"Curiosités", la boutique qui fait la part belle aux fruits et légumes déclassés

Actualité
Mise à jour le 24/01/2020
Dans sa boutique "Curiosités", installée 18, rue Wurtz (13e), Maria Leflambe donne sa chance aux fruits et légumes déclassés. Son but : lutter contre le gaspillage alimentaire en proposant ces produits refusés des circuits de distribution, alors qu'ils ont les mêmes valeurs gustatives. Le tout assaisonné de circuit court et d' agriculture raisonnée.
On les appelle les déclassés, on les traite de moches. Pour Maria Leflambe, ce sont juste des incompris, ces fruits et légumes refusés par la grande distribution. Elle a décidé de les sauver de la perte et de les sortir du champ où les agriculteurs sont contraints de les laisser, ne pouvant les écouler pour cause de difformités. Trop gros, trop petits, avec des taches, des trous, des marques… Maria, elle, les trouve craquants et a décidé de leur consacrer une boutique joliment nommée « Curiosités », ouverte depuis octobre 2019 dans le 13e.
En poussant la porte de la boutique, rien de moche. C’est même plutôt avec le sourire que l’on fait le tour des cagettes où sont présentés les légumes et les fruits de Maria. Ici, les pommes de terre sont en forme de cœur, les carottes ont plusieurs branches, les panais ont cinq pattes, les courges sont de toutes les formes… Et la mâche ? Mais elle n’a rien, la mâche ? « Pour certains grossistes, la mâche, c'est un gramme par feuille, pas moins pas plus… », raconte Maria.
Pour Maria, on marche un peu sur la tête. Elle explique : « A cause des normes de calibrage et l'aspect imposes par les distributeurs, dans les pays industrialisés (d'après une étude de l'ADEME en 2016), c'est 32% de la production qui est jetée avant qu'une quelconque transformation ou distribution n'ait eu lieu. Pour moi, c’était insupportable d’entendre cela."
Pour préciser, le calibrage des fruits et légumes a été imposé, à l’origine, par la réglementation européenne pour faciliter les échanges commerciaux entre les pays membres. Les normes de qualité appliquées à 26 produits ont été supprimées en 2009, sauf pour 10 types de fruits et légumes (agrumes, fraise, kiwi, pêche et nectarine, poire, poivron, pomme, raisin, salade, tomate). Cependant, de nombreux distributeurs continuent de les inclure dans leur cahier des charges. Aussi parce que les consommateurs non habitués à voir des produits "moches" sont plus réticents à les acheter, doutant de leur qualité.
Mais il y a plusieurs conséquences néfastes à tout cela. On prélève inutilement de nombreuses ressources naturelles, les producteurs peinent à se rémunérer convenablement, et ainsi pris en otage, ils sont contraints à augmenter la part d’intrants chimiques dans leurs productions afin de sécuriser les prochaines récoltes.

Des champs de sa Normandie à la rue Wurth

Maria n’était pas plus haute que trois pommes qu’elle était déjà dans les champs avec son papa agriculteur dans le nord du Cotentin, en Normandie. La terre, les saisons, les récoltes, l’agriculture, elle en connaît un rayon. Et même si elle ne voulait pas en faire son métier, son papa est sa première source d’inspiration pour la boutique qu’elle va bientôt imaginer après un diplôme et des années d’expérience dans le commerce. Le déclic, c’est un ami maraîcher qu’il lui donne, désespéré d'avoir dû jeter une partie de sa récolte.
L’idée germe dans sa tête. Maria est volontaire et rien ne semble l’arrêter. Un programme d'accompagnement d'entrepreneurs via BGE, huit mois de coworking (cotravail) aux Grands Voisins et une campagne de crowdfunding (financement participatif) plus tard, elle est prête à ouvrir sa boutique.
Il lui faut alors trouver son emplacement. Elle se fait aider par le GIE Paris commerces et étudie particulièrement ce local Paris Habitat dans le 13e. Elle raconte « Je ne connaissais pas le quartier, je suis venue à différentes heures. C’était animé, il a deux écoles pas loin, du passage, des parents avec leurs enfants. Il y avait aussi autre chose qui me plaisait. Le local est devant une copropriété assez chic et au pied d’un immeuble de logements sociaux. Comme je voulais que mes produits soient accessibles à tous, j’aimais bien ce mixage. »
Elle relève ses manches et se lancent dans les travaux de peinture elle-même. Elle en profite pour faire connaissance avec le voisinage très heureux de voir l’installation d'une nouvelle boutique dans le lieu vide depuis des années. « Les gens ont été incroyables. Il y a un monsieur au chômage qui adore cuisiner. Régulièrement il m’apporte des plats qu’il a fait. Sa mousse au chocolat est à tomber d’ailleurs. Une dame est venue m’apporter un petit carnet qu’elle m’a offert car il est inscrit curiosités dessus. Vraiment je suis gâtée ici. »

Du cœur du Val de Loire au cœur de Paris

Chez Maria, on peut choisir soi-même ses produits un peu cabossés. Cela amuse beaucoup les enfants d'ailleurs. Quant aux prix ? « Ils ne sont pas plus chers que ceux d’un producteur qui vent directement sa production sur les marchés » assure Maria. D'ailleurs, elle, c'est au cœur du Val de Loire, près d'Orléans, que deux fois par semaine elle envoie son transporteur chercher ses commandes. La jeune femme y est associée à huit producteurs qui pratiquent une agriculture raisonnée. Regroupés en association, ils proposent leur production dans un pavillon des producteurs locaux, ce qui permet d'avoir un seul point de collecte. Et Maria leur prend en priorité leurs produits déclassés « C'est idéal car c’est proche de Paris. Et avec ce point unique, cela réduit aussi les transports, ce qui économiquement et écologiquement est beaucoup mieux. Et c’est un bassin agricole très riche et diversifié. Alors évidemment il n'y a pas d'agrumes par exemple mais les poires y sont succulentes !"
Pas d'agrumes certes, mais chez Maria il y a des légumes qu'on ne trouvera pas ailleurs, car justement ils ne sont pas "bien" calibrés : radis asiatiques "très beaux et très bons", topinambours, choux blancs, verts, rouges, carottes violettes, navets boule d'or et une multitude de courges, comme des Longues de Nice, des Baby boo ou des Jack be little : "ces courges dont les américains se servent pour les décoration d'Halloween mais qui sont tout à fait comestibles, en plus d'être jolies".
Et Maria saura vous donner les bons conseils de cuisson ou ses bonnes idées de recettes ou d'associations : "si vous êtes audacieux vous pouvez glisser une boule de vanille dans une Baby Boo qui sort du four, c'est absolument délicieux…" lance-t-elle avec gourmandise.
Pratique
Curiosités 18 Rue Wurtz, 75013 Paris
Du mardi au vendredi 10h30 / 19h30
Samedi 9h30 / 17h30
Site internet Curiosités