Quand le cinéma vient en aide à des femmes en situation de précarité

Reportage

Mise à jour le 02/04/2025

Participantes à l'atelier cinéma, mis en place à la halte aux femmes de l'Hôtel de Ville.
Chaque lundi après-midi, au cœur de l’Hôtel de Ville, la Halte aux femmes se transforme en salle de cinéma pas comme les autres. Ici, l’association Étonnant Cinéma, en partenariat avec le Samu social et la Ville de Paris, propose un atelier cinéma-débat et un atelier d’écriture et de réalisation d’un court-métrage. Une bouffée d’air culturel pour les femmes accueillies dans cette structure.
Dans une vaste salle bordée de douze colonnes, l’atelier prend place. Une cuisine au fond, quelques chaises face à l’écran : un cadre simple, mais propice aux échanges. Ce lundi de mars, trois courts-métrages sont au programme, dont Nous toutes, un film réalisé par certaines des résidentes de la Halte aux femmes, lieu de repos et d’hébergement pour les femmes sans abri ouvert en 2018. Cette création collective sera projetée au cinéma Luminor (Paris Centre) le 13 mai prochain.
Clara Guillaud, programmatrice et médiatrice pour l’association Étonnant Cinéma, anime l’atelier depuis trois ans. Elle revient sur la genèse du projet : « Avec le Samu social et la mission cinéma de la Ville de Paris, nous avons voulu créer un espace où ces femmes, souvent invisibilisées, peuvent s’exprimer librement. » Chaque sélection est mûrement réfléchie : « Je choisis des films qui résonnent avec leurs expériences, mais qui ouvrent aussi d’autres fenêtres sur le monde, qui provoquent des émotions et des débats. Des courts-métrages variés, auxquels il est difficile d’avoir accès. »
Clara Guillaud, de l'association Etonnant Cinéma anime l'atelier cinéma organisé à la halte aux femmes de l'Hôtel de Ville.

« J’ai choisi le sourire »

Parmi les participantes fidèles, Majoie. Originaire de Kinshasa, elle vit à la Halte aux femmes depuis trois mois. « J’ai toujours aimé le cinéma. Je suis cadreuse à l’église, alors quand j’ai appris qu’il y avait cet atelier, je me suis lancée. Depuis, je suis accro ! » s’exclame-t-elle, le sourire aux lèvres.
La jeune femme a participé activement à la réalisation de Nous toutes. « J’ai eu plusieurs missions : le cadrage, la prise de son, etc. Travailler avec les autres femmes était une découverte. C’était intense, mais je me suis sentie fière de moi. » Chaque projection réveille des échos personnels. « Le court-métrage À point m’a particulièrement touchée. C’est mon histoire. Moi aussi, j’ai laissé des proches derrière moi en venant à Paris, mais comme on dit : “Loin des yeux, près du cœur”. »
En attente de ses papiers, elle oscille entre espoir et incertitude. « Une fois mon titre de séjour en main, je reprendrai mes études. En attendant, j’ai choisi le sourire », confie-t-elle.
Portrait de Majoie N qui participe à l'atelier cinéma organisé à la halte des femmes de l'Hôtel de Ville.

La culture comme tremplin

Ici, l’objectif est de créer du lien, de sortir de l’indifférence. Ces rendez-vous réguliers aspirent à fédérer des personnes souvent isolées et en situation de précarité, à qui l’on donne rarement la parole. À travers cet atelier, il y a vraiment l’idée de s’exprimer, de découvrir, d’avoir accès à des œuvres, de valoriser l’implication de ces femmes et de les faire participer à la vie culturelle du quartier qu’elles fréquentent.
Pour Clara Guillaud, ces ateliers vont bien au-delà du simple plaisir cinématographique : « Ici, chaque femme partage son histoire, sa vision du monde. Ces ateliers les valorisent et leur redonnent une place dans l’espace public. »
Un rendez-vous qui fait parfois naître des perspectives nouvelles. Pour Majoie, cette expérience est plus qu’un loisir : « Ce n’est pas grandiose ce que l’on vit ici, mais le Samu social fait de son mieux. Moi, je viens de loin, et je n’oublierai jamais le jour où j’ai poussé la porte de cet endroit. »