Un playground engagé et au look des Jeux se démarque dans le 20e

« Cela nous a pris deux semaines. C’était une expérience exceptionnelle ! » En pleine finition d’une peinture à l’entrée du playground Eudy-Simelane (20^e), Antonin Decreuse se remémore avec fierté le travail abattu. Ce street artist – et habitant de l’arrondissement – profite de ce moment festif pour réaliser une dernière création à quatre mains avec son camarade Michel. « On est en totale impro, c’est ça la beauté de notre art, explique ce dernier. On a commencé ce matin et ce sera fini quand cela nous plaira, mais là on y est presque ! »

Perché sur les hauteurs de l’ancienne commune de Belleville, le terrain d’éducation physique (TEP) de la rue Olivier-Métra (20^e) a été rénové au look des Jeux de Paris 2024 par l’association d’art urbain Hypermur, en collaboration avec Paris 2024. C’est un playground comme l’on en trouverait à Harlem (New York). Les immeubles surplombent l’espace de jeu et la résonance des ballons s’unit avec l’ambiance chaleureuse du quartier.

En 2022, le TEP Olivier-Métra avait été rebaptisé Eudy-Simelane, en hommage à cette footballeuse sud-africaine – ex-capitaine des Banyana Banyana –, victime en 2008 d’un crime de haine en raison de son orientation sexuelle. Renaud Cousin, directeur de l’association Hypermur, chargée de la production de la fresque, évoque l’importance de l’engagement à travers le street art : « Défendre les droits LGBTQIA+ est un élément primordial de nos valeurs. Il n’y a eu aucune hésitation à rejoindre le projet. »

Entre la fin de la rénovation et cette inauguration, quelques jours ont passé. Dans le quartier, rien n’a changé : les jeunes – et moins jeunes – profitent du terrain. Les paniers s’enchaînent, les duels de « goal à goal » – jeu où l’on doit marquer le plus de buts depuis sa cage tout en la défendant – s’éternisent. Une continuité qui ravit Emma, Jasmine et Mamadou, trois enfants du 20^e. Respectivement âgés de 15, 17 et 18 ans, ils œuvrent pour Métrapole, une association qui « agit pour la jeunesse et l’éducation populaire », nous raconte la première.

Impressionnés par des présences officielles, les trois adolescents ne cachent pas leur joie. « C’est un bel héritage. J’ai grandi ici, j’ai vu ce terrain évoluer au fil des années et je suis contente que l’on pense à nous, raconte Jasmine, qui s’est appliquée à maîtriser son phrasé lors de son discours. On veille à prendre soin de notre environnement et on se sent accompagnés, petits et grands vont en profiter. » Mamadou complète : « Au départ, c’était flou, car c’est un lieu qui nous tient à cœur. On ne savait pas trop ce qui allait se passer et, avec du recul, je me rends compte de la chance d’avoir un équipement tout neuf. »

Le renommage du TEP Eudy-Simelane, Emma s’en souvient encore. « C’est un signe fort pour les filles d’avoir rendu cet hommage, les femmes vont pouvoir se sentir représentées, rapporte la benjamine du groupe. Très peu de filles fréquentaient le lieu… Avec cette rénovation, j’ai l’impression que ça va renforcer la mixité et notre inclusion dans le sport. »

Les ballons fusent, le bruit des grillages résonne et les enfants du quartier commencent à se retrouver sur leur playground. « Tout le monde doit se sentir légitime à venir ici, ce sont les valeurs que l’on partage tous, conclut Mamadou. D’ailleurs, d’ici à la fin du mois, on va organiser un tournoi de foot entre nous et avec d’autres quartiers ! » Comme au bon vieux temps. Rue Olivier-Métra, le TEP change, pas les habitudes.