Une stratégie budgétaire 2024 marquée par un maintien des investissements sur fond de crise immobilière

Actualité

Mise à jour le 06/04/2024

Budget et analyse des finances.
Le Conseil de Paris de ce mois de novembre a examiné le rapport d’orientations budgétaires de la Ville pour 2024. Les finances de la collectivité souffrent de facteurs extérieurs, comme la crise immobilière et l’inflation. Elles sont aussi affectées par la poursuite du désengagement de l’État dans le financement des collectivités locales. Paris continuera cependant son engagement financier pour protéger les personnes les plus vulnérables et poursuivra son effort d’investissements.
Crise sanitaire et économique liée au Covid-19, crise énergétique et sociale, accélération de l’inflation. Depuis quatre ans, de nombreux facteurs exogènes ont considérablement affecté le budget parisien, tant en dépenses qu’en recettes.
En 2023, en sus d’une inflation toujours élevée et d’un ralentissement de l’activité économique, c’est au tour de la crise immobilière – due à l’augmentation des taux d’intérêt – d’influer sur les finances locales. Une situation qui est loin d’être propre à Paris. Dans son dernier rapport sur le sujet, la Cour des comptes a souligné la situation difficile des collectivités locales.
Malgré ces difficultés, la Ville de Paris maintiendra en 2024 son engagement pour la protection des personnes les plus vulnérables et accélérera ses investissements en faveur de la transition écologique. En outre, les investissements prévus pour les Jeux olympiques et paralympiques permettront aux Parisiens de bénéficier, bien après les Jeux, d’équipements rénovés.
C’est dans ce contexte difficile que l’exécutif parisien a soumis au débat, le 14 novembre, lors du Conseil de Paris de ce mois, son rapport d’orientations budgétaires afin de présenter les grandes tendances structurant le budget de la Ville pour l’exercice 2024. Le budget proprement dit sera, lui, examiné lors du Conseil de Paris de décembre.

Des recettes fiscales qui se maintiendraient malgré la baisse des recettes de droits de mutation

La hausse des taux d’intérêt a eu pour conséquence la diminution des transactions immobilières dans la capitale (- 28 % sur le volume des ventes dans le logement ancien). Mécaniquement, ce ralentissement de l’activité dans l’immobilier entraîne une baisse des « droits de mutation à titre onéreux » (DMTO) - souvent appelés « frais de notaire » - perçus par la collectivité locale lors de l’achat/vente d’un bien immobilier. Ainsi, pour 2023, il est attendu un produit de DMTO de 1,45 milliard d’euros, soit une baisse de 295 millions par rapport à 2022. Pour 2024, les projections font état de recettes de DMTO de 1,5 milliard d’euros.

La taxe foncière, seul levier à la disposition des collectivités

C'est en raison de cette baisse des recettes de DMTO et du désengagement de l'État que la Ville de Paris a fait le choix, en 2023, d'une augmentation de la taxe foncière (TF) et de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (TH), seul levier qui reste à sa disposition pour financer les dépenses sociales et les investissements nécessaires à la transition écologique. Les taux de TF applicables à Paris sont ainsi passés de 13,5 % à 20,5 %, contre 43,5 % en moyenne dans les grandes villes.
Mais à cette hausse s'est ajoutée une révision à la hausse des bases fiscales décidées par l'État. In fine, cela a conduit à une augmentation des recettes de taxes foncières de 62,5 % entre 2022 et 2023. Pour l'avenir, ces recettes sont projetées à un niveau quasi stable.
S'agissant des recettes de TVA affectées à la collectivité, leur évolution reste incertaine, car dépendante de la situation économique. En revanche, la taxe de séjour devrait connaître une belle dynamique en 2024 avec la reprise du tourisme d'affaires et la perspective des Jeux olympiques. Le produit de cette taxe devrait ainsi passer de 100 millions d'euros en 2023 à 185 millions en 2024.

Des difficultés aggravées par le désengagement de l’État et la hausse des dépenses de péréquation

Les moindres recettes de DMTO s’inscrivent dans un contexte de désengagement croissant de l’État dans le financement des collectivités locales. Ainsi, à titre d’exemple, la principale dotation versée par l’État aux collectivités locales, la dotation globale de fonctionnement (DGF), sera en 2024, comme en 2023, égale à « zéro » pour Paris. En 2019, Paris percevait encore 73 millions d'euros au titre de la DGF, puis 53 millions en 2020 et encore 31 millions en 2021. Depuis cette année là… plus rien.

