« Paris, un musée à ciel ouvert » : les écrivains

Série

Mise à jour le 20/12/2021

Monument à Alexandre Dumas (1802-1870) - Gustave DORÉ (1832-1883)
Avec près de 1000 œuvres dans l'espace public, dont de nombreuses statues, Paris regorge de témoignages de notre histoire. Notre série « Paris, un musée à ciel ouvert » vous emmène à la rencontre de celles et ceux qui ont marqué la capitale. Hommage aux écrivains.
Une cartographie interactive
Découvrez sur une cartographie interactive près de 500 sculptures appartenant à la Ville de Paris ou confiées à sa gestion par l’État, dans le cadre de dépôts par le Centre National des Arts Plastiques (CNAP). Cette cartographie sera au fur et à mesure enrichie, afin de présenter chaque statue dans le détail.
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Jean Giraudoux écrivait qu’à Paris, il avait « sous les yeux les cinq mille hectares du monde où il a été le plus pensé, le plus parlé, le plus écrit ». Peu de villes ont, en effet, autant compté dans l’histoire intellectuelle mondiale que la capitale française. Réflexion de la mémoire collective, l’érection de monuments exprime, en temps réel, un contexte social, politique, historique et intellectuel. Ainsi, l’espace public de Paris, où ont écrit les auteurs les plus marquants, dont certains ont révolutionné la littérature mondiale, se fait le reflet de la place centrale tenue par la capitale dans ce domaine. Il n’est, alors, pas étonnant que les monuments parisiens célèbrent tout autant les grandes figures de l’histoire politique nationale que celles de la littérature.

La polémique Honoré de Balzac

Balzac (1799-1850)
Auguste RODIN (1840-1917)
1898, Bronze
Lieu : boulevard Raspail (6e)
La société des gens de lettres commanda en 1888 à Henri Chapu (1833-1891) un monument à Balzac pour pallier l’absence de l’écrivain dans l’espace public parisien mais l’artiste mourut avant d’avoir pu finaliser son projet. Emile Zola, alors président de la Société des gens de lettres, s’adressa à Auguste Rodin qui s’investit pleinement dans cette création. Cependant, plus il travaillait, plus il s’éloignait d’une représentation classique. Son retard suscitait l’inquiétude et le mécontentement de ses commanditaires.
Lorsqu’enfin il exposa le modèle en plâtre de son monument au Salon en 1898, il ne suscita que colère, indignation et critiques virulentes. Rodin dut faire face à un scandale esthétique sans précédent, qui se politisa bien malgré lui à cause de Zola, à la fois commanditaire du Balzac et auteur d’une tribune sur l’affaire Dreyfus qui divisait la France. Rodin préféra rembourser ce qu’il avait déjà touché et conserver son œuvre à l’abri des yeux du public offensé.
Il fallut attendre 1939 pour la voir se dresser à l’angle des boulevards Raspail et Montparnasse. Le « monstre » de la littérature impose sa silhouette massive comme il sut imposer son œuvre littéraire, puissante et démesurée. Rodin eut l’audace de dépasser les codes de la représentation humaine pour s’attacher à rendre l’insaisissable : l’expression du génie créateur.
Suite au rejet du projet de Rodin en 1898, la Société des gens de lettres qui souhaitait absolument voir ce projet aboutir passa à nouveau commande du monument en 1899 à Alexandre Falguière. Prix de Rome, professeur à l’École des beaux-arts et membre de l’Académie des beaux-arts, ce dernier était une valeur classique et sûre de l’art statuaire. Ce revirement n’entacha en rien l’amitié qui le liait à Rodin. Il proposa en effet un monument plus apaisé : Balzac, pensif, est assis sur un banc, les jambes croisées, tenant son genou dans un geste familier qui laisse entendre au passant qu’il le surprend dans son intimité créatrice.
Balzac (1799-1850), Alexandre FALGUIÈRE (1831-1900). Inauguré en 1902, marbre, socle en pierre, place Georges Guillaumin (8e). Voir photo.
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Georges Bernanos, hommage géométrique

