« Paris est la troisième ville portugaise au monde »

Rencontre

Mise à jour le 04/04/2024

Façade de l'Hôtel de Ville lors de la saison France-Portugal (2022)
Au fil des siècles, les Portugais ont enrichi Paris et sa banlieue de leur présence, de leur travail, de leur culture et de leurs traditions. Alors que la Ville se prépare à célébrer les 50 ans de la révolution des Œillets, Paris.fr a voulu en savoir plus avec Agnès Pellerin, chercheuse et spécialiste de la musique portugaise.
Dans un ouvrage collectif qu’elle a coordonné, « Les Portugais à Paris, au fil des siècles & des arrondissements », Agnès Pellerin, chercheuse et spécialiste de la musique portugaise, propose une découverte des lieux et des personnalités contribuant à « dépayser » le regard sur Paris, au croisement de la grande et de la petite histoire.

Qu’est-ce qui, historiquement, attire les Portugais à Paris ?

Depuis très longtemps, les Portugais viennent dans la capitale pour les raisons les plus diverses : espions de la Cour à la période des découvertes (explorations maritimes entre les XVe et XVIe siècles), marchands d’épices, intellectuels et scientifiques formés aux cultures étrangères (les estrangeirados) venus découvrir ce symbole de l’ouverture sur le monde et de la « civilisation ».
Au XVIIIe siècle, une minorité y arrive aussi pour des raisons religieuses – la ville en garde une trace avec le cimetière des Juifs portugais (19e). Aux XIXe et XXe siècles, elle attire des écrivains, des peintres et des cinéastes. Mais c’est surtout lors des grandes vagues d’immigration des Trente Glorieuses que Paris voit arriver des milliers de Portugais fuyant la misère, la dictature et les guerres coloniales.
On considère aujourd’hui que Paris serait la troisième ville portugaise du monde, après Lisbonne et Porto.

La gare d’Austerlitz est d’ailleurs un symbole important pour les Portugais…

Tout à fait. De 1957 à 1974 – date de la révolution des Œillets –, des centaines de milliers de Portugaises et de Portugais sont arrivés à Austerlitz par le train de nuit Sud Express, venant de Lisbonne et Porto via Hendaye – une liaison ferroviaire malheureusement supprimée en 2020. C’était un train plein de vie et de solidarité qui a marqué les esprits. Les Portugais arrivaient complètement désorientés dans la capitale, sans ressource et sans parler la langue, bénéficiant de l’entraide de compatriotes ou, au contraire, à la merci de tous les opportunismes.
L’association parisienne qui centralise le travail d’animation et d’archivage autour de cette immigration, Mémoire vive / Memória viva, s’est structurée autour d’un projet de recueil de la mémoire baptisé précisément « Sud Express ». Et le musicien José Mário Branco, exilé à Paris et producteur de l’hymne de la révolution « Grândola, Vila Morena », enregistré en région parisienne en 1971, a d’ailleurs dédié un morceau instrumental à la gare d’Austerlitz, incluant une captation sonore de l’ambiance qui y régnait.
Cinquante ans après la révolution des Œillets – c’est le 25 avril 1974 qu’un coup d’État a entraîné la chute de la dictature salazariste, qui dominait le Portugal depuis 1933 –, la Ville de Paris a décidé de dévoiler une plaque en hommage aux migrants portugais dans cette gare qui a représenté le lieu de tous les espoirs, une vie nouvelle et libre.

Quels sont les apports de la culture portugaise à Paris ?

Concert franco-portugais de l'orchestre Colonne à l'occasion du 50ème anniversaire de la Révolution des Œillets
C’est une communauté très active et très structurée dans le milieu associatif et sportif avec des clubs de foot, de danse folklorique ou de musique traditionnelle ayant pignon sur rue. Ces associations, également fondamentales pour l’enseignement du portugais, prennent part à la diversité des dynamiques de leurs quartiers, parfois en lien avec des comités de jumelage et des syndicats. Elles organisent des festivités comme la São Martinho (Fête de la châtaigne) chaque 11 novembre.
Dans le registre de la gastronomie, nombre de marchés parisiens comptent des stands portugais qui proposent beignets de morue, huile d’olive, pâtisseries, brioches de Pâques, bolo-rei de Noël, pastéis de nata, fruits secs….
On pense aussi à leur rôle central dans la rénovation et l’entretien du bâti parisien, mais aussi dans la structuration humaine des relations de voisinage, mise en scène dans la comédie à succès La Cage dorée, autour des fameux concierges.
La chanson de Joe Dassin « Le Portugais » évoque la mémoire ouvrière de cette population.

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