L’eau est de retour à la fontaine des Innocents

Le saviez-vous ?
Mise à jour le 27/06/2024
Des promeneurs devant la fontaine des Innocents.
Après un an de travaux, la fontaine des Innocents a été remise en eau ce jeudi 27 juin. Découvrez 5 secrets de cette œuvre d’art majeure du patrimoine parisien, à laquelle le musée Carnavalet consacre actuellement une exposition.

À son emplacement s’entassaient autrefois des milliers de squelettes

Et oui ! C’est sur la place Joachim-du-Bellay (Paris Centre) que se dressaient, au Moyen Âge, l’église et le cimetière des Saint-Innocents. Cette gigantesque nécropole, lieu de sépulture d’une vingtaine de paroisses parisiennes, de l’Hôtel-Dieu et de plusieurs prisons, était ouverte à tous les vents… Ce cimetière, pourtant insalubre, était un haut lieu de promenade pour les Parisiens – on dansait même parfois sur la place ! Il était, selon l’historien Jules Michelet, « hanté la nuit des voleurs, le soir des folles filles qui faisaient leur métier sur les tombes ».
Au fil des siècles, le cimetière débordait au point que des défunts étaient enfouis jusque dans les caves des maisons du quartier, où l’on retrouve encore parfois aujourd’hui des fragments de squelettes. Ce n’est qu’en 1786 que les ossements ont été transférés dans les anciennes carrières du sud de la capitale, devenues les catacombes de Paris.

Elle a célébré l’entrée d’Henri II à Paris en 1549

Roi de France à partir de 1547, Henri II fait son entrée solennelle à Paris au côté de son épouse Catherine de Médicis le 16 juin 1549. Pour l’événement, les rues sont tapissées d’étoffes de soie et animées de chœurs, de pantomimes, de tableaux vivants, et des joutes y sont même organisées.
Le sculpteur Jean Goujon est chargé de concevoir et réaliser de nombreux éléments architecturaux éphémères tout au long de la rue Saint-Denis (Paris Centre) – dont il ne reste que de rares gravures. Imaginez : devant l’église du Saint-Sépulcre (aujourd’hui disparue) trônait un obélisque surmontant un rhinocéros, qui symbolisait la France victorieuse des monstres !
Sur ce parcours, il ne reste qu’un chef-d’œuvre de Jean Goujon : la fontaine des Innocents. L’une des plus anciennes fontaines de Paris. Son décor comprend des blasons aux armes d’Henri II et de la Ville de Paris.
C’est la première fontaine avec une dimension architecturale, délaissant le schéma traditionnel du petit édicule au centre d’un carrefour. La fontaine se présentait alors comme un édifice maçonné, en forme de loggia ouvrant par deux arcades sur la rue aux Fers et par une seule sur la rue Saint-Denis. Cette loggia était élevée sur un soubassement assez haut qui masquait le réservoir de la fontaine. La loggia était initialement destinée à accueillir quelques spectateurs privilégiés sur le parcours de la procession royale.
Ce trésor de la Renaissance est reconnu en tant que monument historique en 1862.

Elle a échappé de peu à la destruction… à deux reprises

9 novembre 1785 : un arrêt du Conseil du roi décide de l’affectation de l’emplacement du cimetière des Innocents au marché aux herbes et aux légumes. Les pouvoirs publics décident donc de supprimer le cimetière, mais aussi la paroisse des Saints-Innocents…
La fontaine des Innocents, quant à elle, est sauvée de justesse de la démolition. Elle est alors démontée puis remontée intégralement au centre du nouveau marché aux herbes. De plan rectangulaire à deux façades, elle est transformée en un édicule carré à quatre façades. Les travaux sont confiés à Bernard Poyet, architecte de la Ville, particulièrement sensible au goût du classicisme et de la Renaissance. Celui-ci fait appel au sculpteur Augustin Pajou pour réaliser les décors sculptés manquants, à la façon de Jean Goujon, qui avait sculpté les nymphes originales des deux premières façades. La nouvelle fontaine carrée, surmontée d’un petit dôme couvert en ardoise, est établie sur un socle massif et est placée parallèlement aux immeubles de la rue de la Ferronnerie.
Près de deux cents ans plus tard, alors que Paris s’apprête à construire le Forum des Halles (Paris Centre), on envisage à nouveau un démontage de la fontaine. En février 1973, la Commission supérieure des monuments historiques se prononce pour le maintien in situ de l’édifice, en raison notamment de sa fragilité.
La fontaine des Innocents est donc finalement maintenue sur place et protégée derrière des palissades pendant toute la durée des travaux du « trou des Halles ». Un dispositif technique complexe à base de béton armé est même imaginé pour l’ancrer dans le sol.

C’est un nouvel îlot de fraîcheur

L’eau de la fontaine n’était à l’origine distribuée que sous la forme de minces filets sortant de six petites gueules de lion. Elle provenait des sources du nord de Paris captées à Belleville et au Pré-Saint-Gervais, puis de la Seine grâce à la pompe Notre-Dame. Puis l’eau est arrivée en abondance après 1809, en provenance du canal de l’Ourcq. Pour célébrer cet événement, une grande fête est d’ailleurs organisée le 15 août 1809, en présence de l’empereur Napoléon Ier.
Cinquante ans plus tard, alors que les halles de Baltard (Paris Centre) sont édifiées, la fontaine est de nouveau démontée, déplacée de quelques dizaines de mètres et remontée dans un nouveau square arboré typiquement haussmannien créé par l’architecte Gabriel Davioud : son soubassement est repensé pour magnifier les chutes d’eau, la fontaine des Innocents devient purement ornementale.
Mais, depuis 2017, l’eau n’y coulait plus du tout. Un comble pour un élément architectural dont le style a inspiré Sir William Wallace pour concevoir ses fameuses fontaines !
Aussi, les travaux qui viennent de s’achever n’ont pas qu’un objectif de restauration de l’édifice : le système hydraulique de la fontaine sera de nouveau fonctionnel pour l’été ! Cela constituera un nouvel îlot de fraîcheur dans le quartier des Halles.

Ses gracieuses nymphes sont exposées au musée Carnavalet jusqu’au 25 août 2024

On la surnomme parfois « la fontaine aux Nymphes » en raison de ses créatures mythologiques. En effet, chaque façade de la fontaine des Innocents comprend un fronton triangulaire surmontant un attique pourvu d’un bas-relief rendant hommage au monde marin : des petits génies rieurs évoluent parmi les coquillages et les dauphins.
Huit très belles naïades occupent les entrecolonnements. Le rendu des drapés de leurs vêtements, la grâce et leur élégance, tout en elles est remarquable. Dans le cadre de la restauration, les trois nymphes réalisées par Augustin Pajou au XVIIIe siècle ont été restaurées sur place et les cinq nymphes de Jean Goujon datant du XVIe siècle ont été déplacées en atelier.
Au musée Carnavalet, l’exposition « La fontaine des Innocents, histoires d’un chef-d’œuvre parisien » offre l’opportunité d’observer des conservateurs-restaurateurs à l’œuvre et d’admirer ces cinq nymphes de près !

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