Le Centre Pompidou consacre une monographie à l’artiste emblématique et audacieuse Suzanne Valadon (1865-1938), l’une des plus importantes de sa génération. Une expo forte qui mérite d’être visitée.
De quoi ça parle ?
Suzanne Valadon n’a pas bénéficié de monographie à Paris depuis celle que le musée national d’Art moderne lui avait consacrée en 1967. Présentée au Centre Pompidou (Paris Centre), l’exposition « Suzanne Valadon » retrace son itinéraire depuis ses débuts de modèle jusqu’à sa reconnaissance artistique, intervenue très tôt, par ses pairs et la critique.
Véritable « passeuse » d’un siècle à l’autre, l’artiste embrasse la ferveur parisienne, ses cafés, ses bals musettes, ses cabarets et ses multiples révolutions artistiques, intellectuelles et sociétales. Suzanne Valadon est la première femme à peindre en grand format un nu masculin de face.
L’avis de la rédaction
Pour l’une de ses dernières grosses expositions avant sa fermeture, le Centre Pompidou frappe fort et juste, en braquant ses projecteurs sur Suzanne Valadon, artiste emblématique du XXe siècle. D’abord modèle pour de grands peintres (Toulouse-Lautrec, Henner, Puvis de Chavannes), c’est elle qui finira par peindre des nus masculins et féminins, un thème jusque-là réservé aux hommes. Et c’est notamment ce female gaze, ce regard précurseur, que le musée nous invite à observer.
Un regard féminin
La visite s’ouvre en ce sens sur l’un de ses tableaux les plus connus et les plus emblématiques de son œuvre : La Chambre bleue, peint en 1923. Une toile moderne et, surtout, authentique qui rompt avec les représentations féminines réalisées par ses contemporains : le corps du modèle n’est pas idéalisé et la scène n’est pas érotisée.
Sous les doigts de Suzanne Valadon, les femmes – mais aussi les hommes – se dévoilent dans une intimité brute, sans artifice ni voyeurisme. Une fillette découvrant son anatomie à l’aide d’un miroir, une mère qui sèche le corps de sa fille, une femme humant un bouquet de fleurs : les moments de la vie quotidienne ne servent pas de prétexte à satisfaire la curiosité ou le plaisir du spectateur.
Une peinture authentique
« Je peins les gens pour apprendre à les connaître », disait-elle. Aussi, lorsque l’artiste se lance dans le portrait bourgeois dans les années 1920 – ce qui engendre son ascension sociale, elle qui avait plutôt l’habitude de représenter des femmes du peuple –, on y lit la même volonté de traduire le réel. Des yeux absents, un visage marqué par les rides, un corps vieillissant : elle ne pose pas de regard compatissant sur ses sujets. Ses portraits cherchent avant tout à saisir la vérité.
Une artiste à (re)découvrir de toute urgence
Une femme libre, un parcours atypique, un art transgressif : au-delà de la richesse de l’exposition, cette rétrospective replace dans la lumière cette artiste qui, si elle a réussi à imposer son nom dans un milieu et une époque largement dominés par les hommes, était jusqu’à présent relativement méconnue du grand public…
Le saviez-vous ?
Après les expositions consacrées à Alice Neel, à Georgia O’Keeffe, à Dora Maar ou à Germaine Richier, cette monographie valorise la démarche engagée du Centre Pompidou pour approfondir l’étude et la connaissance du travail de femmes artistes, et accroître la part de leurs œuvres dans la collection.