Le point sur Autolib'

Actualité

Mise à jour le 30/08/2018

Attention, cet article n'a pas été mis à jour depuis le 30/08/2018, il est possible que son contenu soit obsolète.
Autolibs devant un immeuble
Le syndicat mixte Autolib' métropole a voté le 21 juin la fin du service lors d'un vote des communes adhérentes. Celui-ci a pris effet au 31 juillet. Quelle est la situation actuelle ? Et quelles solutions de remplacement?
Né en 2011, Autolib' est alors un service très novateur et une première mondiale. Les voitures sont disponibles dans 110 communes d’Ile-de-France, unies dans un syndicat mixte métropolitain, et le service est opéré par une filiale du groupe Bolloré dans le cadre d'une délégation de service public (DSP).

Que prévoit la délégation de service public?

Au moment de la signature de cette DSP, il est anticipé que le service fonctionne sans aucun fonds public, sauf pour les dépenses d’investissement liées à l’installation des stations. Le plan d’affaires initial, soumis par l’entreprise, prévoyait même un bénéfice net de 56,3 millions d'euros au terme de la concession (2023).
En cas de déficit, le contrat stipule que celui-ci serait à la charge intégrale de l’entreprise gestionnaire, dans la limite de 60 millions d’euros. Au-delà de ce montant, le déficit serait à la charge intégrale des collectivités.

Que s’est-il passé depuis 2011?

Dès les premières années, le nombre de trajets en Autolib' et leur durée sont en deçà des prévisions. Le service s’est aussi très vite heurté à d’importantes évolutions dans le domaine de la mobilité: l’émergence des VTC, des scooters en libre-service, des vélos à assistance électrique…
L’entreprise gestionnaire a toutefois longtemps laissé entendre qu’elle allait redresser elle-même le service. Dans les plans d’affaires actualisés adressés au syndicat métropolitain, en 2014 puis en 2015, elle ne faisait état d’aucun déficit à la charge des collectivités locales.
C'est seulement à la rentrée 2016, dans un nouveau plan d’affaires actualisé, que l’entreprise a annoncé pour la première fois la possibilité d’un résultat net prévisionnel déficitaire au terme de la concession, à hauteur de 179,3 millions d'euros. Mais elle exprimait toutefois sa confiance dans la possibilité de ramener ce déficit en dessous du seuil de 60 millions d'euros grâce à des mesures correctives.

Quelle a été la réaction des communes fin 2016?

Le syndicat mixte fédérant les communes a fait part de sa surprise face à cette détérioration soudaine des comptes. S’il est tout à fait compréhensible que les collectivités financent une partie d’Autolib’ (puisqu’il s’agit d’un service public qui est utile aux Franciliens), la somme annoncée par l’entreprise a semblé particulièrement excessive.
Le syndicat a alors immédiatement diligenté un audit financier pour comprendre précisément ce qui se passait, quelle devait être la répartition des charges entre l’entreprise et les communes, et quelles pourraient être les mesures correctives pour redresser la barre et rendre le service à nouveau bénéficiaire.
Cet audit a été confié au cabinet Ernst & Young, qui a rendu ses conclusions au printemps 2017. Il a alors souligné que :
- les prévisions initiales de l’entreprise avaient été trop optimistes;
- une partie du déficit que l’entreprise voulait faire peser sur les collectivités était contestable.
L’audit comportait aussi des recommandations pour que le service redevienne bénéficiaire.
- Côté syndicat, il s’agissait de ne plus ouvrir de stations trop éloignées de Paris, de fermer les stations les plus déficitaires, d’augmenter les tarifs pour les usagers, d’expérimenter la publicité sur les voitures et d’accueillir de nouveaux services dans les espaces d’abonnement. Ces recommandations ont été mises en œuvre par le syndicat.
- Côté entreprise, il s’agissait d’améliorer la qualité du service, notamment l’entretien et la propreté des véhicules (41% des abonnés insatisfaits, étude CSA, novembre 2017), et de relancer une campagne de communication. Cela n’a pas été mis en œuvre à ce jour.

En quoi consistait la procédure de conciliation?

Dès les conclusions de cet audit, en raison de désaccords persistants, le syndicat métropolitain et l’entreprise gestionnaire ont décidé d’un commun accord, en mars 2017, d’engager une procédure de conciliation.
La conciliation est une procédure courante et simple, par ailleurs prévue au contrat : les deux parties décident de désigner des experts indépendants, définissent ensemble quel sera leur champ d’action, et ces experts sont mandatés pour trouver une solution.
La conciliation a débuté à la rentrée 2017. Elle a duré six mois. Les experts indépendants ont émis les propositions suivantes en mars 2018:
• les collectivités prendraient à leur charge 88 millions d'euros du déficit passé;
• les collectivités et la société délégataire mettraient en œuvre des mesures permettant de redresser le service Autolib’;
• l’entreprise serait responsable de l’éventuel déficit à venir, retrouvant ainsi un intérêt à redresser le service.

