Découvrez les secrets de la fontaine Stravinsky
Le saviez-vous ?
Mise à jour le 06/11/2023
Sommaire
Pour la première fois en quarante ans, l’œuvre de Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle a bénéficié d’une rénovation complète. Controversée à l’époque, elle est aujourd’hui emblématique du quartier de Beaubourg et continue de fasciner badauds et passants. Mais que représentent ses sculptures ? Quels secrets se cachent derrière cette collaboration fructueuse, et quel rôle a joué Claude Pompidou lors de la création de la fontaine ?
Située au pied
du centre Pompidou (Paris Centre), près de l’IRCAM, le centre de recherche en musique
contemporaine, la fontaine Stravinsky, ou fontaine des Automates, met en
lumière le travail des artistes Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely. À
travers cette œuvre, les deux artistes plasticiens voulaient créer une œuvre
d’art publique qui apporterait de la couleur, de la joie et du féminin dans
l’espace urbain.
Les sculptures sont toutes mécanisées, soit très colorées pour celles de Niki de Saint Phalle, soit toutes noires pour celles de Jean Tinguely, en perpétuel mouvement et animées par
des jets d’eau. Depuis sa création, la fontaine fonctionne en circuit fermé, avec 100 %
de l’eau des animations des œuvres recyclée. Inaugurée en 1983, elle a fêté cette année ses 40 ans et sa rénovation vient de s'achever.
Seize sculptures en hommage à Igor Stravinsky
Au début des années 1980, Paris
accélère sa politique en faveur de la création artistique contemporaine
monumentale. Dans le cadre de cette initiative, la Ville commande la fontaine
Stravinsky. Jacques Chirac, alors maire de Paris, choisit d’accorder sa
réalisation à Jean Tinguely, dont il avait admiré la fontaine du Carnaval à
Bâle, et à Niki de Saint Phalle.
Le choix de l’emplacement s’est porté
sur la place Igor-Stravinsky, rue Brisemiche (Paris Centre) vide depuis la destruction d’un ancien hôtel particulier
au même endroit. La place est alors devenue le toit d’une partie des
installations de l’institut de recherche et de coordination acoustique/musique
(IRCAM). Pierre Boulez, l’un des plus grands compositeurs français du XXe siècle et premier directeur de l’IRCAM, a lui-même nommé la place en hommage au
chef d’orchestre russe (1882-1971), considéré comme l'un des compositeurs les plus
influents de sa génération.
La fontaine accueille seize sculptures
en son sein. Pour les réaliser, Saint Phalle et Tinguely se sont inspirés du « Sacre
du Printemps », d’Igor Stravinsky. Un choix pas anodin : lors de sa
première représentation au théâtre des Champs-Élysées en 1913, le ballet fit
polémique, ses détracteurs de l’époque le qualifiant de « massacre du
printemps » (il est aujourd’hui passé à la postérité).
Chacune des sculptures porte un nom qui rappelle de
près ou de loin une œuvre d’Igor Stravinsky : La Sirène, Ragtime, Le Chapeau
de clown, Le Renard, Le Cœur, La Diagonale, L’Éléphant, La Vie, Le Rossignol,
Le Serpent, La Mort, L’Oiseau de Feu, La Clé de Sol, L’Amour, La Spirale et La
Grenouille. Toutes sont mécanisées et animées par des jets d’eau, qui font
référence aux ballets et à la musique en général.
Deux parcours sonores exclusifs
À l’occasion de la restauration de la fontaine Stravinsky et de sa réouverture au public, l’Ircam a commandé deux œuvres en relation avec le couple d’artistes Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely, et les sculptures animées de la fontaine : l’autrice Hélène Frappart a contribué avec ses « Sept contes de la fontaine », accompagnée d’une envoûtante musique de Mikel Urquiza. « L’eau la colonne le fer » est quant à elle une œuvre électronique en hommage aux deux sculpteurs commandée à la compositrice Sivan Eldar et à l’autrice Laura Vazquez. Ces œuvres musicales sont accessibles en ligne, grâce à l’application dédiée Ircam Circus.
Niki scintille la nuit, Tinguely reluit le jour
La fontaine est imaginée par les deux
artistes pour entrer en contact direct avec le public et favoriser les échanges.
Elle est constituée d’un vaste bassin de 580 m², mesurant 33 mètres de long sur
17 mètres de large. Parmi les 16 œuvres, sept sont de Jean Tinguely, six en résine
colorée sont de Niki de Saint Phalle et trois sculptures sont réalisées
conjointement par les deux artistes. Les assemblages métalliques peints en noir
du sculpteur contrastent harmonieusement avec les formes pleines et les
couleurs vives de la plasticienne. Jean Tinguely a exceptionnellement réalisé
ses sculptures en aluminium pour que le tout puisse soutenir le poids de la
glace lors de périodes de gel en hiver.
