Les voix de l’exil s’accordent avec l'Orchestre de Chambre de Paris
Reportage
Mise à jour le 23/12/2021
Sommaire
Le metteur en scène Thomas Bellorini organise des ateliers au sein des structures sociales, dans le cadre des projets sociaux de l'Orchestre de Chambre de Paris. Reportage au centre Solidarité Roquette, où les femmes chanteront pour le final de la représentation "Solo Andata" le 13 janvier prochain.
« Yabadaye, yabadaye, yaba da da dadadaye… »
Les yeux fermés, le corps qui se balance d’un pied à l’autre, la voix de Mariam
emplit la pièce pourtant sans âme. Zsuzsanna Varkonyi, à l’accordéon et Stanislas Grimbert à la
caisse claire, suivent la femme dans ce chant enivrant. Les autres membres de
l’atelier se lèvent et rejoignent la mélodie, à la fois mélancolique et
puissante. « Qui je suis, où je suis ?
», traduit du yiddish par l’accordéoniste.
Un projet social de l'Orchestre de chambre de Paris
Ce mardi
après-midi de décembre, une quinzaine de bénéficiaires du centre social
Solidarité Roquette (11e) donnent de la voix avec Thomas Bellorini,
metteur en scène et ses deux
musiciens. Cet atelier s’inscrit dans le cadre des projets sociaux de l’Orchestre de Chambre de Paris (OCP). D'autres sessions sont également proposés dans un foyer pour mineurs de l’association Aurore et à la Maison des réfugiés. Depuis
plusieurs années, l'OCP met en place des projets de co-construction
de spectacle avec les publics les plus éloignés de l’offre culturelle.
Ainsi, le 13 janvier prochain, les participants chanteront au Bataclan (11e) depuis la salle pour le final de « Solo Andata », de Thomas Bellorini d’après le recueil de poésie d’Erri De Lucca. En italien,
« Solo andata » signifie « aller simple ». Ici, au centre
Solidarité Roquette, les femmes et les hommes viennent de Syrie, du Bénin, de
Côte d’Ivoire ou de Turquie. Hébergés à l’hôtel ou en structure, ils suivent
des cours de français et des ateliers d’insertion à l’association ; les
enfants de six mois à trois ans peuvent être gardés à l’espace multi-accueil.
« Le point faible demeure dans la
mobilisation : c’est difficile d’amener les gens à l’atelier, à les
inscrire dans le projet, pointe Marine Cartier-Larger, coordinatrice du
pôle des apprentissages à Solidarité Roquette. Ces femmes vivent dans des conditions de vie très précaires, connaissent
de grandes difficultés sociales. Or,
ici, on voit des femmes heureuses d’être là, comme quoi le boulot de
mobilisation paye. »
Mettre des mots sur des notes
Les deux parties
s’enrichissent au cours de ces après-midi de musique. « C’est
un projet participatif, nous allons à la rencontre des publics, de ceux pour
qui je crée, pour les amener jusqu’au théâtre », explique le metteur en scène. Dans "Solo Andata", les musiques traditionnelle et savante s'entremêlent, les sonorités d'Afrique, des Pouilles et d'Europe de l'Est ancrent la traversée de la Méditerranée.
Entre
la scène et l’atelier, les histoires s’entremêlent. « Nous réalisons un travail de recherche ensemble. Très vite, les gens
ont participé, avec leur culture. Nous, les musiciens, nous les aidons à mettre
des mots sur des notes, pour s’exprimer. »
Prochain rendez-vous pour le spectacle le 13 janvier
Dans la salle
sans fioriture du centre social, les solos s’enchaînent, les voix du groupe et
les musiciens les suivent. En chef d’orchestre, Thomas Bellorini accorde les
voix, recherche les harmonies, lance les instruments. Après un chant en yoruba,
une langue ethnique du Nigéria, place aux mots de Barbara. Le chœur entonne « Dis, quand reviendras-tu ? »
et perfectionne sa diction du français par la même occasion.
C’est le cinquième
et dernier atelier avant le concert au Bataclan, la dernière page va se tourner
sur scène. Et les progrès sont pharamineux. « Certains,
au début, ne pouvaient pas sortir un son, pointe Stanislas Grimbert, le
percussionniste. Mon rôle était d’appuyer
sur les rythmes, pour que cela prenne. Aujourd’hui, nous avons eu des frissons.
Nous avons été au-delà de la barrière de la langue, vers un langage universel
où il n’y a pas besoin de mot. » Car le chœur ne fait ici qu'une seule voix.
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