Colocation solidaire : loyer modéré pour étudiants bénévoles

Reportage

Mise à jour le 04/01/2021

Quatre jeunes en colocation.
En échange d’heures de bénévolat dans le quartier, Alanna et Léo disposent d’une chambre à prix abordable dans une colocation solidaire, les « Kaps ». Un mode de logement alternatif qui permet d’héberger plus d’une centaine d’étudiants à Paris et de mener des projets sociaux dans les quartiers prioritaires de la politique de la Ville.
« Trouver un appartement proche de la fac, pas trop cher, c'est vraiment galère ! ». Arrivée du Brésil en 2018, Alanna, étudiante en droit à Panthéon-Sorbonne, peinait à se loger dans la capitale. Après avoir testé la colocation intergénérationnelle, elle découvre les colocations solidaires de l’Association pour la fondation de la ville, l’Afev. Léo, admis à Science Po Paris la même année, cherchait aussi des « alternatives ». Il s’est intéressé à celle proposée par l’Afev.

139 étudiants logés

La structure propose à des étudiants de moins de 30 ans d’accéder à des logements en colocation au tarif du Crous en échange d’un engagement bénévole. Inspiré des « kots-à-projets » belges, l’Afev met en place en 2010 les « Kaps », pour « Koloc’ A Projets solidaires ». À un appartement en colocation correspond un projet solidaire dans le quartier. C’est ce qui donne le droit d’avoir un logement du Crous, partenaire de l’Afev, ou auprès d'un autre bailleur, toujours à des prix inférieurs au marché.
Depuis septembre, Alanna partage un 92m2 place d’Italie (13e) avec Virgil, Fiona et Marie. Les « Kapseurs » payent chacun 354 euros par mois, avant la déduction des aides. Corollaire du contrat, ils dédient sept heures par semaine à des actions auprès d’habitants du quartier : deux pour un accompagnement individuel et le reste pour un projet collectif.
Quatre jeunes colocataires.
A Paris, le dispositif profite à 139 étudiants recrutés au cours de l'été pour l'année universitaire 2020-2021. Ils sont répartis dans 33 colocations dans les 13e, 17e, 18e, 19e et 20e arrondissements. Marseille, Poitiers, Rennes… 32 autres villes ont suivi le mouvement, et on compte désormais 755 Kapseurs sur tout le territoire.

Du soutien scolaire pour les plus jeunes

Le bénévolat, lui, commence par une séance de mentorat hebdomadaire avec un élève en difficulté scolaire ou en manque de confiance en soi. « Je m’occupe d’une enfant de 8 ans. La première heure, c’est les devoirs ! La deuxième, je l’emmène à la bibliothèque pour lui donner l’envie de lire. Nous faisons aussi d’autres activités manuelles ou ludiques pour stimuler sa curiosité, détaille Alanna. Nous avons visité ensemble le centre Georges-Pompidou et le 59, rue de Rivoli pour découvrir d’autres endroits. »
Léo, lui, s’est lié avec Mamadou, un élève de 11 ans. Il venait le chercher à l’école tous les jeudis soir, lorsque le contexte sanitaire le permettait. « On se pose dans un café, on goûte et on discute, on discute beaucoup. Ça l’aide pour canaliser ses émotions. Puis, on fait les devoirs. Je ne tiens pas les comptes de ses notes, mais savoir qu’il gagne confiance en lui, c’est la meilleure des récompenses », appuie l’étudiant de la rue Saint-Guillaume (7e). Sa fierté : quand Mamadou, plutôt réservé au début, l’a appelé pour lui annoncer qu’il était élu délégué de sa classe, projet encouragé par Léo.

Projets collectifs pour renforcer les liens

Comme Alanna, Léo partage son lieu de vie avec d’autres Kapseurs. Dans la résidence Vincent-Auriol (13e) du Crous, sept appartements sont réservés aux Kaps. Et chacun est missionnée par l’Afev pour mener un projet collectif. La coloc’ d’Alanna anime les samedis des ateliers avec une dizaine d’enfants. « La séance est préparée en amont ensemble entre nous. On cherche des idées pour éveiller les enfants. C’est très large, on a une liberté artistique pour créer ».
Quant à Léo, Sabah, Guillaume, Alexandra et Claire, ils sont chargés de développer le lien intergénérationnel dans une résidence du quartier. « On propose des jeux, des blind tests, des apéros. Une grande partie du travail consiste à inciter les habitants à participer à nos activités avec des flyers, des affiches… Comme Sabah et Guillaume étudient la communication, cela nous aide bien ! » L’année dernière, la colocation de Léo s’occupaient du café associatif T-Kawa porte d’Ivry.

Sortir de sa bulle

Jardin partagé, rencontres gastronomiques : à l’inverse du mentorat scolaire, les projets collectifs s’adressent aux jeunes et moins jeunes du quartier. Situation sanitaire oblige, les Kapseurs poursuivent leur suivi des élèves par téléphone, maintiennent les projets collectifs sur place quand les conditions le permettent.
Et la vie à cinq n’a pas l’air de poser de souci aux étudiants. « Super ambiance, super cohésion » chez Léo. C’est aussi « une très bonne option pour de nouer des amitiés », insiste la Brésilienne de 23 ans. « J’ai 19 ans : je suis le plus jeune, poursuit Léo. Les autres m’ont donné de super conseils pour gérer le passage du lycée aux études supérieures. Mathématiques, communication, langues, histoire médiévale… On étudie tous des choses qui n’ont rien à voir, ça nous sort de la bulle de nos études ». Et puis « on est utile pour le quartier où on habite », ajoute Alanna. Un engagement dans la ville.