« J’étais venu pour vous parler des Ritals… et je vous ai parlé de Papa. » C’est comme ça que l'histoire se termine et qu'elle aurait pu commencer. Papa, c’est le héros de l'histoire. De la pièce, du roman de Cavanna, de François-Bruno, dont on remonte les souvenirs de fils d’immigré italien, en France dans l’entre-deux-guerres.
Dans les années 1920, le petit François, Francesco en italien, mais
Maman veille à ce qu’on parle français à la maison, habite la rue Sainte-Anne, à
Nogent-sur-Marne. Ça sent déjà le charbon et la chemise noire dans les
prémisses de l’Italie mussolinienne. Et si Papa ne fait pas de politique,
il a le sens de la vie, qu’il s’agisse d’un arbre ou d’un chien pour lequel
il garde les os dans ses poches, et l’amour de son prochain.
Il est profondément humain, Papa, au point de donner tous les dimanches pendant un
mois, de quoi s’acheter à manger à un Arabe venu demander du « travail,
travail, travail » au patron de son chantier. On est tous le rital de
quelqu’un et papa le sait.
Il n’est plus là quand François écrit, mais il restera son
modèle, celui grâce auquel on remonte l’histoire, la grande et celle de
Cavanna, au rythme de l’accordéon qui l'accompagne. Nogent, les bals, les
beuveries, les copains, et même son dépucelage au bordel dans une scène
savoureuse. Maman, il l’aimait profondément, mais, sans doute mû par le respect
et la pudeur qu’elle lui inspirait, c’est de son père dont il sera question.
« Les Ritals », on le lit quand on est jeune. Ce qu’a
fait Bruno Putzulu, c’est redonner de la modernité à un texte qui n’en manque
pas. Seul en scène c’est une prouesse, mais captiver la salle et lui
arracher des larmes (pas seulement à l’auteure de ces lignes !) en 1 h 20 de
spectacle c'est une performance. Quand on sort, on essuie le coin de son œil,
on pense à papa, à mamie, à pépé… À ceux qui sont encore là et à ceux qui n’y
sont plus. Aux immigrés d’ici et d’ailleurs.
On est tous le Rital de quelqu’un. Et la pièce nous le rappelle.
Succès spectaculaire pour cette pièce en reprise au Lucernaire !
Rencontre avec l’équipe artistique le vendredi
2 juin 2023 à l’issue de la
représentation.