« Ce n’est pas de la manipulation, c'est de la communication » : le ton est donné. La communication et son univers impitoyable sont le fil rouge d'une pièce qui nous plonge dans la vie d'un journal, le New York Investigation, en proie à un scandale d'état orchestré par un magnat de la communication… en lice pour la présidence des États-Unis ! Toute ressemblance avec la réalité sera évidemment fortuite.
Julia Robinson, journaliste idéaliste au New York Investigation, sacrifie tout à son
boulot. Alors quand une affaire de sextape éclabousse le président des États-Unis, elle
est sur le coup. Mais au même moment, elle croit reconnaitre dans une salle d’audience
son compagnon disparu quatre ans plus tôt. Il n’en faut pas plus pour que l'histoire se mette en place. C'est du mélange des genres et de la collusion big
data, médias et politique, armes lourdes de la machine de guerre Big Mother dont il sera question : « Le monde a changé Papa, nous créons notre propre
réalité pendant que toi et tes amis la commentez ».
L’équipe du New York Investigation devra enquêter sur le plus grand scandale depuis le
Watergate et confronter sa déontologie aux impératifs IRL (in real life) : doit-on publier ou pas ?
Peut-on dévoiler tout ou partie d’un scandale avec, au bout du fusil, le risque
de la chienlit ? Car si le peuple perd ses repères, il se révolte :
« Qu'est-ce que vous voulez ? La révolution ? ». Cette question, tous
les rédacteurs en chef se la posent un jour : « Peut-on publier des
semi-vérités ? ».
Voir chuter l’ordre établi il y en a un que ça ne dérangerait pas, tant que
ça sert ses intérêts. Le magnat de la com Howard Mercer se voit déjà en haut de
l’affiche d’un monde qu’il rêve en supermarché géant : « Je rêve d'un
monde où il y aurait le choix d'un gouvernement comme pour les autres
produits », dont il arrose le peuple avec autant de belles phrases.
À bas les élites, sur lesquelles il tire à boulets rouges : « Je
préfèrerai toujours une majorité qui se trompe à une minorité qui nous trompe ».
L’avenir, on l’a compris, c’est lui et le parti qu’il finance en sous main,
le très disruptif Démocratie Totale dont notre magnat aux allures trumpesques ne
désespère pas qu’il enterre la démocratie représentative.
À l’éthique des activistes et des lanceurs d’alerte (« On ne cache pas
une partie de la vérité au peuple sous prétexte que c'est pour son bien ») s’oppose
le cynisme des pubards et des communicants, nouveaux chantres de Big Mother la
politicienne : « C'est très bien les idéaux mais ça ne finance pas la
campagne de Démocratie Totale », qui « s'engage à fournir chaque foyer
dans le besoin ».
Mise en scène originale, jeu dynamique et répliques bien senties (« Quand
on aime la lumière, on fait éclairagiste »), Mélody Mourey fait mouche, une
fois encore. On en sort avec l’envie de revenir et de pousser la réflexion :
doit-on vraiment tout jeter ? Réflexion dans l’air du temps, pas
forcément synonyme d’une ère meilleure…
Succès ! En reprise tout l'été !