À la découverte des orgues parisiennes (2/3)
Série
Mise à jour le 30/03/2023
Sommaire
Le saviez-vous ? La Ville de Paris possède près de 130 orgues, soit la plus grande collection au monde. Construits entre le XVIIe et le XXIe siècle, ces instruments résonnent dans les églises, les temples et les synagogues, mais aussi dans les conservatoires et les salles de spectacle. Partons à leur découverte avec un focus sur le dernier orgue construit dans une église et les restaurations en cours. C'est le deuxième épisode de notre série.
Le dernier orgue construit dans une église : l’orgue de tribune de l’église Saint-Louis-en-l’Île (Paris Centre)
Muet depuis 1976, l'orgue de l'église Saint-Louis-en-l'Île a retrouvé la voix en 2005. Et pour cause, un nouvel orgue a remplacé celui en place qui datait du XIXe siècle (remplaçant lui-même un orgue du XVIIIe siècle).
La Ville, propriétaire de l'église (selon la loi de 1905 de séparation des Églises et de l'État), décide d'y faire construire un nouvel orgue. Pour compléter sa collection, son choix se porte sur le facteur d'orgue Bernard Aubertin qui conçoit un instrument baroque pour l'édifice. 30 mois de création ont été nécessaires, dont 5 mois dans l'église.
Différents corps de métier impliqués
Construire un orgue mobilise plusieurs professionnels d’une manufacture (ébénistes, tuyautiers, harmonistes, etc.). Les menuisiers et les ébénistes construisent d'abord le châssis qui accueillera l'instrument et le buffet où viendront se loger la soufflerie, la tuyauterie et la mécanique. Des sculptures en bois peuvent aussi être réalisées pour embellir l'instrument.
C'est ensuite au facteur d'orgue d'intervenir. Il réalise les tuyaux en plomb, en étain ou en bois, selon les tonalités souhaitées.
Enfin, un spécialiste des peaux fabrique toutes les pièces en cuir et notamment des joints qui résistent aux vibrations exercées sur les tuyaux et assurent l'étanchéité du circuit d'air.
Charge ensuite au facteur d'orgue d'accorder l'instrument. Cela peut prendre plusieurs mois, comme dans le cas de celui de Saint-Louis-en-l'Ile où plusieurs organistes sont venus jouer sur le nouvel instrument pour peaufiner son harmonisation avec le facteur d'orgue.
À noter
L'église est actuellement en travaux. L'orgue n'est donc pas visible, il est protégé de la poussière par des bâches. Les travaux devraient s'achever à la fin de l'année 2023 et il sera de nouveau possible d'admirer et d'écouter l'instrument.
La dernière restauration : l'orgue de tribune de l'église Saint-Philippe-du-Roule (8e)
L'église Saint-Philippe-du-Roule est dotée d'un orgue depuis 1799, soit 15 ans après son inauguration. Au cours du XIXe siècle, plusieurs facteurs d'orgue interviennent sur l'instrument : remise en état par Dallery en 1809, augmentation par Abbey en 1834, reconstruction par Merklin en 1861. La dernière reconstruction a lieu en 1903 par Charles Mutin, successeur d'Aristide Cavaillé-Coll.
Un dépoussiérage d'ampleur
Les orgues aussi vieillissent… mais des opérations de restauration sont entreprises régulièrement pour les préserver. La dernière restauration en date a concerné l'orgue de tribune de l'église Saint-Philippe-du-Roule, en 2020-2021.
Il s'agissait avant tout de rénover la toiture de l'église, rongée par des infiltrations d'eau. Pour protéger l'orgue, il a fallu le démonter et en profiter pour le dépoussiérer, car le dernier accord général du facteur Jean Renaud datait de 1991. Trois semaines durant, 2515 tuyaux ont été retirés un à un par le facteur Jean-Baptiste Gaupillat. Ils ont ensuite été stockés dans son atelier à côté de Nancy et dépoussiérés avant d'être remontés un par un puis réaccordés. Les travaux ont aussi permis de remettre en fonction la Soubasse 32' inutilisable depuis des années.
