Sept choses à savoir sur le square des Batignolles

Le saviez-vous ?

Mise à jour le 12/06/2023

Square des Batignolles
Alors que l’on célèbre les 170 ans des travaux d’Haussmann, découvrez les secrets qui se cachent dans les allées sinueuses du square des Batignolles (17e), que le baron a fait sortir de terre pour embellir le grand Paris des années 1860 et s’inscrire dans la démarche hygiéniste de cette période.
Havre de paix au style anglais, le square des Batignolles s’étend sur un peu plus de 16 000 m2. Qu’il y pénètre par la rue Cardinet ou par la place Charles-Fillion, le promeneur est vite emporté hors du temps et bien loin du 17e arrondissement : entre sa grotte, sa petite rivière, ses aires de jeux et sa vue plongeante sur la voie de chemin de fer, cet espace vert ne ressemble à aucun autre. Voici sept anecdotes sur ce square.
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Le square a vu le jour grâce au baron Haussmann

En 1860, sous Napoléon III, Adolphe Alphand, l’ingénieur du service des promenades et des plantations de Paris, est missionné par le baron Hausmann, préfet de la Seine, pour aménager des jardins parisiens, notamment dans les quartiers des Buttes-Chaumont, du Ranelagh, de Daumesnil et des Batignolles.
À l’époque, dans la pensée hygiéniste, l’introduction de la nature en ville est un moyen de régénération physique indispensable aux citadins et une réponse aux problèmes sociaux engendrés par le développement industriel (insalubrité, densification urbaine).
L’ « haussmannisation » de Paris crée trois niveaux de parcs : les bois, à Boulogne et Vincennes, les grands parcs, Montsouris et Buttes-Chaumont, et les squares de taille plus modestes, comme le square du Temple, le square Émile-Chautemps et le square des Batignolles.
Ancien hameau, puis commune à partir de 1830, les Batignolles-Monceau est intégré à Paris de 1860. L’emplacement où le square verra le jour deux ans plus tard n’est qu’une grande place de village. Ce square paraît beaucoup plus vaste que ses 16 615 m2 et son parcours réserve des surprises : un petit ruisseau qui surgit d’une cascade rocailleuse court à travers les rochers, croise l’allée transversale en un pittoresque passage à gué, pour finir sa course dans un bassin aux formes arrondies.
Le square des Batignolles et les autres jardins haussmanniens partagent en leur temps une forme d'exotisme, présentant à la fois des nouveautés horticoles, un mobilier urbain (bancs, lampadaires) et des œuvres d’art originales : le jardin devient un espace d’exposition.
Aux Batignolles, on remarque aussi un goût prononcé pour les faux enrochements parfois préfabriqués en ciment armé. Un autre détail caractéristique est le rusticage, qui consiste à imiter le bois, mais avec du ciment ou du fer. Cette technique est utilisée sur certains bancs - le square en compte 103 au total - et poteaux, ainsi que sur les bordures de massifs.
C’est sous l’autorité de Jean-Pierre Barillet Deschamps (1924-1873), jardinier en chef du service des promenades et plantations de la Ville de Paris, qu’est conçu cet espace vert dont l’une des autres particularités est d’être…

… un square de contemplation, et non d’usage

L’idée des jardins haussmanniens était de reproduire un paysage bucolique en miniature, de condenser la variété de la nature. Au square des Batignolles, ce nouveau paradigme se caractérise par le pont, le lac, la rivière, le vallonnement, mais aussi la grotte et la petite cascade, appelée la Serpentine. Cette inspiration vient des jardins anglais avec des particularités propres au style haussmannien, comme les chemins sinueux : la ligne courbe permet aux promeneurs de voir un paysage toujours différent. L’axe principal se trouve dans un creux, comme s’il avait été creusé naturellement par le ruisseau (alimenté par l’eau de Seine), et de part et d’autre s’élèvent des vallonnements. Cela allonge la perspective et contribue aussi à l’effet de surprise, à la volonté de ne pas tout dévoiler au premier coup d’œil.
Dans la même idée, des arbustes et des arbres ont été plantés en groupe pour limiter le champ de vision. Grâce à cette conception, le public est donc forcé de se déplacer pour voir tous les éléments du jardin. Cela permet aussi d’amener les promeneurs aux différents points clés.
À l’origine, l’îlot végétal qui se trouve désormais près de la serre - installée en 1996, elle sert ponctuellement pour des expositions d’art - s’apparentait à une forêt vosgienne ou du Jura, avec ces conifères et ces aulnes. Un effet accentué par son aspect dominant sur le reste du jardin, telle une montagne. Ce principe offrait au public « un voyage sur place », comme si le monde était à la portée de tous !
Parce que c’est un square de contemplation, et non d’usage, les pelouses sont inaccessibles. Le mélange de graines utilisé pour l’herbe n'est d’ailleurs pas adapté au piétinement. On peut encore trouver quelques potelets en métal et des arceaux autour de certaines pelouses, témoins de cette interdiction d'accessibilité.
Le square a pour autre originalité d’être longé, en tranchée, par les voies ferrées du réseau Saint-Lazare, au niveau de la station Pont-Cardinet. Par les grilles du parc, conçues comme un « balcon d'observation » sur toute la façade ouest, le public peut observer et entendre le passage des trains.
Cent cinquante ans après l’inauguration du square des Batignolles, la Ville de Paris décide de créer dans l’arrondissement un très grand parc sur le terrain de l'ancienne gare de marchandises des Batignolles. Il suffit de traverser la rue Cardinet pour passer de cet espace de contemplation au lieu dédié aux loisirs qu’est le parc Clichy Batignolles Martin Luther King et ses dix hectares.

