Une pièce écrite et mise en scène par Christophe Honoré. On l’a vue, et on vous dit pourquoi on a adoré !
De quoi ça parle ?
Les deux dernières décennies du XXe siècle resteront dans l’Histoire comme « les années Sida ». La génération à laquelle appartient Christophe Honoré fut la première à parvenir à l’âge adulte en étant pleinement consciente de cette menace. Il a eu vingt ans en 1990, l’année de la mort du cinéaste Jacques Demy. L’année aussi où le chorégraphe Dominique Bagouet créa Jours étranges, dont Honoré vit trois ans plus tard une performance posthume. Bernard-Marie Koltès avait succombé un an plus tôt ; un an plus tard, Hervé Guibert était emporté à son tour. Cyril Collard s’apprêtait à tourner Les Nuits fauves, sorti en 1992 – tandis que disparaissait le « ciné-fils » Serge Daney, trois ans avant la mort de Jean-Luc Lagarce…
Depuis, Honoré a publié des romans ou des contes pour lecteurs de tous âges, tourné des films pour tous publics, écrit et mis en scène des spectacles, dont Nouveau Roman, où il réinventait déjà des figures d’écrivains aussi célèbres que Butor, Simon, Robbe-Grillet, Duras ou Sagan. En rendant hommage à ses Idoles, il revient aux « jours sinistres et terrifiants » de sa jeunesse. « Un spectacle pour répondre à la question : comment danse-t-on après? »
Live free, die too young?
A personal homage to six great victims of AIDS and a moving memoir of their times.
L’avis de la rédaction
« When the music's over / Turn out the light ». Sur la scène du Théâtre de la Porte Saint-Martin (10e), la pièce s’ouvre avec la voix de Jim Morrison qui vient succéder à celle de Christophe Honoré et nous présente six de ses idoles dont la vie a été fauchée par le virus du Sida. Là, perdues dans un au-delà au décor post-industriel où survivent les âmes, elles se meuvent et tournoient d’un bout à l’autre de la scène, nous invitant à entrer dans la danse.
Leur danse, c’est celle qui célèbre la vie, malgré la mort. C’est celle qui rend l'œuvre artistique éternelle. Celle qui fait chanter les disparus, celle qui déterre les silences, celle qui expie les souffrances. On voit ainsi interagir Cyril Collard, Jacques Demy, Jean-Luc Lagarce, Hervé Guibert, Serge Daney et Bernard-Marle Koltès, se prêtant au jeu des confidences. Chacun prend tour à tour la parole, pour livrer son expérience de la maladie, pour commenter le monde actuel et surtout pour s’interroger sur cette vie qu’ils auraient pu vivre, s’ils avaient été épargnés par le Sida. Alors, naturellement, les points de vue s’entrechoquent, les destins se confrontent et les répliques fusent, dans un processus cathartique aussi cinglant que touchant.
Plus qu’un simple hommage aux artistes mythiques de sa jeunesse, Christophe Honoré exprime, à travers ce texte bouleversant, une crainte profonde : celle de l’oubli. Avec cette réunion posthume, il salue non seulement l’influence artistique que ses idoles ont léguée aux générations suivantes, mais il rappelle aussi combien leurs disparitions témoignent d’une époque que l’on se doit de ne jamais oublier.