Quelle a été la réaction du prestataire?

Cette solution aurait pu sembler assez équitable, malgré l’ampleur de la contribution publique demandée. Mais, avant même que les collectivités aient débattu entre elles, le groupe Bolloré a brutalement mis un terme à cette conciliation et engagé, dans un courrier adressé le 25 mai, la procédure de résiliation du service. Ce courrier fixe contractuellement un délai d’un mois pour parvenir à un accord, faute de quoi le contrat est résilié.
Le délégataire demande aux collectivités de prendre à leur charge 46 millions d'euros par an, soit 233 millions d'euros d’ici le terme du contrat, en 2023. "La somme demandée par l'entreprise est extravagante", estime Anne Hidalgo. Par ses méthodes, en rompant la procédure de conciliation et en exigeant le versement de sommes astronomiques, le groupe Bolloré a rendu la résiliation inéluctable.

Quelle est la position du syndicat mixte?

La somme demandée par le groupe Bolloré a été jugée inacceptable par le syndicat : elle représente plus de 1500 € par utilisateur d’Autolib’ et elle se fonde sur une analyse et des calculs que conteste formellement le syndicat mixte.

Un conseil syndical s’est tenu le 31 mai dernier : il a confirmé la détermination des 110 communes adhérentes à Autolib’ à défendre l’intérêt de leurs habitants face à l’entreprise gestionnaire. Il est hors de question de faire porter sur le contribuable des coûts qui seraient de la responsabilité de l’entreprise.
Le syndicat a tenté de ramener le groupe Bolloré à la table des négociations et l’a invité à plusieurs reprises depuis cette date à accepter une offre de compromis proposée par un comité de conciliation indépendant, sans succès.
L’entreprise est restée sur sa position et s’est montrée totalement fermée à tout accord raisonnable. En conséquence, une nouvelle réunion du Conseil syndical s'est tenue le 21 juin : la résiliation du contrat Autolib’ a été votée.
Les élus de la Ville de Paris et du syndicat métropolitain défendent les contribuables et habitants de la métropole. Ils ne peuvent accepter de maintenir à flot le service déficitaire du délégataire, alors même que le service se dégrade et que les usagers s’en plaignent.

Quelle est la position de la Ville de Paris?

La Ville de Paris a toujours eu l’espoir de trouver une solution équilibrée avec le délégataire et regrette que cela n’ait pu être possible. Les communes de la métropole ne verseront donc pas les 233 millions d’euros que le groupe Bolloré exige. Payer ces sommes astronomiques pourrait mettre en péril leur équilibre budgétaire. Ces sommes doivent pouvoir être utilisées à bon escient au service des habitants.
Le syndicat métropolitain estime par ailleurs que la délégation de service public accordée au groupe Bolloré est obsolète dans sa forme au regard des nouveaux usages. C’est la raison pour laquelle le syndicat a appelé à sa résiliation : celle-ci a été votée lors du conseil syndical du 21 juin.

Combien la résiliation va-t-elle coûter?

La résiliation anticipée du contrat Autolib’ nécessite d’estimer le reste à charge des stations qui n’ont pas encore été amorties et qui doivent revenir contractuellement aux communes.
Les stations sont contractuellement des biens de retour des communes. Conformément au marché public établi entre le SAVM et la Société Autolib’, les bornes de recharge doivent donc être restituées au Syndicat puis aux communes. Le contrat étant initialement prévu jusqu’en 2023, elles font actuellement l’objet d’une évaluation, station par station, borne par borne pour estimer le reste à charge.
Le montant de la résiliation devrait ainsi se chiffrer à plusieurs dizaines de millions d’euros – une expertise est en cours et permettra de préciser rapidement la somme. Ce montant sera toutefois considérablement inférieur aux 233 millions d'euros que demandait le groupe Bolloré aux communes.

Quand s’arrêtera Autolib’? Et pour les usagers et les salariés?

Autolib' s'arrêtera le 31 juillet 2018 après une diminution progressive du nombre de véhicules et de stations disponibles à partir du 2 juillet.
Cette solution permettra ainsi une "extinction progressive" du service plutôt qu'un "arrêt brutal", souligne Autolib', dont le contrat avec le syndicat mixte Autolib' Vélib', a été résilié jeudi 21 juin.
Ce délai permettra ainsi de gérer la fin du service par rapport aux employés, aux abonnés et au sujet de la question des transferts d'actifs, notamment le devenir des bornes. Le groupe Bolloré s'est également engagé, comme il en a la responsabilité, à travailler au reclassement des 254 salariés.

Quelles solutions de remplacement?

Si une page se tourne, une autre s’ouvre et nous sommes très optimistes pour l’avenir. Autolib' a prouvé que le véhicule électrique en autopartage fonctionne.

