Depuis les attentats de janvier 2015, l’association Dessinez Créez Liberté éduque les jeunes au dessin de presse

Actualité

Mise à jour le 06/01/2025

Dessin en noir et blanc avec des jeunes dans un lycée
Crédit photo : Riss, Charlie Hebdo, 6 janvier 2016

Sommaire

Qu’est-ce que la caricature ? Comment s’articule-t-elle avec les sujets de société et le débat démocratique ? Séverine Teillot, médiatrice culturelle et directrice de l’association Dessinez Créez Liberté, se rend dans les collèges et les lycées pour sensibiliser les jeunes à ces sujets.
Des crayons, des drapeaux, des symboles de la République, des messages forts sur la liberté d’expression… Près de 25 000 dessins d’enfants sont parvenus à Charlie Hebdo dans les six mois qui ont suivi les attentats de janvier 2015. L’hebdomadaire satirique, en collaboration avec SOS Racisme, a alors décidé de fonder l’association Dessinez Créez Liberté afin d’éduquer les jeunes aux médias, au dessin de presse, à la caricature et à la citoyenneté.
Autre objectif de cette structure : offrir au plus grand nombre (enseignants, animateurs jeunesse, bibliothécaires, éducateurs, personnel pénitentiaire, etc.) des outils pédagogiques originaux pour ouvrir les débats et aborder les thématiques qui font l’actualité et agitent la société.
(Photo de l’article : dessin de Riss lors d’une intervention de l’association Dessinez Créez Liberté en classe)
Des dessins déposés au sol en hommage aux victimes des attentats de Charlie Hebdo
Hommage aux victimes des attentats de « Charlie Hebdo », dans la rue Nicolas-Appert (11e) et le boulevard Richard-Lenoir (11e).
Credit Jean-Baptiste Gurliat / Ville de Paris
Un crayon cassé en deux et les noms des victimes
Dessin de Julia après les attentats du 7 janvier 2015.
Credit Archives de Paris
Un globe terrestre entouré de l'expression Je suis Charlie
Dessin d’Emma après les attentats du 7 janvier 2015, publié par l’association Dessinez Créez Liberté dans l’ouvrage « #Jedessine ».
Credit Archives de Paris

Que sont devenus tous ces dessins ?

Avec l’association, nous les avons triés, thématisés, dans l’objectif de les valoriser et de les transformer en supports pédagogiques.
Cent soixante dessins ont été sélectionnés pour l’exposition « #Jedessine », qui a circulé (et continue de circuler) dans les mairies, les médiathèques, les structures sociales et culturelles. Un kit pédagogique a été élaboré avec Réseau Canopé et le Centre pour l’éducation aux médias et à l’information (CLEMI) pour les enseignants.

En 2018, "Charlie Hebdo" a transmis l’ensemble des dessins reçus aux Archives de Paris, qui les ont classés et inventoriés afin de créer un fonds dédié.

Séverine Teillot
médiatrice culturelle et directrice de l’association Dessinez Créez Liberté
Les dessins ont aussi été rassemblés dans un livre (éd. Les Échappés) préfacé par Boris Cyrulnik. Enfin, la websérie Dessine-moi un Charlie réunit des témoignages de jeunes ayant envoyé un dessin à Charlie Hebdo en 2015.
Le 24 avril 2018, Charlie Hebdo a officiellement transmis l’ensemble des dessins reçus aux Archives de Paris (19e), qui les ont classés et inventoriés afin de créer un fonds dédié.

Quelle est la mission de votre association ?

L’embauche d’une salariée (trois aujourd’hui), le travail avec SOS Racisme et la mise en place d’un partenariat avec l’Éducation nationale et le ministère de la Culture nous ont permis de commencer des interventions de médiation avec des jeunes.

Nous voulons sensibiliser les jeunes à la liberté d’expression et leur apprendre à décrypter les images.

