Des feux tricolores éteints aux carrefours situés en zone 30
Actualité
Mise à jour le 17/11/2017
Attention, cet article n'a pas été mis à jour depuis le 17/11/2017, il est possible que son contenu soit obsolète.
Sommaire
À l’instar d’initiatives prises dans d’autres villes en France comme à l’étranger, la Ville de Paris, en lien avec le CEREMA, souhaite expérimenter la suppression des feux tricolores sur plusieurs carrefours en zone 30 et lorsque la configuration le permet.
C’est dans le 14e arrondissement que va être testée la première zone sans feux de circulation. Cette mesure, qui peut questionner de prime abord, est en fait un formidable levier pour améliorer la cohabitation entre les usagers de la voirie et la sécurité routière, comme l'ont d'ores et déjà prouvé toutes les expériences dans les villes ayant déjà supprimé des feux.
À quoi servent les feux tricolores ?
Historiquement, et depuis leur première installation à Paris en 1923 au carrefour Réaumur/Sébastopol, les feux de circulation ont pour fonction de gérer dans le temps et l'espace les conflits entre usagers des voies en alternant le passage de ces derniers.
En effet, lorsque les flux automobiles et piétons sont denses, ou bien que la vitesse des véhicules est élevée, les feux tricolores sont un moyen efficace de gérer ces différents flux, mais contrairement à certaines idées reçues, ils ne sont pas des équipement de limitation de vitesse en tant que tels.
Au fil du temps, leur vocation de base a souvent dévié et l'on retrouve ainsi fréquemment des feux implantés sur des voies où ils ne sont pas nécessaires.
Le cas parisien
À Paris, 1 805 carrefours sont été équipés d'une signalisation tricolore à Paris, ce qui représente environ 20 000 feux tricolores voitures, piétons ou vélos.
Si une grande partie de ces feux est située sur les axes à haut débit et où la vitesse est limitée à 50 km/h, les nouvelles politiques de déplacements, ainsi que la généralisation des zones 30 et des zones de rencontre dans le but d'améliorer le cadre de vie et de redonner une place plus juste et plus équilibrée à tous les usagers (et donc réduire celle de la voiture) interrogent aujourd'hui la pertinence de l'équipement en feux de certains carrefours.
Si une grande partie de ces feux est située sur les axes à haut débit et où la vitesse est limitée à 50 km/h, les nouvelles politiques de déplacements, ainsi que la généralisation des zones 30 et des zones de rencontre dans le but d'améliorer le cadre de vie et de redonner une place plus juste et plus équilibrée à tous les usagers (et donc réduire celle de la voiture) interrogent aujourd'hui la pertinence de l'équipement en feux de certains carrefours.
Pourquoi supprimer des feux à certains carrefours?
C'est à la lumière de plusieurs facteurs que la Ville de Paris souhaite lancer aujourd'hui l'expérimentation des feux tricolores.
Pour améliorer la sécurité routière
Contrairement à de nombreuses idées reçues, les feux tricolores ne sont pas une garantie absolue de sécurité pour la traversée des piétons aux carrefours. Les expériences en France et à l'étranger montrent au contraire que l'absence de signalisation force les usagers à faire plus attention.
On constate en effet que si les piétons sont les premières victimes de la route à Paris (entre 40 % et 50 % des victimes), plus de la moitié des accidents les impliquant ont eu lieu lors de la traversée sur des passages piétions équipés de feux, et dans plus d'un tiers des cas, la figurine piéton était au vert, et donc le piéton dans son bon droit.
S'il est évidemment infondé de conclure que les feux tricolores sont des équipements accidentogènes pour les piétons, on constate donc qu'ils ne peuvent pas assurer une sécurité permanente et totale pour tous les usagers.
Le manque d'attention des usagers à ce qui se passe effectivement sur la chaussée, se reposant trop sur les signaux donnés par les feux sans observer leur environnement direct est l'une des explications principales de ce phénomène contre-intuitif.
Le cas le plus fréquent lors d'accidents avec le feu piéton au vert est ainsi le refus de priorité d'un véhicule en train de tourner au feu vert alors qu'un piéton traverse de l'autre côté du virage au feu, alors que le feu est vert pour lui également. Le piéton s'engage donc sans crainte sur le passage et peut ainsi être surpris par le véhicule qui tourne et vient à lui refuser la priorité.
Pour les cas où le feu piéton était au rouge, la majorité des accidents est causée par un manque d'attention des piétons. Couplés à une mauvaise évaluation des distances, une absence de visibilité, la vitesse des véhicules ou un feu voiture pas encore repassé au vert, les piétons peuvent ainsi être tentés de traverser la voie et s'exposer inutilement au danger.
La priorité des piétons sur les véhicules n'étant pas toujours respectée, les accidents peuvent donc survenir même sur les carrefours équipés.
