Une place du 18e prend le nom du prix Nobel de la paix Muhammad Yunus

Rencontre

Mise à jour le 07/08/2024

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Le Professeur Muhammad Yunus s'adresse au public lors de l'inauguration de sa place vers le Rond-Point de la Chapelle.
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Place du Professeur-Muhammad-Yunus ! Située à proximité de l’Adidas Arena, cette place du 18e arrondissement rend désormais hommage à cet économiste bangladais, inventeur du microcrédit, qui fut l’un des ambassadeurs de la candidature de Paris pour les Jeux olympiques et paralympiques. Rencontre.
Premier ministre intérimaire
Le 6 août, quelques jours après sa visite parisienne pour l'inauguration de la place du Professeur-Muhammad-Yunus, le prix Nobel de la paix a été nommé par le président du Bangladesh pour diriger un gouvernement intérimaire après la chute de la Première ministre Sheikh Hasina.
Son arrivée dans la capitale était programmée de longue date, mais Muhammad Yunus est soucieux : son pays d’origine, le Bangladesh, traverse une période de tension intense. Son implication dans les Jeux de Paris 2024 nécessitant néanmoins sa présence en France, nous l’avons rencontré le 22 juillet à la Maison des Canaux (19e), siège du Yunus Center, juste avant qu’il ne se rende à l’inauguration de la place qui porte désormais son nom, située au croisement des rues de la Chapelle, des Cheminots et Raymond-Queneau (18e).
C’est le Conseil de Paris, lors de sa séance du 11 juillet 2024, qui a approuvé cette délibération, estimant que la personnalité exceptionnelle de Muhammad Yunus, Prix Nobel de la paix, justifiait une dérogation à la règle qui prévoit que le nom d’une personnalité ne peut être attribué à une voie publique de Paris que cinq ans au plus tôt après son décès.

Qu’est-ce que cela représente pour vous d’avoir une place à votre nom à Paris ?

Je n’aurais jamais pu l’imaginer. Ma famille, mes amis, mais aussi toute la population bangladaise sont fiers ! Cela vient couronner le travail que je mène depuis de nombreuses années.
Paris, c’est tout un symbole pour moi : j’y suis venu pour la première fois en 1972 ! À l’époque, je vivais aux États-Unis et je rentrais dans mon pays qui venait de prendre son indépendance… C’était un rêve. Depuis, j’y suis revenu de nombreuses fois, et de façon plus régulière depuis que je suis ambassadeur d’ESS 2024.

Avoir une place à mon nom dans un quartier populaire en pleine transformation est en accord avec le projet humaniste et économique que je porte.

Muhammad Yunus
prix nobel de la paix
Avoir une place à mon nom dans un quartier populaire en pleine transformation et à quelques mètres de la magnifique Arena Porte de la Chapelle (19e) est en accord avec le projet humaniste et économique que je porte.
Je sais déjà que tous les Bangladais qui visiteront Paris viendront se prendre en photo devant cette plaque et profiteront du quartier. Pour eux, cela signifie que l’on peut grandir dans un pays émergent, réussir et avoir un impact à l’échelle mondiale.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus à Paris ?

Les gens et leur ouverture d’esprit ! Quand j’ai commencé à parler de mes idéaux concernant des Jeux responsables sur les plans social, environnemental et économique, tout le monde s'est montré enthousiaste. Paris est une ville prête à tendre l’oreille et la main à des idées folles… qui sont devenues une réalité !

Vous êtes en effet impliqué dans les Jeux de Paris 2024 depuis le début de l’aventure…

J’ai rencontré Anne Hidalgo en 2016 à Rio, où j’étais invité par le Comité international olympique (CIO). Même si je n’y connais pas grand-chose en sport, je rappelais que, quelquefois, l’organisation des Jeux olympiques peut entraîner des dégâts sur le plan social. Et j’affirmais avec audace que l’on pouvait faire autrement, en intégrant une dimension sociale et verte à l’organisation de ce type de grand événement.
À l’issue de mon discours, la maire de Paris m’a invité à sa table… et, ensemble, nous avons développé le projet ESS 2024 avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire, comprenant une charte sociale : 25 % des marchés lancés par les Jeux devaient être réservés aux TPE/PME et structures de l’ESS locales, et 10 % des heures de travail confiées à des personnes en insertion professionnelle.
Puis il y a eu la rencontre avec le CIO à Lausanne en 2017, où j’ai accompagné Anne Hidalgo et Emmanuel Macron pour présenter cette idée et défendre la candidature de Paris. Quand on a su que l’on avait obtenu les Jeux, 2024 me semblait très très loin. Comment s’y prendre pour mettre en place ce projet ? Est-ce que chaque euro dépensé par les décideurs aurait bien un objectif social ? Il fallait faire preuve de créativité et passer à l’action.

Les bâtiments du Village olympique ne sont pas éphémères, ils seront réagencés et transformés en logements sociaux et étudiants après le départ des athlètes. Mon rêve est devenu une réalité !

Muhammad Yunus
prix nobel de la paix
Et nous voilà à quelques jours de la cérémonie d’ouverture, le pari a été relevé : on compte plus de 3 millions d’heures d’insertion sur les marchés de la construction des Jeux, pour le Village olympique, le centre aquatique et l’Arena (soit 12 % des heures réalisées), et 4 500 personnes ont trouvé un emploi sur les marchés de la construction.
De plus, les bâtiments du Village olympique ne sont pas éphémères, ils seront réagencés et transformés en logements sociaux (pour 40 % d’entre eux) et étudiants après le départ des athlètes. Mon rêve est devenu une réalité !

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Allez-vous assister aux Jeux ?

Oui, même si j’aimerais être auprès des Bangladais, je vais rester ici, où je pourrais d’ailleurs faire part de mes préoccupations aux leaders que je vais rencontrer.
Je vais aussi assister à certaines épreuves, notamment le football qui est le sport le plus pratiqué et le plus apprécié dans mon pays. D’ailleurs, depuis que j’ai serré la main de Messi et Zidane, je suis devenu encore plus populaire là-bas ! Et je suis plus que jamais convaincu du pouvoir social du sport.
Le banquier des pauvres
Muhammad Yunus naît en 1940 à Chittagong, au Bangladesh. Lors de son adolescence, chez les scouts, il voyage notamment au Canada, en Europe, au Moyen-Orient et en Amérique du Nord. Grâce à une bourse, il étudie l’économie aux États-Unis puis enseigne à la Middle Tennessee State University. En 1972, il rentre dans son pays et occupe un poste de sous-directeur à la Commission de planification au sein du gouvernement.

Lors d’un épisode de famine qui touche le Bangladesh en 1974, Muhammad Yunus met en place, sur ses propres économies, des prêts à long terme à des porteurs de projets pauvres, jugés non solvables par les banques du pays. Cette première expérience et l’extension de cette expérience à plus grande échelle sont à l’origine de la création de la Grameen Bank en 1983. Surnommée « la banque des villages », celle-ci octroie des microcrédits aux exclus du système bancaire sans exigence de garantie pour le débiteur.

En 2006, le prix Nobel de la paix est attribué à parts égales à Muhammad Yunus et à la Grameen Bank « pour leurs efforts à créer un développement économique et social de la base ».
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