Dans une interview accordée à Beaux-Arts
Magazine en 1983, Jean Tinguely explique : « La
nuit, toute la lumière va sur les éléments colorés, c’est une fontaine de Niki
et mes machines disparaissent, deviennent des fantômes… Les jours, le noir est
plus apparent, par mauvais temps surtout, et c’est alors que l’on voit avec
plus de précision le détail des machines. »
La collaboration des deux artistes
débute au début des années 1960, quelques années après leur rencontre, en 1955,
dans les ateliers de l’impasse Ronsin (Paris, 15e). « Nous sommes deux sculpteurs attachés l’un
à l’autre, qui vivent dans deux mondes très différents, opposés dans les
matériaux, opposés idéologiquement, opposés aussi dans la masculinité d’une
part et la profonde maternisation de la féminité de l’autre… », expliquait
Tinguely. Elle, ex-mannequin issue d’une famille bourgeoise, lui, aux origines
ouvrières, vont s’unir à la vie comme dans l’atelier.
Une œuvre soutenue par Claude Pompidou face au scepticisme des commanditaires
À l’occasion de l’exposition
universelle de 1967 à Montréal, le pavillon français commande une œuvre aux
deux artistes. C’est ainsi qu’est créé Paradis fantastique, un ensemble de neuf
sculptures monumentales réalisées par Niki de Saint Phalle, et de six
sculptures animées, fruit du travail de Tinguely. Une œuvre très controversée à
l’époque, qui va refroidir quelques années plus tard les commanditaires de la
fontaine Stravinsky, Un soutien inattendu, celui de Claude Pompidou, ex-Première
Dame, permettra aux deux artistes d’aller au bout de leur projet.
L'Oiseau de feu, une miniature d’une sculpture monumentale inaugurée en Californie la même année
En 1983, « Sun God », une
sculpture monumentale de Niki de Saint Phalle réalisée en fibre de verre
peinte, est inaugurée à l’université de Californie. La même année la fontaine
Stravinsky est également érigée, avec une reproduction en miniature de « Sun
God », que Niki de Saint Phalle baptise « L’Oiseau de Feu », en
référence à un ballet du compositeur russe.
Une reproduction qui en appellera une
autre quelques années plus tard : en 1991, la plasticienne réalise un
autre oiseau de feu. L’œuvre sera rachetée en 2006 par Andreas Bechtler, un collectionneur
suisse, pour le Bechtler Museum of modern art de Charlotte (Caroline du Nord, États-Unis), puis
rebaptisé « Le Grand Oiseau de feu sur l’Arche ».
Tinguely et la fascination pour l’eau
Dès son plus jeune âge, Jean Tinguely est fasciné par le
bruit de l’eau et la mécanique, qui ont inspiré ses premières sculptures. Le
sculpteur s’inscrit dans plusieurs courants, dont l’art cinétique, le nouveau
réalisme ou encore les happenings, tout en prônant le recyclable, l’éphémère et
l’art en perpétuel mouvement.
Il a collaboré avec de nombreux artistes tout au long de sa
carrière, qui ont participé à l’émergence de son art. Parmi eux, Niki de Saint
Phalle, son ancienne compagne, avec qui il a réalisé plusieurs œuvres
d’envergure, dont la Fontaine à Château-Chinon (Nièvre) et le Cyclop à Milly-la-Forêt (Essonne). Après
sa mort en 1991, Niki de Saint Phalle se consacrera pendant quatre ans à
l’ouverture d’un musée dédié à son œuvre, qui ouvrira en 1996 à Bâle, en
Suisse, où il a longtemps travaillé.
Niki de Saint Phalle, une plasticienne qui aura laissé sa trace dans l’histoire
Artiste, sculptrice et plasticienne
franco-américaine, reconnue pour son talent polymorphe dans divers domaines
tels que le théâtre, les performances, le cinéma, la peinture et la sculpture,
Niki de Saint Phalle n’a pas suivi de formation académique formelle, ce qui lui
a permis d’étoffer son style unique et personnel. Elle a commencé sa carrière
en tant que mannequin, mais a rapidement ressenti le besoin de s’exprimer
artistiquement de manière plus profonde et authentique.
Son engagement féministe, symbolisé entre
autres par ses « nanas », des sculptures de femmes exubérantes,
voluptueuses et très colorées, est l’un des aspects essentiels de son travail.
Pionnière dans la lutte pour
l’égalité des sexes, elle a utilisé son art comme un moyen de remettre en question
les stéréotypes de genre et de revendiquer l’autonomie et la liberté des
femmes. Niki de Saint Phalle est l’une des rares femmes membre de l’éphémère mouvement
des nouveaux réalistes, créé en 1960 par un collectif d’artistes et dont elle
fut l’unique femme signataire.
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