La priorité des piétons sur les véhicules n'étant pas toujours respectée, les accidents peuvent donc survenir même sur les carrefours équipés.
Pour diminuer la pollution de l'air
La présence des feux tricolores a également une incidence directe sur la pollution de l'air, particulièrement sur les zones denses, du fait qu'ils imposent des arrêts et redémarrages fréquents aux automobilistes.
Les arrêts et redémarrages impactent fortement la consommation d'essence ou de diesel et ont donc une incidence directe sur l'émission de gaz et de particules.
Par ailleurs, un grand nombre de particules fines de type PM10 (respirables) sont générées au moment du freinage, quel que soit le type de véhicule, du fait de la friction subie par les plaquettes de frein pour arrêter le véhicule et de l'abrasion qui en résulte.
De la même manière, une hausse de la fréquence des freinages entraîne également une hausse de l'usure des pneus et des revêtement de chaussée. Or, leur abrasion est elle aussi génératrice de particules fines et polluantes.
Airparif nous apprend ainsi dans une étude de 2016 que l'usure des routes, freins et pneus est responsable de 20% des émissions parisiennes de particules PM10.
Pour apaiser le trafic
L'absence de feux, si elle est accompagnée des aménagements adéquats, permet d'éviter les arrêts inutiles, et d'apaiser le trafic, notamment parce qu'elle évite des accélération et décélérations trop importantes.
Cela permet ainsi une bien meilleure cohabitation des différents modes de déplacement et diminue également les incivilités et facteurs d'accidents à ces carrefours.
Les exemples en France et à l'étranger
Pays-Bas : la ville de Dratchen
C'est des Pays-Bas que nous viennent les premiers retours d'expérience concluants sur la mesure.
Peuplée de 50 000 habitants, la ville de Dratchen a en 2006 déposé 16 des 18 feux tricolores installés sur sa commune pour mettre en avant la notion de shared space (espace partagé), toujours selon l'idée que l'absence de signalisation force les usagers à faire plus attention.
Peuplée de 50 000 habitants, la ville de Dratchen a en 2006 déposé 16 des 18 feux tricolores installés sur sa commune pour mettre en avant la notion de shared space (espace partagé), toujours selon l'idée que l'absence de signalisation force les usagers à faire plus attention.
Dylan Grice, ingénieur et économiste pour la Société Générale Cross Asset Research, au sujet de la dépose des feux à Drachten
« Ce que je trouve intéressant au sujet de ces expériences, c’est que les principales critiques proviennent presque toujours de gens qui se plaignent parce qu’ils se sentent moins en sécurité sous le nouveau régime. De fait, un sondage auprès des habitants de Drachten a révélé une perception accrue du danger lié à la route. Et je pense que c’est la clé du mystère. Nous ne devrions pas nous sentir totalement en sécurité lorsque nous sommes sur la route, parce que ça n’est pas vraiment sans danger. C’est pourquoi les routes sans signalisation sont plus sûres, précisément parce que les gens sont vigilants face au risque d’accident : ils surveillent le comportement des autres ; les conducteurs attendent d’avoir croisé le regard des autres automobilistes avant de s’élancer ; les piétons font attention à la circulation autour d’eux, et les voitures font attention à eux également. »
Plusieurs observations positives ont pu être faites à ces carrefours à la suite de l'application des ces modifications :
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Une diminution du nombre d’accidents : de 36 accidents en 4 ans à 2 accidents en 2 ans après la suppression des feux.
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Une diminution du temps d’attente des usagers : de 50 secondes en moyenne à 30 secondes.
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La diminution de la vitesse des véhicules motorisés.
France : la ville de Bordeaux
L'une des villes les plus embouteillées de France est également l'une de celles qui possède le plus de feux tricolores.
La Ville de Bordeaux mène ainsi depuis le début de l'année sa propre expérimentation sur la suppression des feux tricolores, avec pour objectif la suppression de 300 feux.
Parmi les 27 carrefours les plus accidentogènes de la ville, 25 sont en effet des carrefours à feux.
S'il est trop tôt pour établir des conclusions définitives, on constate déjà des résultats favorables à la fois sur la fluidifiaction du trafic, mais également pour la sécurité des usagers.
Ci-dessous un reportage de France Info sur l'expérience bordelaise.
Que dit le CEREMA?
Qu'est-ce que le CEREMA ?
Établissement public à caractère administratif, sous la tutelle conjointe du ministère de la Cohésion des Territoires et du ministère de la Transition écologique et solidaire, le CEREMA (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement) développe des relations étroites avec les collectivités territoriales et accompagne la Ville de Paris dans sa démarche d'apaisement du trafic.