Hommage à Georges Bernanos (1888-1948)
William CHATTAWAY (né en 1927)
1990, bronze, Dépôt de l’État depuis le 11 juillet 1990.
Lieu : avenue Georges Bernanos (5e)
Des formes limitées à leur plus simple expression, des volumes géométriques laissés presque bruts, c’est ainsi que William Chattaway (né en 1927) a représenté Georges Bernanos (1888-1948), dans un style particulièrement graphique traduisant une esthétique cubiste. Ce buste en bronze commandé par l’État à l’artiste en 1985, et installé en 1990, n’est pas la première représentation de Bernanos par le sculpteur anglais. En effet, Chattaway s’est intéressé dès 1974 à l’écrivain, qu’il n’a cessé de sculpter depuis, s’appuyant sur les archives de la famille Bernanos.
Né en 1888 à Paris, Georges Bernanos fut élevé à Fressin, un village du Pas-de-Calais dont l’ambiance provinciale inspira tous ses romans. Bernanos connut le succès tant critique que public dès Sous le soleil de Satan, son premier roman paru en 1926, qui marque le début de son exploration du combat spirituel du Bien et du Mal, thème central de tout son œuvre. Malgré la fortune venue avec le succès, Bernanos, mauvais gestionnaire, dut s’exiler en 1932 aux Baléares où la vie était moins chère. Il y écrivit l’une de ses œuvres les plus marquantes, Les grands cimetières sous la lune, violent pamphlet contre le Franquisme, les atrocités de la guerre civile espagnole et la complicité du clergé espagnol qui a horrifié le fervent catholique qu’il était.
C’est depuis le Brésil, où il s’est exilé en 1938, que Bernanos apporta le soutien de sa plume au général De Gaulle dès l’appel du 18 juin. Il décède à Neuilly en 1948, ayant refusé à plusieurs reprises la Légion d’honneur, récompense que l’ancien soldat de 14-18 jugeait réservée aux seuls combattants.

Dante à l'ombre des universités

Dante (1265-1321)
Jean-Paul AUBÉ (1837-1916)
1882, bronze
Lieu : square Michel-Foucault (5e)
C’est lors du Salon de 1879, le 14 juin, que la Ville de Paris achète au sculpteur Jean-Paul Aubé (1837-1916) le plâtre d’une statue de Dante Alighieri (1265-1321), l’auteur de la Divine Comédie, premier grand texte en italien. La Ville en commande un tirage en bronze dès le mois de septembre suivant.
Né à Longwy, formé dans les ateliers de Dantan et Duret, Aubé reçut de nombreuses commandes officielles, travaillant souvent pour la Ville de Paris (Hôtel de Ville, monument à Gambetta), dont il fut membre de la commission des Beaux-Arts.
Achevé en 1880, le bronze est installé en plein cœur du quartier des universités que Dante fréquenta assidûment, près de la rue du Fouarre, dont la partie sud ne portait pas encore le nom de l’auteur italien.
Porté par le Romantisme, les thèmes tirés de la littérature italienne ancienne, de l’Arioste (1474-1533) et surtout de Dante, restent en faveur tout au long du XIXe siècle. Après le succès de la Barque de Dante de Delacroix (1822, Musée du Louvre), la Divine Comédie et son auteur inspirèrent peintres et sculpteurs. Aubé lui-même avait déjà représenté le poète italien en 1865, pour orner l’escalier de l’hôtel de la Païva (Champs-Élysées).
S’inspirant du célèbre buste conservé à Naples, et exécuté d’après le masque funéraire du poète, Aubé représente ici Dante drapé dans un large manteau, le regard sévère tourné vers le visage torturé du damné qu’il foule presque de son pied.
Sauvée de la fonte pendant l’Occupation, la statue est remise en place à l’hiver 1949-1950. Elle a été restaurée en 2021 à l’occasion du 700ème anniversaire de la mort de l’écrivain.

