Jacques de Maillard : « Avoir une police municipale visible et accessible est primordial »
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Mise à jour le 09/07/2019
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Jacques de Maillard, professeur de science politique à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines et directeur adjoint du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP), nous explique en quoi la création de cette police visible et accessible est primordiale pour assurer la tranquillité publique dans la capitale.
La maire de Paris vient d’annoncer la création d’une police municipale dans le cadre du nouveau statut de la Ville. Qu’en pense le sociologue spécialiste de l’institution policière que vous êtes ?
C’est un peu la fin d’une singularité parisienne. La plupart des grandes villes françaises et européennes ont toutes des polices qui dépendent des maires. Paris était jusque-là une exception tant au niveau national qu’au niveau international. C’est donc un changement important du point de vue de la capacité d’action de la maire et des autorités politiques locales sur les questions de police.
Cette spécificité, qui attribuait la plupart des missions de sécurité à la préfecture de police, vous paraissait-elle légitime ?
On peut avoir différentes positions. La première est de dire que Paris a un statut spécifique car c’est une capitale administrative, économique, politique. À ce titre, il y a des enjeux de sécurité d’ordre public qui justifie que l’État joue un rôle particulier. En même temps, il existe tout une série de problèmes de sécurité publique au quotidien sur lesquels il y a une demande sociale de sécurité et pour lesquels les autorités locales ont un rôle à jouer.
On peut tout à fait imaginer que, dans ce cadre-là, il puisse y avoir une stratégie de prévention et de sécurité locale pour laquelle une police municipale soit l’une des ressources.
Il ne doit pas y avoir substitution, mais amélioration de la qualité de service.
Professeur de science politique à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines et directeur adjoint du CESDIP
Quels peuvent être les avantages d’une coopération entre police municipale et police nationale ?
Il y a deux enjeux à cette coopération. D’abord, il ne faut pas que cette création se traduise par un déclin des effectifs de la police nationale sur le territoire parisien. Il ne doit pas y avoir substitution, mais amélioration de la qualité de service. Ensuite, il faut bien définir les rôles respectifs, en termes de coopération et de partage de l’information entre les effectifs de la préfecture de police et ceux de la police municipale, ainsi que tous les autres acteurs qui contribuent à la prévention et à la sécurité locale.
Il faut être très prudent afin de différencier les types d’activités policières pour éviter la confusion des genres, avec ce que cela peut comporter en termes d’inefficacité de la réponse publique, mais aussi en termes de mise en difficultés des agents.
Le système d’îlotage, avec une police à pied ou à vélo, qui a une fonction de verbalisation mais aussi de médiation, vous paraît-il être une bonne méthode ?
Avoir une police territorialisée, visible et accessible, est primordial pour résoudre les problèmes de tranquillité publique qui se posent. Il y a beaucoup d’exemples à l’étranger, notamment à Londres avec ce qu’ils appellent le Neighbourhood Policing ou à Milan avec les Vigile di Quartiere, qui sont des polices de quartier.
Ces polices ont une mission de répression, bien évidemment, mais également celle de faire remonter les demandes de sécurité des habitants et de résolution des problèmes quotidiens. C’est une vision partagée par l’ensemble des polices occidentales.
Le choix d’une police municipale équipée d’arme non létale vous paraît-elle la bonne option ?
Ça fait partie du débat politique. Encore une fois, il y a des exemples à l’étranger où l’on a des polices non armées légitimes aux yeux des habitants, cela fonctionne.
Par ailleurs, quand on arme une police municipale, on court le risque de perdre de vue ce qui fait l’intérêt d’une police de voisinage, à savoir la captation de la demande de sécurité de la population, et un contact direct avec le public.
Il faut bien garder en tête les objectifs que l’on se fixe avec la mise en place d’une police municipale non armée.
Londres a également une police qui dépend du maire, comme d’autres grandes métropoles mondiales. Le modèle des bobbies londoniens est-il une référence pour Paris ?
La situation parisienne est différente, car le maire de Londres fixe désormais des objectifs pour 25 000 agents et a des responsabilités sur l’ensemble des effectifs de police publique. Malgré tout, Londres reste un bon modèle d’inspiration. D’abord, parce que les autorités ont fixé un plan pluriannuel pour la police. Il s’agit d’un plan concerté, avec des consultations en ligne, des discussions publiques organisées par l’adjoint au maire en charge de la sécurité. Il y a donc une vraie volonté d’associer les citoyens aux décisions.
Le deuxième point intéressant est que la police a des objectifs globaux, mais aussi des objectifs déclinés en fonction des arrondissements et des quartiers.
Enfin, troisième point : la police londonienne est une police non armée qui continue de considérer que la satisfaction et la confiance de la population est une priorité qu’il faut mesurer, évaluer. Ils prennent très au sérieux la question du service apporté aux Londoniens en termes de sécurité.
Et je pense que ces trois spécificités sont transposables, en les acclimatant à la réalité parisienne.
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