Le Carillon: le son de la porte qui s'ouvre aux SDF

Actualité

Mise à jour le 14/02/2018

L'objectif de cette association : remettre le citoyen au cœur de l'action sociale et de lui donner de quoi agir concrètement en faveur des personnes sans abri.
Le Carillon est un réseau citoyen regroupant des commerçants de proximité qui acceptent de rendre une série de services aux personnes sans abri, au sein de leur boutique. Au départ situé uniquement dans le 11e arrondissement, le réseau s'est rapidement étendu à tout Paris.
Pour Louis-Xavier Leca, fondateur du Carillon, l'objectif est de remettre le citoyen au cœur de l'action sociale et de lui donner de quoi agir concrètement en faveur des personnes sans abri. À l'échelle d'un quartier, ce sont les liens entre les SDF, les commerçants et les particuliers qui ressortent renforcés.
Pour ce trentenaire énergique, l'envie d'agir pour les plus démunis a toujours été présente. Après avoir voyagé aux quatre coins du monde pour des missions dans le domaine social, il est revenu à ses racines et a fondé son association dans le quartier qui l'a vu naître, le 11e arrondissement. «J'avais envie de monter quelque chose de collaboratif autour du social et qui implique le citoyen presque au quotidien, avec des gestes simples et utiles, J'avais lu une étude qui montrait le sentiment de rejet qu'éprouvent les personnes à la rue par rapport aux habitants. Et c'est pour réduire ce sentiment-là que j'ai voulu trouver un début de solution, raconte-t-il. «J'ai pensé alors en premier aux commerçants. Je suis allé les rencontrer et je me suis rendu compte que certains rendaient déjà des petits services aux SDF, de façon informelle.»

Gestes simples, services utiles…

Alors, avec les commerçants, il définit une sorte de «short list» (présélection) de services possibles: offrir un verre d’eau, permettre de charger son téléphone, d'envoyer une lettre, passer un coup de fil, accéder aux toilettes ou même simplement discuter. Des services qui ne sont pas forcément dans le cœur d’activité des commerçants puisqu'on compte dans le réseau: pharmacien, cordonnier, bijoutier, poissonnier, lavage de deux-roues, et puis bien sûr cafés et restaurants. Le commerçant choisit les services qu'il peut rendre et entre dans le réseau du Carillon. Très concrètement, le logo du Carillon et des pictogrammes sont collés sur sa vitrine, indiquant aux SDF ce que le commerçant peut leur offrir. Charly Hanafy, gérant de la poissonnerie Lacroix, est le premier à avoir rejoint le réseau. «Je crois dans le partage» a-t-il expliqué simplement. De même pour Monique de la bijouterie Temoa «cela permet d'améliorer le quotidien des SDF», et pour Céline et Mattieu de la petite cantine vintage Chez Colette «c'était naturel d'entrer dans ce réseau car nous voulons que notre cantine soit ouverte à tous». En contrepartie, Le Carillon leur offre une visibilité sur son site et une mise en avant sur les réseaux sociaux. Louis-Xavier reprend: «On a vraiment été ravi de voir qu'un commerçant sur trois est prêt à entrer dans cette solidarité. À dire vrai, on pensait qu'il serait plus facile de convaincre les SDF d'utiliser ces services que les commerçants d'entrer dans le réseau et finalement cela a été plutôt l'inverse» ajoute-t-il.

Et événements conviviaux

Les cloches de la solidarité résonnent aussi une fois par mois dans chaque arrondissement! (le 1er de chaque mois dans le 1er arrondissement, le 2 dans le 2e, le 3 dans le 3e, etc.). Commerçants, particuliers et sans-abris, aidés des bénévoles du Carillon, s’unissent pour organiser un événement solidaire : collecte de vêtements autour d’un pique-nique, apéro-pétanque dans un parc, collecte de duvets dans une poissonnerie, jeu de piste dans les rues du quartier, collecte de produits hygiéniques pour les femmes à la rue dans un bar.
Des « soupes impopulaires » sont aussi organisées régulièrement. Ces « soupes populaires » inversées sont préparées par les sans-abris avec l’aide de bénévoles et à partir des invendus des commerçants du quartier. Le matin, récupération des invendus, L’après-midi, épluchage des légumes et cuisson. Et le soir, les sans-abris servent les passants.

