Évènement

Exposition d'Anna DITSCHERLEIN à la Galerie du Haut Pavé

Du mardi 7 janvier au samedi 1er février 2025
« Le corps est le point zéro du monde, là où les espaces et les chemins viennent se croiser le corps n’est nulle part ; Il est au cœur du monde ce petit noyau utopique à partir duquel je rêve, je parle, j’avance, j’imagine, je perçois les choses en leur place et je les nie aussi par le pouvoir indéfini des utopies que j’imagine » (Michel Foucault, 1966, Le Corps utopique)
Dans cette série de grands tableaux étalés sur trois ans, l’artiste poursuit ses expérimentations sur la figuration ou l’impossible figuration du corps, avec un intérêt passionné pour ce que Brauner nommait la « guerre morphologique de l’homme » et son cortège d’images métamorphiques, portées par les processus de déplacement, distorsion, attraction, coalescence qui affectent l’anatomie humaine.
D’autant plus que le corps est engagé dans d’étranges migrations, en partance vers des univers où la fantaisie se donne une totale liberté. Il est partout présent, même absent ou effacé, toujours transfiguré par des couleurs invraisemblables, vibrantes et électriques et baignant dans des éclairages hallucinants, psychédéliques ou caustiques, se refusant à l’objectivation traditionnelle et patriarcale du regard masculin. Elle le fait aussi en artiste « sémionaute » (Nicolas Bourriaud). Elle produit des itinéraires à travers des signes, des formes et des images connues, des références culturelles, les codes de la légende, du conte, de la bande dessinée ou de la publicité, autant de codes qu’elle fait malicieusement bifurquer, qu’elle détourne avec un humour bien à elle, qu’elle pousse à la limite, jusqu’à la dérision et le sarcasme, cette forme de rire qui selon son étymologie « déchire la chair », une mordante ironie.
C’est une quête où l’on peut être sensible à la liberté des formes et du dessin, au traitement, voire à l’exaspération des couleurs, à la diversité des entrées dans « la parabole graphique sans cesse recommencée de la condition humaine » …mais sur- tout qui interpelle le regard quant à cet énigmatique objet qui anime la recherche, le geste de l’artiste.
Le point d’où jaillit ce geste, un nœud d’âme, de pensée et de désir, c’est toujours un point du corps, un lieu de questions urgentes et brûlantes, qu’est-il ? Où est -il ?
Que peut-il ? Foucault évoque sa « topie impitoyable » : Il sera toujours là où je suis et c’est la source d’une souffrance indépassable, captée chaque matin dans le miroir, il ne répondra jamais à l’utopie où je voudrais être et pourtant toutes ces utopies et rêves du corps qui veut s’échapper à lui-même trouvent bien leur origine et leur point d’application dans ce corps. Il en faut un pour travailler contre lui, et c’est ce travail qui établit le rapport entre sa souffrance et son désir – le désir est cette troisième dimension : par le désir mon corps est toujours ailleurs, lié à tous les ailleurs du monde, au point d’être ailleurs que dans le monde.
Tel est ce noyau utopique du corps, un enchaînement de trois dimensions de l’expérience du corps, à tenir au chaud à même le corps, une boussole pour s’orienter dans ces très plaisantes migrations du corps d’Anna Ditscherlein.
Georges Quidet, HCE Galerie

Mise à jour le 19/12/2024

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