Alexandre Dumas, de père en fils

Monument à Alexandre Dumas (1802-1870)
Gustave DORÉ (1832-1883)
1883, bronze (figures), pierre (piédestal)
Lieu : Place du général Catroux (17e)
Lorsqu’en 1878 une souscription publique fut lancée pour l’érection d’un monument à Alexandre Dumas père, Gustave Doré, grand admirateur de l’écrivain, mit une condition à la réalisation de son travail, celle de pouvoir le faire gratuitement. Cet artiste généreux, davantage connu comme illustrateur, était également un peintre et un sculpteur de talent. Il n’eut pas la joie d’assister à l’inauguration de son œuvre le 4 novembre 1883, emporté par une crise cardiaque la même année, à l’âge de 51 ans. Il fut décidé d’installer le monument au cœur du 17e arrondissement car Dumas y vécut.
Le haut socle, très didactique, renseigne sur la commande, les souscripteurs et liste une quarantaine de ses ouvrages… mais il en écrivit bien davantage : romans historiques, récits de voyage, livres de cuisine, pièces de théâtre, écrits sur l’art et les artistes, il aborda tous les genres.
Le monument, ample et truculent, reflète parfaitement ce que fut Dumas : un bon vivant, excessif, aimant manger, dépensier, mais écrivain infatigable, doté d’une imagination débordante qu’il mit à profit pour faire rêver des millions de lecteurs. L’écrivain trône au sommet, confortablement assis, la plume dans une main, un ouvrage dans l’autre, il semble observer malicieusement le monde qui l’entoure pour y trouver l’inspiration. En-dessous, trois lecteurs passionnés nous rappellent qu’en instaurant les romans-feuilletons, il devint le maître du suspense. Au revers, son personnage le plus célèbre, d’Artagnan semble monter la garde avec fierté et désinvolture. On ne peut en douter, Gustave Doré fut l’un des fervents lecteurs de Dumas et ce monument plein de vie rayonne de l’admiration qu’il lui porta.
À noter : un hommage à Alexandre Dumas fils est également installé dans le 17e arrondissement. L’écrivain y trône autour de ses muses dansantes en hommage à ses pièces de théâtres dont les titres sont gravés sur le piédestal : « (…) l’Étrangère, Denise, l’Ami des femmes (1864) le Demi-monde (1855)».
Alexandre Dumas Fils (1824-1895) par Charles-René de SAINT-MARCEAUX (1845-1915). 1906, marbre. Place du Général-Catroux (17e). Voir photo.

Alphonse Daudet, hommage à la Provence

Monument à Alphonse Daudet (1840-1908)
René de SAINT-MARCEAUX (1845-1915)
1902, Marbre
Lieu : Jardin des Champs-Élysées (8e)
Sa statue semble surgir d’un rocher, sur lequel il se tient assis, réchauffé d’une couverture et portant son regard au loin, pensif. Ce monument, hommage à l’écrivain méridional Alphonse Daudet, fut érigé en 1902, à la suite d’un décret d’hommage public publié la même année, et 5 ans seulement après sa disparition subite à l’âge de 57 ans.
L’expression songeuse que lui a donnée l’artiste n’est pas sans rappeler la description qu’a faite de son caractère et de sa personnalité son ami provençal, le prix Nobel de littérature Frédéric Mistral : « un homme de la désillusion et de l'illusion, d'un scepticisme sénile et d'une curiosité juvénile ».
Issu d’une famille cévenole et nîmoise, Alphonse Daudet enseigne d’abord comme maître d’étude au collège d’Alès dans le Gard, avant de monter à Paris en 1857 pour y vivre une vie de bohème. En 1866, il se rend célèbre par la publication sous forme de feuilleton de ses fameuses Lettres de mon moulin, parmi lesquelles certains textes les plus célèbres de la littérature française : La Chèvre de monsieur Seguin, Les Trois Messes basses ou L'Élixir du révérend père Gaucher.
René de Saint-Marceaux, ayant réalisé les gisants de Felix Faure et de Dumas Fils au Père-Lachaise, a été choisi pour réaliser cet hommage à l’écrivain. Figure artistique reconnue de la IIIe République, il expose au Salon et multiplie les concours et les honneurs. Ses œuvres sont très variées, allant de bustes officiels à de simples médaillons en passant par des productions grandioses.
L’installation de cette statue dans ce jardin des Champs-Élysées en 1902 vint parachever son aménagement moderne, à la suite de la création, non loin de là, du Grand et du Petit Palais pour l’exposition universelle de 1900. Elle marque, à deux pas du palais de l’Élysée, la reconnaissance institutionnelle d’un écrivain régionaliste à l’envergure nationale.