Sa faune et sa flore sont particulièrement riches

Héron cendré, canard colvert, poule d’eau et même bernache du Canada, le square compte une quinzaine d’espèces d’oiseaux qui fréquentent ses bassins et toitures. Le martin-pêcheur d’Europe y guette petits poissons rouges et insectes, la gallinule (poule d'eau) épie petits arthropodes et mollusques, tandis que la mouette rieuse vient s’y abriter des frimas de l’est et du nord de l’Europe pendant les mois d’hiver.
Le square a aussi abrité un pigeonnier de 2010 à 2019. Celui-ci avait pour objectif de réguler les naissances et la prolifération de l'espèce.
Côté arbres, on trouve des féviers d'Amérique (Gleditsia triacanthos), des ailantes, des platanes, mais aussi un séquoia, des conifères, des aulnes, et même un hêtre pourpre… Longtemps, des espèces exotiques, comme des palmiers et des figuiers d’Amazonie, ont été plantées, mais elles avaient du mal à s’acclimater à notre territoire. Ces espèces étaient là pour émerveiller les promeneurs, mais aussi pour montrer la puissance du Second Empire. Pouvoir cultiver des espèces de divers horizons climatiques relevait en effet d’une grande maîtrise de la nature.
Le canna, plante à bulbes des régions tropicales, reste très présent dans le square. On raconte qu’il a été introduit par le jardinier en chef Barillet-Deschamps de retour d’un voyage d’Alger.
Les sept corbeilles du parc sont composées de pétunias, verveine, sauge, géraniums, calcéolaires et de diverses plantes à feuillage, souvent de plantes gélives. Elles sont changées deux à trois fois dans l’année par les services municipaux des espaces verts pour une floraison presque éternelle.
La direction des parcs, jardins et espaces verts de Paris réfléchit à la création d’une nouvelle prairie en remplacement de l’ancienne, pour favoriser la biodiversité.
Qui s’occupe du square ?
Trois jardiniers s’occupent de la tonte, de la réfection des pelouses, de l’entretien, de l’arrosage automatique, de la taille et de la plantation des végétaux, de l’épandage d’engrais naturel, du désherbage et de la valorisation des déchets verts.
Un cantonnier est dédié au nettoyage : ramassage des papiers, changements des poubelles, contrôle des jeux, entretien des surfaces, ramassage des feuilles, entretien du caniparc, pose et entretien des panneaux de communication.

Un poète et des vautours y vivent à l’année

Le buste du poète parnassien Léon Dierx (1838-1912) est posé sur un pilier situé en contrebas de la serre. Il a été réalisé par le comte de Bony de Lavergne en 1898. Dierx, élu président du Congrès des Poètes en mai 1901, habitait au 24, rue Boursault (17e). Il est inhumé au cimetière des Batignolles.
D’autres statues ont orné le square, mais ont été fondues durant l’Occupation : Belluaire agaçant une panthère de Maurice Ferrary (1879), Circé par Gustave Frédéric Michel (1886) et Nymphe et dauphin par Antonin Larroux (1894). Il reste cependant les trois socles des sculptures.
Mais l’œuvre la plus connue du square est la sculpture monumentale des Vautours de Louis de Monard, sculpteur et peintre animalier, réalisée en 1930 en pierre noire de Volvic. Quatre rapaces perchés sur un rocher trônent au centre du bassin du square. L’œuvre a été attribuée par l’État à la Ville de Paris à titre de dépôt.
Plusieurs rendez-vous pour l'année Haussmann
Conférences dans le cadre des « Mardis de l’Histoire », colloque les 12 et 13 juin, exposition sur les grilles de l'Hôtel de Ville, exposition Le square des Batignolles, un jardin haussmannien sur les grilles du square des Batignolles (17e) du 12 juin au 4 septembre… Haussmann et ses gigantesques travaux parisiens sont à l'honneur en 2023 pour célébrer les 170 ans du lancement des chantiers.