Des dépenses sociales sous compensées par l'État

De même, la sous-compensation des dépenses sociales par l’État ne fait que croître. Depuis 2002, l’État a transféré aux départements – la collectivité de Paris est à la fois une ville et un département – la responsabilité et les charges afférentes aux allocations individuelles de solidarité (notamment RSA et APA). L’État a également doté les collectivités de ressources pour financer ces dépenses nouvelles. Or l’évolution de ces compensations est beaucoup moins dynamique que les dépenses concomitantes. Résultat, pour la seule année 2024, le « solde » négatif pour la Ville devrait atteindre 159 millions d’euros et, en cumulé depuis 2014, ce « reste à charge » atteindrait 1,57 milliard d’euros qu’il faudra financer par d’autres recettes de la Ville.

777 millions d'euros versés par Paris aux autres collectivités

Parallèlement à ce désengagement financier de l'État, Paris connaît une hausse continue de ses dépenses de péréquation. Il s'agit des montants alloués par la Ville à d'autres collectivités territoriales, via des mécanismes de solidarité régionale et nationale. En 2024, ces dépenses de péréquation, selon les estimations, pourraient atteindre un record de 777 millions d'euros, contre 733 millions en 2023 (prévisions), 697 millions en 2022 et 675 millions en 2021.
Dit autrement, entre 2010 et 2024, les dotations de l'État ont baissé de plus de 60 %, tandis que les dépenses de péréquation de la Ville étaient multipliées par huit.
Dans ce contexte, grâce à une gestion rigoureuse, la progression des dépenses de fonctionnement resterait limitée en 2024, passant de 8,7 milliards d'euros (estimation) en 2023 à 9 milliards environ. Une augmentation essentiellement due à des facteurs exogènes, en particulier l'inflation et les mesures gouvernementales influant sur la masse salariale (revalorisation du point d'indice des agents, etc.).
Stabilité de nombreux tarifs publics à destination des familles
Il n'y a pas eu de revalorisation tarifaire de la cantine scolaire depuis 2014, avec un premier tarif à 13 centimes pour les familles aux plus faibles revenus. De même, les goûters récréatifs maternels, les études surveillées, les ateliers bleus, les centres de loisirs et les classes découvertes ont des tarifs stables depuis 2014.