Émile Zola, de Germinal à l'affaire Dreyfus

Monument à Émile Zola (1840-1908)
Costas SPOURDOS (1946-2016)
1985, pierre et bronze (médaillon)
Lieu : Place Dreyfus (15e)
À première vue, il peut sembler étrange que le monument à Émile Zola soit si tardif et si discret : une simple stèle de pierre ornée d’un médaillon, érigée en 1985. En réalité, un monument beaucoup plus important ornait cette place.
Dès la mort de l’artiste, la Ligue des droits de l’Homme lança une souscription publique et la commande fut passée au sculpteur belge, Constantin Meunier (1831-1905), artiste militant qui représenta le monde du travail, de la mine et les ouvriers. Ce choix faisait pleinement écho aux romans de Zola, en particulier à Germinal. Mais l’artiste mourut avant d’avoir terminé son œuvre et l’achèvement en fut confié à Alexandre Charpentier (1856-1909) qui le livra en 1906.
Cependant, un point n’était pas encore tranché : celui de l’emplacement et le Jardin des Tuileries fut refusé, non sans polémiques. Une longue période de mise en réserve, de propositions et de tergiversations débuta et ne s’acheva qu’en 1924 par le choix d’une place du 15e arrondissement. Elle porte depuis 2000 le nom d’Alfred Dreyfus, nom intimement lié à celui de Zola en raison de la célèbre publication « J’accuse » parue le 13 janvier 1898 dans L’Aurore, accusant le gouvernement d’antisémitisme vis-à-vis du capitaine traduit en justice – à tort – pour trahison.
Hélas, les figures du monument, sur lequel se trouvait au sommet l’écrivain, et sur le socle un ouvrier et une mère de famille, furent fondues sous le régime de Vichy et le socle vide retiré en 1982. C’est à ce moment-là qu’il fut décidé de continuer à célébrer la mémoire de Zola par le monument que nous voyons désormais.

Tristan Bernard, l'amour du bon mot

Monument à Tristan Bernard (1866-1947)
Josette HÉBERT-COËFFIN
1972, buste en bronze sur socle en granit,
Lieu : Place Tristan-Bernard (17e)

Je ne hais que la haine
Pour être heureux avec les êtres, il ne faut leur demander que ce qu’ils peuvent donner
Ne compter que sur soi-même et encore pas beaucoup

Monument à Tristan Bernard
Inscriptions sur le piédestal
Paul Bernard se destinait à une carrière d’avocat mais n’exerça jamais car il préféra vivre pleinement ses deux passions, le vélo et la langue française. Il débuta comme journaliste sous le pseudonyme de Tristan, nom d’un cheval gagnant aux courses sur lequel il avait misé ! Il y associa ensuite son nom, devenant ainsi Tristan Bernard.
Ce goût pour les mots et l’écriture firent de lui un homme de lettres complet : plus de vingt romans et nouvelles, une soixantaine de pièces de théâtres, sketches, polars, récits, poèmes, contes, sans oublier les adaptations cinématographiques ni ses innombrables grilles de mots croisés, très prisées en raison de ses jeux de mots et traits d’humour. Trois de ses célèbres phrases humoristiques figurent d’ailleurs sur le socle de son buste, érigé en 1972 sur la place qui porte son nom.
Ce buste est très fidèle : silhouette trapue, longue barbe fournie qu’il adopta lors de son service militaire et qu’il conserva pour toute sa vie durant. C’est l’œuvre d’une femme sculpteur, Josette Hébert-Coëffin, également connue pour ses nombreux modèles fournis à la Manufacture de Sèvres, pour son talent d’animalière et de graveuse. Elle réalisa près de 300 médailles et fut distinguée en recevant la commande de celle du chef d’état, le général de Gaulle, fait rare à l’époque pour une artiste femme. On lui doit également la médaille des Jeux olympiques d’hiver de 1968 à Grenoble.

François Mauriac, à livre ouvert

François Mauriac (1885-1970)
Haïm KERN (1930-)
1988, bronze patiné, fonte à la cire perdue, Dépôt de l’Etat à la Ville de Paris
Lieu : Place Alphonse-Deville (6e)
Le sculpteur Haïm Kern a fait appel à ses souvenirs personnels pour partir à la recherche de François Mauriac. L’écrivain apparaît en frêle silhouette devant un panneau symbolisant un livre grand ouvert, sur lequel se détachent les principaux titres de ses écrits. Sur la tranche, la découpe d'une croix évidée rappelle sa foi chrétienne.
Marqué par le puritanisme de son éducation, son œuvre débute par la question du bien et du mal, tel qu’il est traité dans Thérèse Desqueyroux, qui lui vaut le prix du grand roman de l’Académie française (1923). Élu Académicien en 1933, puis fait Grand-croix de la Légion d’honneur par le général de Gaulle, François Mauriac reçoit le prix Nobel de littérature en 1952 avec Galigaï. Le Mauriac d’après-guerre se fait surtout écrivain politique. De 1952 à sa mort, il est chroniqueur au Figaro puis à L’Express où il doit livrer chaque semaine, d’une plume souvent polémique, sa critique des hommes et des événements.
Inauguré en 1990, le monument en bronze commémore le vingtième anniversaire de la mort de l’écrivain (1er décembre 1970). Il s’inscrit dans le cadre de la politique des commandes publiques engagées depuis 1983, pour honorer les personnalités littéraires de notre temps.
Cette œuvre est un dépôt de l’État à la Ville de Paris depuis 1985, dans le quartier de Notre-Dame-des-Champs.