Séverine Teillot
médiatrice culturelle et directrice de l’association Dessinez Créez Liberté
Nous proposons des ateliers interactifs qui permettent aux jeunes de découvrir l’histoire de la caricature en France et d’explorer les différents symboles utilisés dans les dessins. Par exemple, on peut parler des caricatures sous la monarchie ou pendant la Révolution française, jusqu’à aujourd’hui avec Charlie Hebdo.
Nous voulons les sensibiliser à la liberté d’expression et leur apprendre à décrypter les images, en particulier les dessins de presse et les caricatures. Il s’agit d’aborder des thèmes comme les attentats de janvier 2015, les limites de la liberté d’expression, le contexte historique des caricatures et leur rôle dans la critique sociale.

Comment se déroulent ces ateliers interactifs ?

Nous utilisons une méthodologie en quatre étapes. D’abord, nous demandons aux jeunes d’observer un dessin : qu’y voit-on ? Puis, dans quel contexte a-t-il été produit ? Ensuite, nous les invitons à interpréter le dessin : quel message veut faire passer l’auteur ? Est-ce que ce dessin vous plaît ou vous gêne ? Pour quelles raisons ?

Nous adaptons nos ateliers à l’âge des jeunes. Au collège, nous commençons par un sujet plus proche de leur quotidien, comme le harcèlement scolaire.

Séverine Teillot
médiatrice culturelle et directrice de l’association Dessinez Créez Liberté
Bien sûr, l’idée, c’est qu’ils argumentent afin d’engager le débat sur la liberté d’expression. Enfin, quand nous intervenons sur plusieurs séances, nous leur proposons de dessiner à leur tour sur le sujet qui les touche : racisme, sexisme, violences faites aux femmes, crises migratoires…
Nous adaptons nos ateliers à leur âge et à leurs réactions. Au collège, nous commençons par un sujet plus proche de leur quotidien, le harcèlement scolaire, avant d’évoquer les attentats ou la liberté d’expression.
kit de fiches pédagogiques
L’association Dessinez Créez Liberté.
Credit DR

Quel est l’impact de vos interventions ?

Nous remarquons que les jeunes sont curieux et posent beaucoup de questions sur les attentats. Pour des collégiens et des lycéens, ces événements de 2015 sont lointains. On leur rappelle donc les faits très précis. On nomme les victimes et ils essaient de comprendre pourquoi cela s’est passé comme ça.

Pour les professeurs, nos interventions sont aussi un soutien, notamment depuis les drames comme les assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard.

Séverine Teillot
médiatrice culturelle et directrice de l’association Dessinez Créez Liberté
Il y a des jeunes qui ne comprennent pas la critique de la religion. Ils ont le droit d’être choqués ou gênés par un dessin et ils peuvent le dire, mais on leur rappelle qu’en France ce ne sont pas les règles religieuses qui dictent la loi. Ce qui est interdit, c’est l’incitation à la haine, l’incitation au terrorisme… mais on a le droit de critiquer le dogme religieux. À leur âge, ils ne le savent pas toujours.
Pour les professeurs, nos interventions sont aussi un soutien, notamment depuis les drames comme les assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard. Nous proposons des formations pour les aider à aborder ces sujets sensibles en classe.

Quels projets prévoyez-vous pour les 10 ans des attentats ?

Pour ce dixième anniversaire, nous avons conçu un nouvel outil pédagogique intitulé « Caricature et démocratie », en partenariat avec la Région Île-de-France. Il comprend douze dessins historiques et contemporains qui explorent l’évolution du dessin de presse, de la monarchie au XXIe siècle. Nous prévoyons également de concevoir de nouvelles ressources et de poursuivre les interventions et des ateliers dans toute la France.
Caricatures et dessins de presse
Bibliothèque de l'Hôtel de Ville (BHdV) - 5 rue Lobau, Paris 4e
Du jeudi 16 janvier 2025
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