Vidéo Youtube
La restauration en cours : le grand orgue de l'église Notre-Dame d'Auteuil (16e)
L'église Notre-Dame d'Auteuil (16e), érigée entre 1877 et 1892, fait partie de la vague d'édifices cultuels construits au XIXe siècle. Dès 1885, un orgue y est installé par l'éminent Aristide Cavaillé-Coll.
À la fin des années 1930, le facteur Georges Gloton intervient sur l'instrument pour l'agrandir. L'instrument passe de deux à trois claviers et subit surtout une amélioration technique majeure : l'électrification des mécanismes, ce qui va contribuer à dénaturer l'œuvre initiale de Cavaillé-Coll mais aussi à faire la particularité de l'orgue de Notre-Dame d'Auteuil. Il est aujourd'hui considéré comme un instrument « néo-classique » et un témoin de l'évolution stylistique de la facture d'orgues dans les années 1930.
Depuis plusieurs années, l'orgue centenaire montre des signes de faiblesse. Une restauration complète est envisagée dès 2012. Mais qui dit restauration complète dit contraintes financières importantes. Avec le soutien de la mairie d'arrondissement et celui de la paroisse, ajoutés aux fonds mobilisés par le département des édifices cultuels et historiques, les travaux commencent finalement en 2016.
Ils ont permis de restaurer les indispensables pièces qui distribuent le vent aux tuyaux. Presqu'un quart des tuyaux a été remplacé par la même occasion, soit 972 sur 4118 au total.
À l'heure où nous publions cet article, l'orgue n'est malheureusement pas visible : d'autres travaux dans l'église ont nécessité de le recouvrir pour le protéger. D'ici la fin de l'année 2023, il devrait de nouveau être possible de découvrir cet orgue « néo-classique ».
L'orgue de tribune de l'église Saint-Merry (Paris Centre) : la prochaine restauration à venir
Le grand orgue de Saint-Merry est ce qu'on pourrait appeler un « medley ». Autrement dit, un savant mélange de plusieurs facteurs d'orgue intervenus au cours des siècles sur ce même instrument. Le résultat est acrobatique : certains tuyaux ne fonctionnent plus depuis des années et il est très difficile, voire périlleux, de procéder aux opérations d'entretien sur l'instrument.
L'église de Saint-Merry (que l'on peut aussi orthographier Saint-Merri) date du XVIe siècle et a été édifiée à l'emplacement d'anciennes chapelles et églises. Dès le début, un orgue y est construit. Il comporte alors un clavier et une dizaine de jeux.
En 1647, décision est prise de l'agrandir pour mieux répondre aux attentes musicales. Trois ans plus tard, l'orgue compte trois claviers et 32 jeux. Deux décennies plus tard, on lui ajoute un clavier supplémentaire.
Au cours du XVIIIe siècle, de 1778 à 1782, le renommé François-Henri Clicquot intervient sur l'instrument et le reconstruit. Seuls les meilleurs éléments sont conservés, essentiellement la tuyauterie. Quatre claviers et 37 jeux composent alors l'orgue.
Soixante-dix ans plus tard, c'est au tour d'Aristide Cavaillé-Coll de se pencher sur le cas de l'orgue de Saint-Merry. Il effectue de nombreux travaux comme le renouvellement des claviers et du pédalier, le remplacement de certains jeux et l'installation d'une machine pneumatique qui améliore le toucher de l'orgue.
Désencombrer l'orgue
Au cours des XIXe et XXe siècles, les restaurations ponctuelles continuent et s'accumulent : Joseph Merklin, la maison Abbey puis Victor Gonzalez (dans les années 1940) procèdent à des modifications. Des ajouts successifs et des interventions ponctuelles ont encombré le buffet de l'orgue entre les années 1950 et 2000. Le projet de restauration de l'instrument prévoit d'enlever au maximum ces éléments superflus pour revenir à l'état Gonzalez de 1947.
L'orgue étant situé devant la verrière ouest, il faut aussi revoir l'isolation de cette verrière occasionnant des problèmes thermiques.
La durée des travaux est estimée à trois ans. La restauration nécessitera de démonter entièrement la partie instrumentale qui sera traitée dans l'atelier du facteur d'orgue. Cette opération à elle seule devrait durer environ un an et demi.
Pour aller plus loin
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