Un effort d’investissement maintenu

En 2024, la Ville a fait le choix de maintenir l’investissement à un haut niveau pour répondre au changement climatique, offrir un haut niveau de service public et accueillir les Jeux olympiques et paralympiques.
Pour ce faire, plus de 1,5 milliard d’euros ont déjà été investis en 2021 et 2022, puis 1,9 milliard en 2023. En 2024, l’effort d’investissement serait sensiblement le même (1,8 milliard d’euros). Une dizaine de thématiques sont jugées prioritaires par la Ville en matière d’investissement. On peut citer :
  • Les grands projets pour rendre Paris plus verte. Avec, par exemple, la poursuite des aménagements des portes de Paris (Maillot, Montreuil, la Chapelle, la Villette) et des abords de Notre-Dame. Le dispositif « Embellir Paris » continue également sa montée en puissance. Au total, cet axe représente un investissement de 500 millions d’euros sur la période 2024-2026 et 1,1 milliard d’euros sur l’ensemble de la mandature.
  • La création de logements sociaux et abordables. La Ville finance la construction et l’acquisition de logements sociaux. L’objectif de 25 % de logements sociaux sera atteint en 2025 et celui de 40 % de logements publics (sociaux et abordables) en 2040. Globalement, la collectivité finance la construction, l’acquisition et la rénovation de logements sociaux pour plus de 2,3 milliards d’euros sur la mandature. La Ville de Paris participe également à l’amélioration de la qualité du parc privé. Et, grâce à la création d’une « foncière logement abordable », l'offre de logements locatifs abordables va être renforcée (loyers compris entre 15 et 23 euros le mètre carré, soit les valeurs médianes du marché moins 20 %). Au total, les opérations pour cet axe devraient atteindre 1,2 milliard d’euros sur la période 2024-2026.
  • L’essor du vélo et des mobilités propres. Le plan vélo (250 millions d’euros sur la mandature) continue avec la création de nouvelles infrastructures cyclables. La Ville poursuit aussi le financement de l’extension du réseau de transports collectifs (extension de la ligne T3 du tramway entre Asnières et porte Dauphine, prolongement du RER Eole, valorisation de la Seine, etc.). Au total, cela représente 300 millions d’euros entre 2024 et 2026.
  • La lutte contre le réchauffement climatique. La Ville met notamment en place un grand plan de rénovation thermique des bâtiments (272 millions d’euros), des actions de lutte contre le plastique, la végétalisation des quartiers parisiens, la création de « rues aux écoles », la plantation de 170 000 arbres d’ici 2026, etc. Au total, 500 millions seront affectés à cet axe entre 2024 et 2026.
  • L’accueil des Jeux olympiques et paralympiques et leur « héritage ». Outre les travaux dans de nombreux gymnases, plusieurs équipements sont créés ou améliorés dans la perspective de cet évènement et pour leur utilisation postérieure : réalisation de l’Aréna porte de la Chapelle (18e), rénovation du stade Pierre de Coubertin (16e), restructuration des centres sportifs Dauvin ou Rousié (17e), de la piscine Vallerey (20e), etc.
Au total, les investissements atteindront 700 millions d’euros sur la mandature, dont 300 millions d’euros sur la période 2024-2026.
Bien entendu, la propreté et la sécurité de la Ville ne sont pas oubliées, avec 900 millions d’investissements prévus dans les trois prochaines années (équipement de la police municipale, collecte des déchets, etc.)
Idem pour la réussite des enfants et des étudiants. Dix-huit millions d’euros ont déjà été consacrés à des travaux d’aménagement dans les crèches avec, par exemple, 4,5 millions investis dans la crèche collective du boulevard Davout (20e). Et plusieurs opérations de grande ampleur sont prévues dans les établissements scolaires, telle la création d’une école dans la ZAC Saint-Vincent-de-Paul (12e) pour 15 millions d’euros. Dans l’enseignement supérieur, 4 millions sont consacrés à la mise en sécurité de la Sorbonne. Au total, 600 millions d’euros seront consacrés à ces actions dans les trois prochaines années.
Par ailleurs, 200 millions d’euros d’investissement seront mis au service de la culture et du patrimoine entre 2024 et 2026.

Situation budgétaire

On l’a vu, en 2024, la Ville est confrontée à un « effet ciseau » : ses recettes de fonctionnement augmentent plus lentement que ses dépenses, du fait des moindres recettes de DMTO dues à la diminution des transactions immobilières.
Dans ses conditions, l’autofinancement (ou épargne brute), c’est-à-dire la différence entre les recettes et les dépenses de fonctionnement, s’établirait, selon les projections, à 571 millions d’euros (contre plus de 600 millions en 2023), avant de remonter à 700 millions d’euros en 2025, voire davantage en 2026.
Malgré ces aléas, la Ville serait en mesure d’autofinancer à hauteur de 56,6 % ses dépenses d’investissement projetées sur la période 2024-2026. Aussi, le besoin de recourir à l’emprunt devrait s’établir en 2024 à 955 millions d’euros. Rappelons que les collectivités locales ne peuvent recourir à l’emprunt que pour les seules dépenses d’investissement, et en aucun cas pour leurs dépenses de fonctionnement.

Une qualité de gestion soulignée par les agences de notation

À cet égard, une fois encore, la qualité de la gestion de la Ville a été reconnue par les agences de notation Standard and Poor's et Moody's, qui lui ont accordé de nouveau leur confiance en avril 2024 en maintenant la meilleure note possible pour une collectivité locale (AA). Cette notation traduit la confiance du marché dans le fonctionnement de la collectivité. A noter que ces deux agences notent la Ville au même niveau que l’État (il y a une interdiction européenne de mieux noter une collectivité que l’État).
S’agissant de la dette de la collectivité, selon les projections, au 31 décembre 2023, elle devrait s’élever à environ 8,2 milliards d’euros, contre 7,7 milliards fin 2022. La dette pourrait atteindre 8,8 milliards d’euros fin 2024, puis 9,3 milliards fin 2025.
Cette dette représenterait en 2024 un niveau d’endettement par habitant de 3 803 euros.
Il faut enfin noter que l’intégralité de la dette parisienne est à taux fixe. En conséquence, le poids de la dette n’est pas dépendant d’un retournement de conjoncture, et les charges financières liées à la dette existante ne sont pas exposées à la hausse actuelle des taux.
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