Nuit de la Solidarité : à quoi ressemble cette soirée lorsqu'on est bénévole ?

Reportage

Mise à jour le 24/01/2025

Groupe de bénévoles lors de la 8e édition de la Nuit de la Solidarité.
Au cœur de l’hiver s’est tenue, pour la 8e fois, la Nuit de la Solidarité. À cette occasion, près de 2000 Parisiens (bénévoles et professionnels) ont arpenté la capitale pour aller à la rencontre des personnes qui dorment à la rue. Nous y étions.
« On ne traite bien que ce qu’on connaît bien. » Ces mots prononcés par la maire de Paris résument la philosophie de la Nuit de la Solidarité, un concept né à New York et importé à Paris en 2018. Ce jeudi 23 janvier, 2000 Parisiens répartis dans tous les arrondissements ont décidé de donner de leur temps pour permettre de mieux connaître les personnes qui dorment à la rue.
Rendez-vous est donné dans la salle des fêtes de l’Hôtel de Ville où, après avoir reçu les consignes et une formation, chaque équipe a fait connaissance autour de la table et d’un sandwich. Il est bientôt 22h, l’heure d’enfiler sa chasuble floquée « Nuit de la Solidarité » et de partir arpenter les rues parisiennes.

Cela fait un moment que j’avais envie de m’investir et d’aider les autres.

Léa
bénévole
À cette heure, les personnes qui dorment à la rue sont en train de s’installer pour passer la nuit, mais ne sont pas encore endormies : c’est le meilleur moment pour tenter de nouer un échange. Léa et Zakia, toutes deux étudiantes, qui ne se connaissaient pas avant ce soir, avancent en direction de l’île Saint-Louis accompagnées de Jérôme, le responsable de cette petite équipe. Pour les deux jeunes femmes, c’est une première. « Cela fait un moment que j’avais envie de m’investir et d’aider les autres, notamment car je suis confrontée chaque jour à la précarité de certaines personnes », explique Léa.
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La Fabrique de la Solidarité propose des missions de bénévolat ponctuelles ou sur la durée, des formations pour agir sur le terrain et permet de participer à des évènements artistiques et conviviaux. Ce dispositif municipal est installé dans l’ancienne mairie du 2e arrondissement au 8, rue de la Banque.
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Faire fi des apparences

La carte à la main, la jeune femme ouvre la marche. Un passage par le square Barye donne lieu à un premier échange avec un homme, installé seul sur un banc. Parce que la règle numéro une de la soirée consiste à aller au-delà des idées qu’on se fait des personnes à la rue et à poser la question à chaque personne qu’on rencontre, Jérôme lui demande s’il a un endroit pour dormir ce soir. D’abord surpris, il le remercie ensuite : « C’est gentil de prendre du temps pour aider les autres. Mais j’ai bien un logement ! Allez voir de l’autre côté, j’ai vu des tentes près du pont. »
Une vingtaine de minutes plus tard, l’équipée arrive sur la berge au niveau du pont Marie. On aperçoit alors des tentes et une silhouette, debout, à quelques mètres. En s’approchant, on découvre un jeune homme qui hoche la tête lorsqu’on lui demande s’il dort ici. D’un geste, il désigne le campement fait de six tentes. Il interpelle alors trois autres personnes qui se joignent à lui et forment un demi-cercle face à l’équipe de bénévoles.

« Pour avoir plus de liberté, on reste là, dans ces tentes »

D’abord méfiants, ils se confient ensuite un peu sur leur parcours. Voilà environ six mois qu’ils vivent là, à deux par tente. Les douze jeunes hommes viennent tous de Guinée, sont déjà informés des services offerts par les différentes associations qui maraudent dans le quartier ou par la possibilité de se laver aux bains-douches situés à quelques mètres de leur campement.
L’un d’eux, arrivé en France il y a deux ans, explique : « On a déjà été mis à l’abri dans des gymnases ou des centres. Mais le problème, c’est qu’il faut partir à 7 h du matin et qu’on ne peut revenir qu’à 18 h. Des fois, nous avons besoin de dormir en journée, car il nous arrive de veiller tard pour parler avec notre famille, à cause du décalage horaire. Alors, pour avoir plus de liberté et de flexibilité, on reste là, dans ces tentes. »

En discutant normalement, on a eu la majorité des informations qui permettent de mieux cerner leurs besoins et mieux connaître leur profil.

Jérôme
responsable d'équipe
Après leur avoir souhaité une bonne nuit, les bénévoles s’éloignent, puis s’arrêtent pour continuer de remplir les informations sur les fiches. Jérôme, le responsable d’équipe, explique : « Il y a un questionnaire à remplir, mais l’objectif n’est pas d’avoir les yeux rivés sur la fiche. Au final, en discutant normalement, on a eu la majorité des informations qui permettent de mieux cerner leurs besoins et mieux connaître leur profil. »

Des avancées concrètes grâce à la Nuit de la Solidarité

Les informations collectées à l’occasion de cette Nuit de la Solidarité permettent des avancées concrètes : c’est notamment en remarquant un nombre croissant de femmes qui dorment à la rue que de nouvelles haltes dédiées aux femmes ont été ouvertes. Cela aide également pour adapter la quantité d’aide alimentaire à délivrer, ou pour créer de nouvelles bagageries qui répondent à des besoins exprimés via ces questionnaires.
Lorsque, au détour d’une rue, les bénévoles tombent ensuite sur une tente habitée par un homme, ils comprennent rapidement que celui-ci n’a pas très envie de leur parler. Tant pis, l’objectif n’est pas d’insister ni de forcer la main.

Nous n’avons pas vu grand monde […], mais c’est tant mieux : cela signifie qu’il n’y a pas trop de gens qui dorment dehors sur ce secteur.

Jérôme
responsable d'équipe
À 23 h 45, après deux heures de marche, chaque bout de l’île Saint-Louis a été arpenté par notre équipe. Au moment de se séparer, un rapide bilan est fait de cette soirée : « On a formé une belle équipe ! Nous n’avons pas vu grande monde, on reste presque sur notre faim de ne pas avoir eu plus de discussions enrichissantes avec des gens rencontrés dans la rue. Mais c’est tant mieux : cela signifie qu’il n’y a pas trop de gens qui dorment dehors sur ce secteur. »
Une analyse poussée des résultats
Chaque année, le décompte effectué et les informations recueillies permettent à l'Apur (Atelier parisien d'urbanisme) de publier une étude sur les personnes sans abris à Paris la nuit. Celle-ci sera publiée au milieu de l'année 2025. En attendant, retrouvez l'étude sur l'édition 2024 de la Nuit de la Solidarité.