Guy de Maupassant et la lectrice du parc Monceau

Monument en Hommage à Guy de Maupassant (1850-1893)
Raoul VERLET, sculpteur (1857-1923) – Henri DEGLANE, architecte (1855-1931)
Marbre, 1894-1897
Lieu : Parc Monceau (8e)
Sur les pelouses du parc Monceau, le monument élevé en hommage à Guy de Maupassant (1850-1893) retient volontiers l’attention des promeneurs. Si le buste de l’écrivain, qui surmonte l’ensemble, est tout à fait attendu, la charmante lectrice qui s’abandonne nonchalamment à son pied est plus surprenante. Le sculpteur Raoul Verlet et l’architecte Henri Deglane ont su jouer avec les codes du monument public. Loin des allégories officielles, ils ont exploité sa structure architecturale, agrémentée d’un moelleux coussin, pour suggérer l’intimité d’un intérieur bourgeois.
Cette atmosphère, qui évoque aussi l’univers romanesque de Maupassant, est renforcée par la pause méditative de l’élégante jeune femme, qui semble avoir abandonné un instant sa lecture. Une esquisse en terre cuite de ce personnage, modelée par Verlet lors de ses recherches préparatoires, est conservée, parmi d’autres œuvres du sculpteur, dans les collections du musée du Petit Palais.
Ce monument commémoratif a été élevé à l’initiative de la Société des gens de lettres qui a rassemblé les fonds et désigné les artistes, avant que le Conseil Municipal ne donne son accord et, en 1895, en autorise l’érection au parc Monceau. En 1897, lors de l’inauguration, parmi les orateurs, l’écrivain Émile Zola prit la parole, tandis qu’une comédienne sociétaire de la Comédie française récita des vers en l’honneur de Maupassant. Le modèle du buste de l’auteur de Une Vie, Bel Ami ou encore Boule de suif, connut une certaine postérité puisqu’un tirage en bronze fut inauguré à Rouen en 1900, en l’honneur de l’écrivain.

Victor Hugo, un hommage complexe

Victor Hugo et ses muses (1802-1885)
Auguste RODIN (1840-1917)
1909, bronze
Lieu : à l’angle de l’avenue Victor Hugo et de l’avenue Henri Martin (16e)
Rodin admirait l’homme de lettres, le poète et l’opposant politique et avait pu le rencontrer en 1883. En effet, il souhaitait faire le portrait de Victor Hugo mais ce dernier refusant toute séance de pose, il avait simplement toléré d’avoir le sculpteur chez lui, qui dut se contenter de l’observer durant ses activités tout en le dessinant à la sauvette !
L’écrivain mourut en 1885, et en 1889 une statue fut commandée à Rodin pour le Panthéon. Cependant, le projet fut rejeté en 1890 au profit d’un monument en marbre pour le jardin du Luxembourg. Rodin travailla longuement sur ce monument qui fut finalement installé en 1909… puis retiré en 1935 pour être placé au musée Rodin. Un autre monument à Victor Hugo, réalisé par Alexandre Falguière ornait depuis 1902 la place d’Eylau, à proximité de la demeure de l’écrivain mais l’ensemble des figures en bronze fut fondu sous le Régime de Vichy.
La Ville de Paris n’avait donc plus de monument à Victor Hugo et les conseillers municipaux demandèrent – en vain – le retour du marbre de Rodin. Il fut alors décidé d’une nouvelle œuvre, en bronze, à partir d’un des plâtres du musée Rodin, Victor Hugo et ses muses. Il fallut encore plusieurs années pour que le projet aboutisse et qu’un emplacement soit trouvé. L’inauguration eut lieu en 1964, soixante-quinze ans après la commande ! Tout à la fois dramatique et poétique, c’est un Victor Hugo solitaire, assis sur les rochers de Guernesey, un symbole de l’exil, de la solitude du poète et de l’inspiration, personnifiée par des muses envoutantes et exaltées.

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