L’agence de photos Roger-Viollet, plus d'un siècle d'histoire en archives (1/2)
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Mise à jour le 31/05/2023
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Hélène Roger-Viollet et son mari Jean Fischer ont constitué un fonds photographique unique en Europe, regroupant six millions d’images et couvrant plus d’un siècle et demi d’histoire parisienne, française et internationale. Des clichés encore aujourd'hui conservés dans les fameuses boîtes vertes de l'agence Roger-Viollet, et légués à la Ville à la disparition de ses créateurs.
La photo de la locomotive
accidentée de gare Montparnasse en 1895, celle de ces ouvriers parisiens jouant à saute-mouton sur les toits de la
capitale ou encore l'instantané représentant Jean Jaurès haranguant la foule à
la veille de la Première Guerre mondiale… Ces photos iconiques font partie du
patrimoine collectif des Français. Mais peu d’entre eux savent qu’ils peuvent
trouver les originaux de ces images dans des boîtes vertes, bien rangées dans
les bibliothèques de l’agence Roger-Viollet, ainsi qu’à portée de clic sur son
site web.
C’est au 6, rue de Seine (6e), dans les locaux de cette agence de
photos d’archives, que Paris.fr vous emporte pour ce premier épisode, à la découverte d’un couple de
glaneurs d’images étonnant. Leur travail a permis de réunir six millions de
clichés retraçant la mémoire de Paris et de celle du monde.
Henri Roger-Viollet, né en 1869,
exerçait la profession de chimiste. Mais il était surtout un photographe amateur
éclairé, qui savait fabriquer des émulsions sur plaques de verre et faire des
tirages. Après avoir photographié la construction de la tour Eiffel et l’Exposition universelle, en 1889, il expérimente toutes les facettes de
la photographie : angles de vue improbables, ombres chinoises et trucages par
surimpression. Une passion qu’il transmet à l'aîné de ses six enfants, Hélène, qui poursuit
des études de journalisme.
Une couverture exclusive de la guerre civile espagnole
Hélène Roger-Viollet et Jean Fischer, son compagnon, adorent voyager. En 1936, ils partent faire leur premier reportage de terrain sur le thème des congés payés. Arrivés en Andorre, ils se retrouvent sans le vouloir dans l’agitation de ce que seront les prémices de la guerre civile espagnole. Ils traversent la frontière clandestinement et sont les premiers à rapporter des bobines de ce conflit. Leurs photos et leurs témoignages sont publiés dans toute la presse.
Deux ans plus tard, Hélène et son père préparent une expo de photos sur
l’Exposition universelle. Il leur manque quelques clichés, notamment ceux des
pavillons allemands. Au cours de leurs recherches, ils tombent sur la toute petite boutique de
monsieur Ollivier, rue de Seine, spécialisée dans les photos de décors et d'œuvres d'art qu’il vend aux étudiants des Beaux-Arts. Le commerçant souhaite partir à la retraite… Hélène
Roger-Viollet décide de racheter le fonds de commerce et d'en prendre les rênes avec son mari. Nous sommes en 1938.
Le
couple trie, classe, vend, collectionne de nouvelles photos… De simple boutique, Roger-Viollet se
convertit alors petit à petit en agence de presse. Les quelques milliers de photographies d'Henri Roger font partie des collections fondatrices de l'agence.
Non seulement Hélène et son mari Jean vont parcourir le monde équipés de leurs Rolleiflex afin de compléter, documenter et
enrichir les archives existantes, parfois à la manière d’ethnologues, mais ils vont aussi acquérir des photos de professionnels. Parmi elles, la collection de cartes
postales Léon et Lévy, la centaine de milliers de négatifs et albums photographiques
de la Compagnie des arts photomécaniques ou encore le fonds Boris Lipnitzki et ses millions de photographies de mode, de spectacles, de portraits de personnalités
et de reportages mondains.
« Ils récupèrent aussi des stocks
d’antiquaires, des reportages de photojournalistes oubliés au fond de caves ou destinés à la déchetterie - souvent des trésors ! La démarche de toute leur vie a ainsi permis de constituer un patrimoine photographique unique… qui aurait
totalement disparu sans leur intervention, explique Gilles Taquet, qui dirige
Roger-Viollet depuis 2020. Les
plus anciennes plaques remontent à 1858 et les photos les plus récentes du
début des années 2000. 99 % du fond est constitué de photos en noir et blanc ».
La
particularité de l’agence Roger-Viollet est qu’elle n’a pas de
photographe salarié, ne passe pas de commande et n’a pas de production propre : c’est exclusivement une agence d’archives. Et c’est l’histoire de France depuis la fin du XIXe siècle que l'on retrouve dans les fameuses boîtes vertes de l'agence…
Une tragédie… et un fonds sauvé par la Ville
Le couple Roger-Viollet-Fischer a vécu, travaillé, voyagé ensemble pendant plus de soixante ans. Dès lors, rien ne laissait présager la tragédie du 25 janvier 1985. « Un coup de folie, sans doute », analyse aujourd'hui Gilles Taquet, en montrant les coupures de presse de l'époque. Le Monde écrivait : « La
propriétaire de l’agence photographique Roger-Viollet, 83 ans, a été découverte
morte, la gorge tranchée à son domicile, rue des
Beaux-Arts, à Paris (6e). C’est sur les indications de son mari, Jean-Victor
Fischer, 81 ans, lui-même retrouvé peu avant, les veines tailladées, au siège
de l’agence, rue de Seine, que les policiers s’étaient rendus au domicile du
couple. »
Jean Fischer
commencera par raconter la fable d’un double suicide aux policiers, puis finira
par avouer son acte. Le procès n’eut pas lieu : le photographe se
pendra trois mois plus tard dans sa cellule de Fresnes.
.
À l'effroi aurait pu succéder un problème d'héritage. Mais l’agence travaille de longue date avec la Ville de Paris. Elle leur permet de conserver l’ensemble des
négatifs originaux et des plaques de verre dans des locaux municipaux situés sous
le Petit Palais (ils ont depuis été déménagés dans le Marais, dans un local spécifiquement aménagé à cet effet, selon des critères de conservation optimale).
Les liens deviennent de plus en plus étroits au fil des ans. « Sans héritier direct, Hélène Roger-Viollet et Jean Fischer craignaient que leur
collection disparaisse avec eux. Ils avaient donc rédigé un
testament indiquant que tous leurs biens devaient être transmis à la Ville de
Paris au moment de leur décès, relate Gilles Taquet. Par ailleurs, l’immeuble du 6, rue de Seine, a
été préempté par la Ville à l'époque d'Haussmann. »
La Ville a donc sauvé le fonds, qui dépend à présent de la
Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Mais avant d’en arriver là, l’histoire compte encore quelques rebondissements… À découvrir dans notre deuxième épisode publié prochainement !
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