L'Arche végétale, de la ferme urbaine aux assiettes de Thierry Marx

Reportage

Mise à jour le 24/09/2020

Lucile travaille au milieu des cultures de la ferme.
Sur le toit du 20, rue Albert-Marquet (20e) se déploie L’Arche végétale, une ferme urbaine née du groupement d'Urbanleaf et Cueillette Urbaine, deux spécialistes en agriculture urbaine, et du chef étoilé Thierry Marx. Explication sur cette rencontre au sommet.
Le circuit ne pouvait pas être plus court. Au dernier étage du 20, rue Albert-Marquet (20e), L'Arche végétale produit aromates, fleurs comestibles, fruits et légumes pour les cuisines de l'étage en dessous. L'immeuble, dont Paris Habitat est propriétaire, est un local d’activités qui abrite l’école de Thierry Marx « Cuisine Mode d’Emploi(s) », une école de réinsertion par des cours de cuisine.
Son toit a été proposé pour un projet d'agriculture urbaine lors du lancement par la Ville de Paris de la deuxième édition de l’appel à projets Parisculteurs. Aujourd’hui, la ferme urbaine est cultivée par Cueillette Urbaine et Urbanleaf sur une surface de 760 m2, dont la production est cuisinée par les élèves de Thierry Marx.
Lucile travaille au milieu des cultures de la ferme.
« Le hasard a bien fait les choses », raconte Paul Rousselin de Cueillette Urbaine. « Nous avons entendu parler de la mise à disposition de ce toit. Nous travaillons déjà depuis plusieurs années avec Urbanleaf. Ils sont spécialisés dans les solutions d’hydroponie et d’aquaponie, et nous plus sur la permaculture, l'aéroponie et la bioponie. Nous avons rencontré Thierry Marx qui a toujours eu la volonté d’inclure une production locale et de qualité dans sa formation. » C'est donc naturellement que les trois acteurs se regroupent et répondent à l'appel à projets qu'ils remportent en 2018. Après quelques travaux d'aménagement du toit, l'Arche végétale voit le jour et l'exploitation démarre en 2019.

Production et formations au menu

Lucile travaille au milieu des cultures de la ferme.
Aujourd'hui, les agriculteurs cultivent pour le chef. Ils assurent tous les lundis et mercredis matin une livraison d'herbes aromatiques, de tomates, de courges et aussi de fleurs comestibles. Cette production est employée pour les cours de cuisine, le restaurant d'application ou les traiteurs avec qui travaille Thierry Marx. Mais l'Arche végétale produit aussi pour des épiceries bio du quartier.
Au soleil de ce dernier jour d'été, le toit venté resplendit de couleurs : capucines, tomates, poivrons, courges, salades, basilic, fraises, cosmos, etc. Le tout est réparti par méthodes de culture. Une occasion de s'initier à des solutions innovantes pour le groupe qui arrive ce jour-là pour une formation. Des séances sont en effet possibles pour les particuliers et les entreprises, assurées par Veni Verdi, autre acteur engagé de l'agriculture urbaine à Paris.

Aquaponie, aéroponie : des cultures adaptées selon les plantations

Une part du jardin est consacré à l'aquaponie. Son usage en agriculture urbaine a démontré son côté vertueux depuis quelques années. Les plantes, racines nues, sont implantées dans de grandes gouttières. Elles sont irriguées par l'eau provenant d'aquarium où sont élevés des poissons. Les poissons produisent des déjections dont l'ammonium est transformé naturellement en nitrate par des bactéries. Les plantes consomment ces nutriments pour leur croissance et filtrent ainsi l’eau qui revient, propre, aux poissons. Paul Roussillon précise : « Tout est naturel, sans aucun pesticide. Avec ce système, nous cultivons surtout des légumes à feuilles vertes, salade ou herbes aromatiques qui ont des besoins nutritifs adaptées à cette solution. » Les méthodes de production sont ici bien adaptées aux différentes cultures. Des bacs plus classiques sont utilisés, par exemple, pour les courges qui ont de plus gros besoins.
Lucile travaille au milieu des cultures de la ferme.
Un peu plus loin, Lucile Delorme, qui fait partie des six personnes travaillant pour Cueillette Urbaine, s'affaire dans le Tower Garden, le jardin de tour, littéralement. C'est là que poussent, sans terre et à la verticale, de multiples variétés. Le système utilisé est ici l'aéroponie. Les racines sont maintenues en suspension dans le vide à l'intérieur. Une solution nutritive naturelle y est pulvérisée à intervalles régulier, avec la possibilité de positionner un nombre très important de plantes sur chaque tour. Cette technique est ainsi jusqu'à dix fois plus productive qu'une méthode classique.

Des fleurs comestibles et des tomates bleues

Les cultures sont aussi développées en fonction des recettes du chef Thierry Marx, qui introduit souvent des fleurs dans ces plats. La capucine, par exemple, a un goût de mâche poivrée. « Nous sommes aussi dans une valorisation de légumes moins connus car plus fragiles », continue Paul en égrenant les noms des plants de tomates. « Là, nous avons les tomates Banana leg, mais attention au coup de chaleur, elles sont fragiles. Celles-ci, ce sont des Osu Blue, elles passent du violet au bleu et au rouge en dessous. Vous avez aussi la tomate poire, jaune comme le fruit. Elle se plaît bien ici. »
Détail de tomates violettes
Et dans les chiffres ? Après un an d'exploitation de la ferme, les résultats étaient déjà là. Sept tonnes de fruits et légumes produits en 2019, sur une superficie de 850m2. « C'est vraiment une bonne production, conclue Paul, on arrive à couvrir les besoins de l'école et on va développer les ventes aussi aux acteurs bio du quartier pour que les habitants en profitent. »

Quelques mots de Cuisine Mode d’Emploi(s)

Le chef cuisinier Thierry Marx
Cuisine Mode d’Emploi(s) est née en 2012 de la rencontre entre Thierry Marx, chef étoilé et enfant du 20e, et Frédérique Calandra, alors maire de l’arrondissement. Tous deux ont rendu possible la réalisation de l'approche innovante de la formation professionnelle de Thierry Marx. Cuisine Mode d’Emploi(s), c'est donc aujourd'hui des formations gratuites en cuisine, boulangerie, service en restauration et produits de la mer pour des personnes éloignées de l'emploi. Le cursus est de onze semaines, avec à la clé un diplôme reconnu par l’État et la branche professionnelle. Depuis 2012, plus de 90 % des stagiaires qui ont suivi ces formations ont trouvé un emploi.