Il y aussi des apéros-collectes qui sont l'occasion de se retrouver et d'échanger entre commerçants, habitants et sans-abris chez un commerçant du réseau ou dans un lieu public ouvert à tous. Les dons collectés sont redistribués directement pendant l'événement aux sans-abris présents ou remis aux associations partenaires.
Bon du carillon
Un système de bons a aussi été créé. Des particuliers peuvent acheter chez les commerçants répertoriés, des produits solidaires. Si ces particuliers sont membres de l'association, ils peuvent sortir avec le bon et l'offrir directement à une personne dans le besoin. Sinon le produit sera laissé en attente le temps qu'une personne dans le besoin (informée par l'association) se présente pour le consommer.

Travailler main dans la main avec les partenaires sociaux

«Les partenaires sociaux sont vraiment des relais pour nous, pour passer l’information aux SDF et les inciter à utiliser ces services. Ils les connaissent et savent comment les aborder et les convaincre. Ils savent les mettre en confiance» reprend Louis-Xavier. L'association travaille ainsi avec des maraudes, notamment celle de l’unité locale de la Croix Rouge du 11e ou l’équipe de rue de l’association Charonne mais aussi des paroisses qui offrent «Le Petit Café» ou Onze Mille Potes, une association qui propose des services de bagagerie. «Concrètement, on leur donne la liste des commerçants qui offrent des services avec les pictogrammes qui représentent les services proposés et eux les distribuent aux personnes dans le besoin.»

C'est fin décembre 2014 que Louis-Xavier a créé cette association mais il travaillait alors comme chef de projet pour Lulu dans ma rue –une autre entreprise sociale– jusqu’à fin octobre 2015. En novembre 2015, alors qu’il est déjà accompagné depuis septembre par l’incubateur Sensecube et financé par la Fondation Carrefour pour une partie du projet, il s’y consacre à plein temps. Il travaille alors avec un graphiste, Alexandre Caralp, pour préparer le site internet et fait aussi appel à Clémence Metz avec qui il travaillait dans la micro-finance.
Le carillon photo de groupe des villes adhérentes
Après dix mois de développement dans le 11e arrondissement en 2016, le Carillon s'est étendu peu à peu à tout Paris et aussi à d'autres villes Lille, Nantes, Lyon et Marseille.

Faire entrer les particuliers dans la partition

La force de cette association est d'avoir su développer un fort réseau où l'enthousiasme de ses membres parvient à convaincre une multitude de particuliers d'assurer des relais enthousiastes et motivés.

lls emploient aussi des «chargés de sensibilisation locaux», des jeunes en service civique chargés de sensibiliser localement les habitants, les commerçants et les personnes sans domicile.

Enfin, l'originalité est aussi de faire participer les sans-abri, eux mêmes, à l'image de JS qui raconte: «Je faisais la manche, boulevard Richard Lenoir, lorsqu’une personne du Carillon est venue me parler, me donner une liste de commerçants solidaires et un bon pour une boisson chaude. Elle m’a aussi invité à l’évènement de lancement du Carillon 10e. J’ai proposé d’aider à l’organisation alors le lendemain, on s’est retrouvé au métro Bastille et on y est allé ensemble. Ce jour là, j’ai rencontré l’équipe, les bénévoles, avec et sans domicile et très vite j’ai eu envie de m’investir au sein du réseau en devenant ambassadeur. Ma mission c'est de parler du Carillon autour de moi, aux sans-domicile, aux commerçants et aux habitants. Je transmets les listes de commerçants solidaires et les bons du 12e aux SDF que je connais et j'ai fait rentrer plusieurs commerçants que je connaissais dans le réseau! En fait ma mission c'est de répandre un peu de solidarité et de bonheur autour de moi!"