Et des champions de pétanque aussi !

Depuis 1960, l’association de boulistes La Pétanque batignollaise occupe un terrain de 1 000 m2 qui longe le square, anciennement appelé promenade Cardinet. Les boulistes jouent tous les après-midi de l’année, qu’il pleuve ou qu’il vente. À tel point que le terrain de pétanque est indissociable de l’espace vert pour les habitants du quartier.
En 1980, le club prend de l’ampleur (il compte actuellement 120 membres, amateurs comme compétiteurs) et des clôtures sont installées pour délimiter les deux terrains de la rue tout en préservant un accès par le square. Regarder les boulistes jouer fait à présent partie de la « contemplation » voulue par les créateurs du square.
En 2020, les terrains ont été totalement rénovés et un club-house de 20 m2 a été construit pour installer une buvette. Un toit double pente est en train d’être installé afin de donner à cette construction un aspect chalet et lui permettre de s’intégrer parfaitement avec le reste du mobilier du parc.
En 2021 et en 2022, La Pétanque batignollaise a remporté le championnat par équipe de Paris.
Pétanque à Batignolles

De nombreux artistes y ont puisé l’inspiration

Emile Zola, qui a habité à proximité du square, au 14, rue de la Condamine, a un jugement assez sévère sur le square des Batignolles dans ses écrits : « Il y a des squares qui prennent des allures de jardin anglais. Ceux qu’on a établis près du nouveau temple et derrière l’église des Batignolles ont tous les aspects pittoresques des parcs que les épiciers retirés font planter autour de leurs villas […] On dirait un coin de la nature qui s’est mal conduit et qu’on a mis en prison » (1867, Le Figaro).
L'écrivain a tout de même choisi ce jardin comme cadre de plusieurs de ses romans. Ainsi, Claude, le peintre de L’Œuvre y observait et peignait « des bonnes et des petits bourgeois du quartier », et dans les pages de La Bête humaine, Séverine et Jacques s’y promènent ensemble. « Ils enjambèrent la rivière, montèrent parmi les rochers ; puis ils revenaient, désœuvrés, lorsqu'ils passèrent parmi des touffes de sapins, dont les feuillages persistants luisaient au soleil, d'un vert sombre. »
Le quartier des Batignolles a aussi inspiré les impressionnistes qui ont représenté les voies de chemin de fer, ses ponts ou son parc. Ainsi, une toile du peintre impressionniste Albert André (1869-1954), appelé Place des Batignolles, figure une enfant courant dans le square. Il est exposé au Art Institut de Chicago.
Le square des Batignolles a également été chanté par Barbara - née à un jet de pierre du square, au 6, rue Brochant - dans sa chanson Perlimpinpin. Depuis 2007, l'allée centrale du square se nomme d’ailleurs allée Barbara. Patrick Topaloff fait aussi référence au square et à ses aménagements dans la chanson Les Batignolles en 1975, tout comme Yves Duteil qui, un an plus tard, chante : « Alors, au square des Batignolles, je passais le torrent à gué pour voir les pigeons qui s'envolent quand on court pour les attraper. »
Quant à Max Jacob, qui vivait rue Nollet dans les années 1930, il écrit le poème Square des Batignolles, un soir d’été dans lequel il célèbre son lac et ses saules, ses gardiens ainsi que les enfants et adolescents qui s’y amusent.

Il a un secret bien gardé : deux abris antiaériens

Durant les années 1930, dans un contexte de tensions internationales, afin de protéger les populations et préserver le patrimoine industriel et culturel en cas de conflit, le gouvernement décide de légiférer par une première loi dite de défense passive (loi du 8 avril 1935). De nombreux abris ont alors été construits sur tout le territoire. Rien que pour Paris, on dénombre jusqu’à 40 000 abris civils sous immeubles (500 par quartier, 2 000 par arrondissement), 250 abris administratifs étanches aux gaz de combat tant redoutés, une trentaine de postes de secours sanitaires (des hôpitaux souterrains étanches aux gaz) ; ceci sans compter les refuges prévus dans les stations du métro ou d’anciennes carrières souterraines…
Plus de 30 kilomètres de tranchées-abris, dont près de 15 kilomètres sont aussi construits dans les parcs et jardins de la Ville de Paris. Il en existe deux dans le square des Batignolles.