De nouveaux services d’autopartage

La Ville de Paris s’engage d’ores et déjà à accompagner les Parisiens qui utilisent Autolib’ et à soutenir le développement rapide de nouveaux services d’autopartage électrique dans la capitale, ce type de mobilité contribuant d’une part à fluidifier le trafic routier et d’autre part à améliorer la qualité de l’air (selon les études, un véhicule en autopartage remplace six à dix véhicules personnels). Dans cet objectif, des discussions très constructives ont été engagées depuis plusieurs jours avec les constructeurs, les loueurs et des start-up.
Plus de 600 véhicules en autopartage sont dès à présent disponibles à Paris intra-muros, en alternative à Autolib’, à l’initiative des entreprises Communauto, Ubeeqo et Zipcar – dans le cadre d’un dispositif municipal baptisé SVP – ainsi que Renault Mobility et Zencarz. D’autres entreprises vont déployer leurs flottes dans les prochains mois, pour porter rapidement l’offre parisienne d’autopartage à plusieurs milliers de véhicules. Une commission de travail fédérant les villes membres du Syndicat sera mise en place pour approfondir ces travaux et mettre en œuvre rapidement de nouvelles solutions. Une charte sera par ailleurs élaborée entre ces professionnels et la municipalité, qui établira les bonnes pratiques qu’ils s’engagent à respecter.

Faciliter le stationnement et le rechargement des véhicules électriques

Depuis la fin du service Autolib le 31 juillet, et dans l’attente d’une remise en fonctionnement du réseau de bornes électriques, seuls sont autorisés à stationner devant les 3244 bornes Autolib les véhicules électriques, sans excéder la durée d’une semaine. Tout autre véhicule est susceptible de faire l’objet d’une verbalisation pour stationnement gênant avec demande d’enlèvement en fourrière.

620 bornes de recharge électrique sont déjà présentes sur le territoire parisien, en voirie ou en parkings souterrains, utilisables avec un badge BeLib’. Anne Hidalgo souhaite compléter ce maillage en rendant les bornes de recharge électrique Autolib’ accessibles aux Parisiens et aux Franciliens pour la recharge de leur véhicule personnel. Cela devrait être effectif au début de l’année 2019.

Des solutions mieux adaptées à tous les besoins

La résiliation d’Autolib’ est l’opportunité de mettre au service des usagers de nouvelles solutions qui répondront mieux à leurs attentes, en étant plus souples, plus performantes et plus évolutives. Il ne s’agit pas de remplacer Autolib’ par un seul acteur, mais par plusieurs qui proposeront des solutions complémentaires, adaptées à chacun: pour des trajets intra-muros, pour des trajets petite couronne-Paris, pour des locations longue durée quand on veut partir en week-end…

Paris a les atouts pour devenir la ville leader de l’autopartage, grâce notamment à une infrastructure de bornes de recharge unique au monde par sa densité. Les professionnels estiment que jusqu’à 20.000 véhicules en autopartage pourraient être déployés intra-muros et en petite couronne.
"Paris a un formidable potentiel en matière d’autopartage et les entreprises ont un vrai intérêt économique à y développer ce type de services, comme elles le font déjà avec succès dans d’autres villes d’Europe, comme Madrid", a souligné Jean-Louis Missika, adjoint chargé de l'urbanisme, de l’architecture, du projet du Grand Paris, du développement économique et de l’attractivité, à la sortie de cette réunion.
Ces initiatives seraient portées par les acteurs privés, sans fonds publics. La collectivité jouerait, avec la charte notamment, son rôle de régulation.

Chronologie des faits

  • 2011 : Lancement d’Autolib’. Le groupe Bolloré prévoit un bénéfice de 56,3 millions d'euros au terme du contrat (2023).
  • Fin 2014 et fin 2015 : Le groupe Bolloré revoit ses prévisions à la baisse, mais se dit toujours très optimiste.
  • Fin 2016 : Le groupe Bolloré annonce une détérioration brutale de ses prévisions et la possibilité d’un déficit de 179,3 millions d'euros au terme du contrat.
  • Janvier 2017 : Le syndicat déclenche un audit.
  • Fin mars 2017 : Conclusions de l’audit.
  • Début de l’été 2017 : Le syndicat et l’entreprise déclenchent une procédure de conciliation.
  • Septembre 2017 : Début de la procédure de conciliation.
  • Mars 2018 : Rapport des conciliateurs, préconisant 88 millions d'euros à la charge des collectivités, le reste intégralement à la charge de l’entreprise.
  • 25 mai 2018 : Le groupe Bolloré rompt la procédure de conciliation, demande 233 millions d'euros aux collectivités et déclenche un ultimatum d’un mois avant la résiliation du contrat.
  • 21 juin 2018 : Le syndicat mixte Autolib' Vélib' Métropole a acté lors d'une réunion du conseil syndical la résiliation anticipée du contrat avec le groupe Bollloré.
  • 31 juillet 2018 : Arrêt du service Autolib'.