors du plan. La première course à pied s'est bien déroulée pour nous. Au moment de monter sur le vélo, on commence à pédaler et là, aucune vitesse ne marche. Cyril [Viennot, son guide] touche à tous les boutons, mais plus rien ne fonctionne. On a dû s'arrêter. Il est descendu du tandem pour tout débrancher, tout rebrancher. On est partis dernier avant de remonter. Au début du dernier tour, on allait passer quatrième. On veut doubler sauf que la chaîne de liaison qui unit nos deux pédaliers déraille. Encore un arrêt forcé. On perd une minute là-dessus, le temps de la remettre en place avec les pédaliers. On était un peu dépité à ce moment-là et sur le parcours course à pied, il y a un moment donné où on s'est rendu compte que notre lien de course à pied a pété [le tandem est relié lors de cette épreuve].
Thibaut Rigaudeau et son guide Cyril Viennot lors test event de para triathlon.

Vous n’êtes pas trop déçus de l’annulation de l’épreuve de natation ?

H. C. : On est forcément déçus, surtout qu'on s’attendait à la disputer. Je n'ai même pas ouvert mes mails le matin à 5 heures en me réveillant. L'information nous est arrivée des garçons. Ça change complètement la physionomie de la course. Certains athlètes sont moins bons nageurs, ce qui fait qu'on va prendre l'avantage dès le début de la course. On sait que c'est toujours fait dans le bon sens. Ce n'est pas contre nous, c'est plutôt pour que tout se passe bien. Mais quand l'information tombe, c'est sûr qu'on ne saute pas de joie. J'avais quand même pris ma combinaison au cas où ils changent d'avis à la dernière minute, même si ce n’était pas du tout probable…
T. R. : Déçu, frustré. Quand Cyril m'annonce ça le matin de la course, j’ai cru à une mauvaise blague. Je me suis dit « Non, ce n’est pas vrai, on ne va pas faire un duathlon ». Le doute s'est installé et tout le monde était déçu de ne pas faire un triathlon, surtout quand on a nagé dans la Seine. La veille, on s'est tous dit, quand on était sur le ponton pour reconnaître le parcours, que le cadre est magnifique. On a le pont des Invalides, la tour Eiffel en face de nous, et ne pas pouvoir nager dans ce cadre-là enlève une partie du charme de la course. Le triathlon, c'est un sport d'adaptation et on s'est adaptés comme on a pu. Je ne suis pas inquiet de pouvoir nager l'année prochaine.

Comment fait-on pour être aussi performant en natation, en vélo qu'en course à pied ?

Héloïse Courvoisier et Thibaut Rigaudeau s'entraînent ensemble.
H. C. : Avec du temps. On n’a pas pris la discipline qui prenait le moins de temps en termes d'entraînement, puisqu'on a trois épreuves en une. Ça représente une quinzaine d'heures d'entraînement par semaine. Il faut travailler tous les automatismes qu'on aura avec notre guide, dont on a besoin en course.
T. R. : « La préparation ne va pas changer par rapport aux années précédentes. Je m'entraîne entre 20 et 25 heures par semaine quand je suis à Paris et quand on est en stage avec Cyril, mon guide, on s'entraîne entre 25 et 30 heures dans la semaine. Ce qui est important pour nous, malvoyants, c'est de pouvoir pratiquer le plus régulièrement possible avec son guide. On va essayer de s'entraîner entre une semaine et dix jours par mois avec nos guides respectifs qui sont en couple dans la vie. On est tout le temps ensemble. Sur chaque mois, on va avoir dix jours, que ce soit en France ou ailleurs et par exemple à Lanzarote, à Majorque où on peut s'entraîner même l'hiver dehors. Pour nous, c'est très important de pouvoir faire du tandem parce que quand on est à Paris, on pratique beaucoup le home trainer ou le tapis roulant pour courir.

Quels sont vos objectifs ?

Héloïse Courvoisier et Thibaut Rigaudeau, un couple de para triathlètes.
H. C. : Je suis assez nouvelle dans la discipline puisqu'on a commencé, avec ma guide, notre premier triathlon en septembre 2020. C’est allé beaucoup plus vite que ce qu'on imaginait. On fait tout pour se qualifier pour les Jeux. On se situe autour de la cinquième, sixième place mondiale. L'idée, c'est de faire un top cinq, ce serait l'idéal. Après, aller chercher un podium, pourquoi pas. On travaille pour pouvoir se qualifier et être sélectionnées par la fédération. La vraie course des Jeux à Paris, ce sera déjà quelque chose d'incroyable. Parce qu'il n'y a pas si longtemps que ça, ça paraissait infaisable.
T. R. : C’est un peu différent pour moi. À part le Test Event (7e), on n’était pas descendus du podium depuis les Jeux paralympiques de Tokyo, où on était 4e. Au-delà de participer aux Jeux de Paris, on souhaite ramener une médaille. Le niveau international augmente énormément, ça sera très serré entre les 9-10 binômes qui vont être sélectionnés, et on l’espère l’être par la fédération.

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