Répondant au besoin de disposer d’un appui scientifique et technique renforcé, pour élaborer, mettre en œuvre et évaluer les politiques publiques de l’aménagement et du développement durables, le CEREMA a été créé le 1er janvier 2014 et a permis de réunir les compétences de onze services :
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les huit Centres d’études techniques de l’équipement (Cete);
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le Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques (Certu);
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le Centre d’études techniques, maritimes et fluviales (Cetmef);
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le Service d’études sur les transports, les routes et leurs aménagements (Setra).
Quelles sont les recommandations du CEREMA à propos de l'extinction des feux ?
Dans sa note du 24 avril 2017, le CEREMA a étayé son point de vue à ce sujet sous forme de questions-réponses.
Ils permettent aux usagers de traverser un flot important sans attendre trop longtemps, sans forcer le passage. Ils régulent ainsi le passage des usagers et permettent d’écouler beaucoup de trafic dans un espace réduit, que les usagers soient des piétons ou des véhicules.
Oui, comme tout équipement ils ont leur domaine de pertinence.
Les villes évoluent, les niveaux de trafic, les vitesses, les usages. Aussi des feux qui ont été utiles à une époque peuvent avoir perdu leur pertinence, par exemple une rue à 50km/h transformée en aire piétonne ou la modification d’un plan de circulation permettant de transformer un quartier en zone 30 en ayant détourné le trafic véhicule.
Là où les trafics véhicules sont faibles.
Sur les rues et aux carrefours à trafic véhicules élevé pour permettre en premier lieu aux piétons de traverser sans trop attendre ni forcer le passage.
Ensuite, aux carrefours à trafic élevé pour donner la priorité de passage aux véhicules de transport en commun (bus, tram) par rapport aux autres usagers.
La question n’est pas simple, toutefois les études convergent pour montrer qu’il y a des bénéfices sur la sécurité lorsque le trafic véhicules est élevé, ce qui n’est pas le cas lorsque le trafic est faible.
Trois phénomènes sont notamment documentés relativement aux accidents en carrefour à feux :
- les prises de vitesse pendant le vert de la part des conducteurs qui veulent éviter le rouge, avec des effets négatifs sur la sécurité;
- les chocs arrière;
- la trop grande confiance du piéton notamment enfant ou âgé dans la couleur du feu.
Le guide de conception des carrefours à feux aux États-Unis (MUTC) a montré que la suppression des feux qui ont perdu leur pertinence aboutit à une réduction de l’accidentalité, pour peu qu’elle se fasse dans un cadre réfléchi et conforme aux règles de l’art.
Par ailleurs, au niveau comportement on constate un faible respect des feux lorsqu’ils ne sont pas crédibles, tant par les conducteurs que les piétons, ce qui peut avoir des conséquences sur la crédibilité des feux là où ils sont pertinents.
Où retirer des feux à Paris?
La toute première expérimentation à l'échelle d'un quartier aura lieu dans l'une des zones 30 du 14e arrondissement. Sept carrefours vont servir de test à cette toute première expérimentation dans la capitale :
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Rue du Château - Rue de l'Ouest
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Rue du Château - Rue Raymond Losserand
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Rue Pernety - Rue de l'Ouest
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Rue Pernety - Rue Raymond Losserand
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Rue de Gergovie - Rue de l'Ouest
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Rue de Gergovie - Rue Raymond Losserand
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Place Moro Giafferi
Les mesures d'accompagnement.
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Déploiement des zones 30 au sud de la rue Froidevaux
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Inversement du sens de circulation de la rue du Château, entre la place de Catalogne et la rue de l'Ouest
L'expérimentation, et après?
Les feux seront masqués à partir de fin novembre. D'ici là, des capteurs et caméras vont être installés afin de pouvoir réaliser des mesures avant et après (bruit, débits, vitesses, pollution).
Les caméras permettront également d'observer les comportements des usagers (piétons, automobilistes, cyclistes) avant et après le masquage des feux.
Si l'expérimentation se révèle concluante, elle sera suivie d'aménagements au cours de l'année 2018.
Les caméras permettront également d'observer les comportements des usagers (piétons, automobilistes, cyclistes) avant et après le masquage des feux.
Si l'expérimentation se révèle concluante, elle sera suivie d'aménagements au cours de l'année 2018.
Le calendrier prévisionnel
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Novembre 2017 : Masquage des feux tricolores, inversion du sens de circulation entre la place de Catalogne et la rue de l’Ouest.
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Février-Avril 2018 : Travaux de réaménagement de la rue du Château entre la place Moro-Giafferi et l’avenue du Maine, dépose des feux tricolores si l’expérimentation s'est avérée concluante.
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Mars-Mai 2018 : Déploiement de la zone 30 dans le quartier, y compris la rue Didot. Création d’un passage piéton rue Asseline.
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